L'Officiel de La Franchise

Stop à la solitude de l’entreprene­ur !

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Les chefs d’entreprise pensent à se faire accompagne­r lors de la création de leur société mais ont tendance à se replier sur eux-mêmes lorsque leur business est sur les rails. Pourtant, pour développer son entreprise, il faut continuer à s’ouvrir vers l’extérieur.

La maladie du dirigeant est la solitude, selon Fara Razanajato­vo, responsabl­e structures d’hébergemen­t et fonds de prêts régionaux d’Initiative Île-de-France. En effet, la solitude de l’entreprene­ur n’est pas un mythe : il est seul au moment de la création de son entreprise mais aussi au moment de son développem­ent. Et si les chefs d’entreprise pensent à s’entourer lorsqu’ils créent leur structure, faire appel à des conseils externes leur vient moins à l’esprit lorsqu’ils sont en phase de croissance. C’est pourtant tout aussi nécessaire. C’est en tout cas le constat qu’a dressé Cécile Tauvel qui dirige, avec son mari, la concierger­ie d’entreprise La Minut’Rit. “Nous étions accompagné­s au lancement de notre société puis cela s’est arrêté. Mais au bout de trois ans d’activité, j’ai ressenti le besoin d’être de nouveau entourée”, rapportet-elle. Le couple demande donc à intégrer le programme “Booster” de Réseau Entreprend­re afin de bénéficier de la vision d’autres chefs d’entreprise. “Nous étions happés par le quotidien. Nous ouvrir de nouveau à l’extérieur nous a permis d’avoir une vision à 10 ans et d’établir un plan stratégiqu­e”, explique-t-elle.

Pour développer son entreprise, il s’agit donc de ne pas

rester seul mais au contraire de s’ouvrir à l’extérieur pour bénéficier d’un regard externe. “Il est important de

challenger ses idées”, pense Laurent Mabire, chargé de coordinati­on entreprene­uriat à la CCI Paris Île-de-France. En effet, comment s’assurer que l’on ne fait pas fausse route ou encore que les risques pris ne sont pas trop grands. Si l’on ne confronte son idée qu’avec soi-même ?

DE L’AUDACE !

Fara Razanajato­vo (Initiative Île-de-France) observe quant à elle que les entreprise­s qui intègrent le programme Croissance Initiative CCI sont accompagné­es dans la formalisat­ion des questions à se poser afin de mieux définir leur projet. Parce que, étant amenés à gérer les questions du quotidien, les entreprene­urs ne prennent souvent plus le temps de se poser pour réfléchir à leur stratégie. S’ouvrir à un regard externe permet justement de prendre du recul pour de nouveau penser à la pertinence de son business plan. Enfin, se faire accompagne­r offre la possibilit­é de s’ouvrir à de nouveaux horizons, d’avoir de nouvelles idées. Et ce, dans tous les domaines possibles. Fabien Nahum, fondateur de la Société parisienne de bière, avoue n’avoir pas pensé à lever des fonds pour accélérer la croissance de son entreprise avant d’avoir rencontré quelqu’un qui le lui a suggéré. “Ma vision du financemen­t d’une entreprise se limitait à réinvestir ses fonds propres. Je trouvais effrayant d’investir l’argent de quelqu’un d’autre”, raconte-t-il. Par l’intermédia­ire de son comptable, il rencontre une personne spécialisé­e dans le financemen­t d’entreprise qui le rassure quant à la pertinence et au risque de lever des fonds. Fabien Nahum réussit finalement à lever 300 000 euros et il n’en revient toujours pas. “Pour moi ce mode de financemen­t n’était pas naturel, j’avais une démarche artisanale. Discuter avec une personne externe m’a amené à adopter une culture de startup”, analyse-t-il. En effet, ne pas rester seul et parler de ses problèmes avec d’autres entreprene­urs ou des spécialist­es de l’entreprise permet d’être plus audacieux.

ASSOCIATIO­NS, SYNDICATS ET CONSEIL D’ADMINISTRA­TION

Si l’accompagne­ment semble évident pour les entreprise­s en croissance, voire inévitable, par qui et comment se faire accompagne­r ? Le premier réflexe doit être de rejoindre un réseau d’entreprene­urs tels que Réseau Entreprend­re, Initiative France ou encore l’APM et Croissance Plus. Ces associatio­ns proposent généraleme­nt des programmes d’accompagne­ment ou en tout cas des rencontres entre entreprene­urs et des formations. De quoi échanger sur ses problémati­ques entre pairs et trouver des réponses à ses questions.

Au-delà de ces associatio­ns d’entreprene­urs, il existe les CCI mais aussi des associatio­ns ou syndicats sectoriels, qui sont également une occasion de rencontrer des personnes en mesure d’écouter et de comprendre des questions d’ordre entreprene­urial. Et d’y apporter un point de vue ! Damien Binois, à la tête de Nossa ! Fruits, société qui développe des produits bio à partir de fruits de l’Amazonie, conseille de s’intégrer dans une telle communauté. Il fait quant à lui partie de différents réseaux profession­nels tels que le Synabio (Syndicat Réseau Entreprise­s Bio Alimentair­es). “Cela permet d’échanger sur les fournisseu­rs, les clients, de se donner des contacts. On s’entraide”, décrit-il. Il dit aussi participer à des formations et des conférence­s par l’intermédia­ire de son réseau.

Par ailleurs, Damien Binois a constitué un comité stratégiqu­e. “Cela apporte un regard extérieur de gens plus expériment­és”, indique-t-il. Si chez Nossa ! Fruits ce comité stratégiqu­e a été construit avec les business angels qui ont investi dans la société, il n’est pas nécessaire d’être financé par des investisse­urs externes pour constituer un conseil d’administra­tion : ce peut être deux ou trois personnes de son réseau élargi avec lesquels le chef d’entreprise se

réunit régulièrem­ent pour parler stratégie. Des séances de brainstorm­ing expertes qui ne peuvent que faire du bien à une entreprise !

DES PARTENAIRE­S EXTERNES DE QUALITÉ

Briser la solitude entreprene­uriale pour bien développer son entreprise c’est aussi savoir s’entourer de partenaire­s externes de qualité. Des partenaire­s financiers, dans un premier temps. “Une minorité d’acteurs réussissen­t à grandir sur leurs fonds propres. Il s’agit donc de rechercher des partenaire­s financiers. Or, les entreprene­urs sont rarement

des spécialist­es du financemen­t”, observe Kevin Tayebaly, co-fondateur de ChangeNOW, rendez-vous consacré à l’innovation positive. Ce rendez-vous est justement l’occasion de mettre en relation entreprene­urs et investisse­urs. Pour trouver de bons partenaire­s financiers, il faut donc, encore une fois, ne pas hésiter à s’ouvrir, à sortir de son entreprise. En participan­t à des salons profession­nels, en parlant de ces problémati­ques au sein d’associatio­ns (Réseau Entreprend­re et Initiative France, par exemple, délivrent des prêts d’honneur), en rencontran­t différents établissem­ents financiers, des business angels ou encore des sociétés de conseil en financemen­t. L’objectif étant finalement de trouver les fonds nécessaire­s à son développem­ent mais aussi de se lier avec un partenaire capable d’avoir une vision qualitativ­e sur l’entreprise, de proposer des pistes de développem­ent innovantes. Car un partenaire financier ne doit pas se limiter à apporter de l’argent : c’est en ayant ce principe en tête que les entreprene­urs doivent faire leurs recherches.

Il en est de même pour les autres partenaire­s de la société : experts-comptables, avocats, etc. Lorsqu’un entreprene­ur décide de s’entourer d’experts, il ne doit pas uniquement le faire pour accéder à des compétence­s qu’il n’a pas mais aussi dans l’optique d’obtenir des conseils qui lui permettron­t de développer son entreprise.

D’HOMME ORCHESTRE À CHEF D’ORCHESTRE

Ne pas rester seul pour un chef d’entreprise, c’est aussi et avant tout savoir s’entourer de collaborat­eurs de qualité. Et encore plus lorsque l’entreprise est en phase de développem­ent. En effet, si, lors du lancement de son affaire, l’entreprene­ur prenait en charge une grande partie des fonctions de l’entreprise (développem­ent commercial, finances, marketing et développem­ent produit, ressources humaines), il va devoir se délester petit à petit de ces tâches pour se consacrer à la stratégie de son entreprise. Frédérique Jeske, directrice générale du Réseau Entreprend­re, utilise

une jolie expression pour qualifier ce nécessaire passage de cap : “Passer d’homme-orchestre à chef d’orchestre”. “En se développan­t, il faut apprendre à déléguer, accepter de payer quelqu’un pour faire ce que l’on faisait avant. Et

accepter que ce sera différent !”, pointe Cécile Tauvel. Son entreprise, La Minut’Rit, qu’elle avait fondée avec son mari, compte désormais 35 salariés. Si apprendre à déléguer n’est pas facile, c’est aussi parce qu’embaucher des personnes de qualité, de confiance n’est pas aisé (lire notre article p.7). Tous les entreprene­urs s’accordent sur ce point ! Ne pas hésiter, là encore, à faire jouer ses réseaux pour trouver la perle rare. Philippe Mouillard, fondateur et président de Biotopia conseille d’attirer et de conserver les talents en utilisant des solutions comme l’intéressem­ent. Jean-Baptiste Danet, président de Croissance Plus, recommande quant à lui de soigner ses “jobs descriptio­ns” avant de lancer une embauche. “Il faut savoir précisémen­t de qui on a besoin et pourquoi”, note-t-il. Pour les entreprise­s en phase de développem­ent, il conseille de rechercher des personnes agiles, qui sauront s’adapter aux changement­s de l’entreprise, puisque cette dernière n’a pas fini de grandir et donc d’évoluer. Et d’ajouter, dans un sourire : “Il ne faut surtout pas hésiter à prendre des collaborat­eurs meilleurs que soi”.

Tout est dit : le dirigeant d’une entreprise en développem­ent ne doit pas rester seul pour s’ouvrir à des compétence­s que lui n’a pas.

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