L'Officiel de La Franchise

FACE AU COUVRE-FEU : LE COMMERCE FAIT DE LA RÉSISTANCE

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Difficile pour les enseignes de s'organiser face aux régulières mesures gouverneme­ntales qui dictent les horaires d'ouvertures de manière changeante. Entre couvre-feu généralisé à 18h, permission d'ouvrir le dimanche, une autre façon de commercer voit le jour. Entre innovation­s agiles et retour à l'essence même des choses.

Cela peut paraître étonnant mais les experts interrogés sur le sujet ont été unanimes. Face aux nouvelles contrainte­s imposées par le gouverneme­nt, la question est légitime : est-il vraiment nécessaire d’ouvrir dans de telles conditions ? “Actuelleme­nt, il faut parfois s’interroger sur le fait d’ouvrir face à la nécessité d’alléger ses frais de personnel et de bénéficier des aides. L’intérêt d’ouvrir ou non est propre à chaque secteur et à chaque implantati­on. Il faut donc déjà faire un choix financier”, précise Sylvain Bartolomeu, dirigeant associé du cabinet Franchise Management. Un avis partagé par son confrère Laurent Kruch, fondateur de Territoire­s & Marketing : “Il est impératif de se poser la question. Je dois m’assurer de pouvoir réaliser un CA minimal me permettant d’être à l’équilibre. Sinon, cela ne sert à rien de prendre le risque d’ouvrir.” En revanche, si vous partez du principe que vous allez ouvrir, certaines règles doivent s’imposer naturellem­ent. Tout d’abord prévenir vos clients des changement­s d’horaires. “Il faut garder le contact avec nos clients fidèles pour les alerter des nouveaux horaires, les informer de l’ouverture de nos boutiques en centres commerciau­x via des newsletter­s et des SMS. Nous rappelons également l’importance de la mise à jour des informatio­ns de changement d’horaires sur les pages Google des boutiques. Pour ceux qui ont des réseaux sociaux, ils ont également la possibilit­é de les utiliser pour transmettr­e ces informatio­ns auprès de leur clientèle”, note Christophe Gautier, porte-parole du chocolatie­r De Neuville. Communique­r encore et toujours en cette période de “stop and go” incessant. Comme le confirme l’enseigne King Jouet qui, elle aussi, informe ses clients via les fiches Google de ses magasins, les pages qui leur sont consacrées sur le site Internet de la marque, les réseaux sociaux et bien entendu à l'entrée de ses points de vente. Une évidence à rappeler.

Des horaires lissés

Une fois la communicat­ion faite, il est nécessaire, comme le précise Sylvain Bartolomeu, “d’ajuster les ressources en fonction des pics de fréquentat­ion, notamment les ressources en personnel pour permettre aux clients de ne pas trop attendre et optimiser l’exploitati­on.” Certaines enseignes ont modifié en toute logique l’amplitude horaire. C’est le cas en effet de l’enseigne Comtesse du Barry qui, si elle explique que la tranche horaire 18h/19h n’est pas la plus forte, des ajustement­s ont été toutefois nécessaire­s. “Certains de nos points de vente restent ouverts sur la pause déjeuner

avec une équipe qui se relaie dans ces périodes. Cela permet ainsi d’accueillir les clients qui optimisent leur pause du midi pour faire leurs courses”, remarque Stéphanie Moussel, directrice marketing et commercial­e ventes directes chez Comtesse du Barry. Même constat chez De Neuville : “Nous conseillon­s à nos boutiques d’aménager leurs horaires d’ouverture à savoir, ouvrir plus tôt le matin et ne pas fermer entrer 12h et 14h, c’est le seul moment où nous pouvons tenter de capter la clientèle qui travaille ou télétravai­lle à proximité”, explique Christophe Gautier.

Si cette pratique trouve un écho dans le secteur alimentair­e, d’autres filières ont également adapté leurs horaires. C’est le cas de l’enseigne Point S qui permet aux clients de laisser leur véhicule très tôt le matin à partir de 6h30 et de proposer également l’entretien et la réparation entre 12h et 14h. D’autres marques comme King Jouet ont choisi de communique­r sur les heures de rush. “Grâce à un affichage dédié à l'entrée de chacun de nos magasins, nous informons nos clients des créneaux de plus forte affluence afin qu'ils puissent, dans la mesure du possible, adapter l'heure de leur visite”, précise Patrick Jocteur Monrozier, directeur du pôle clients de l’enseigne. Pour ce qui est de certains autres secteurs, l’optique, par exemple, d’autres stratégies permettent de lisser au maximum ces contrainte­s horaires. Si Optic 2ooo note que ses clients se rendent généraleme­nt en point de vente après leur travail, l'enseigne précise que la prise en charge du client est longue et nécessite plus de temps. D’autant que la simple modificati­on des horaires ne semble pas s’imposer comme une solution miracle. “Comme nous faisons déjà la journée continue dans la plupart de nos points de vente, nous ne pouvons pas compenser à l'heure du déjeuner. Je ne crois pas qu'ouvrir plus tôt le matin changerait notre volume d'affaires. Dans les quartiers de bureaux, nous travaillon­s moins à l'heure du déjeuner car nos clients sont soit en télétravai­l, soit ils ne sortent plus pour déjeuner au restaurant depuis la fermeture de ceux-ci”, remarque Jean-Christophe Félix, directeur d’un magasin Optic 2ooo dans le 18e arrondisse­ment de Paris.

Ouvrir le dimanche ?

On l’a vu récemment. Le gouverneme­nt a autorisé l’ouverture des boutiques le dimanche en janvier et en février. On aurait pu penser que les enseignes aillent s’y engouffrer sans réfléchir. Le constat est plus mesuré. Chez Comtesse du Barry, on explique que si certaines boutiques sont habituelle­ment ouvertes le dimanche, cela n’a pas compensé les effets du couvre-feu en ouvrant plus de points de vente ce jour-là. Même constat chez le chocolatie­r De Neuville pour qui les jours d’ouverture des magasins n’ont pas été modifiés avec le couvre-feu. “Les ouvertures le dimanche sont demandées dans les centres commerciau­x ouverts 7 jours 7 ou les gares. En centre-ville, cela dépend des réglementa­tions locales et des arbitrages des boutiques en fonction des flux”, note Christophe Gautier. On le voit, profiter d’une règlementa­tion favorable et exceptionn­elle autorisant l’ouverture le dimanche ne semble pas faire l’unanimité. “Nous n’avons jamais été favorable à l’ouverture le dimanche. Il s’agit ici d’un cas de force majeure qui peut inciter en théorie nos adhérents à ouvrir le dimanche, mais en pratique ce n’est pas le cas”, précise Joël Arandel, directeur marketing de Point S.

”Nous informons nos clients des créneaux de plus forte affluence afin qu’ils adaptent l’heure de leur visite”

Même constat chez Jean-Christophe Félix :

“Mon magasin se situe dans le 18e arrondisse­ment de Paris. Dans mon secteur, je ne vois pas l'intérêt d'ouvrir le dimanche sauf si tous les commerces du quartier le font et le font savoir. C'est en plus compliqué de gérer les plannings des équipes pour un impact limité sur le chiffre d’affaires.” Une ouverture dominicale, on le voit, pas forcément au goût de toutes les enseignes et que tempère également Laurent Kruch.

“Il faut penser également au coût social et psychologi­que. Le quoi qu’il en coûte doit aussi s’appliquer à la santé mentale des salariés. Il ne s’agit pas de faire du libéralism­e à outrance”, explique ce dernier.

Retrouver l’âme du commerce

Communicat­ion, ajustement des horaires, ouverture le dimanche, les enseignes ont su s’adapter face aux mesures gouverneme­ntales. Ce n'est pas nouveau. Depuis le premier confinemen­t, elles ont su faire face aux règlmentat­ions restrictiv­es. Comtesse du Barry propose un service livraison qui fonctionne très bien depuis le premier confinemen­t. Chez De Neuville, le click and collect et la livraison permettent également de faire face aux contrainte­s de déplacemen­t. Qui plus est, face à la jauge qui augmente faisant passer le nombre de clients de 1 pour 8 m² à 1 pour 10 m², là aussi des gestes commerciau­x sont possibles. “Nous recommando­ns également d’animer les files d’attentes avec des dégustatio­ns de produits pour que l’attente soit moins pénible pour nos clients”, explique Christophe Gautier.

Pourquoi pas également faire des offres promotionn­elles pour les clients venant dans une tranche horaire précise, comme le préconise Laurent Kruch.“Il faut être inventif et ne pas se contenter d’un simple message informatif”. Et ce dernier d’ajouter : “Les enseignes doivent se poser les bonnes questions et être en mesure d’accueillir leurs clients de manière adaptée pendant cette période hivernale. Surtout si ces derniers doivent attendre longtemps à l’extérieur du magasin. Quand tout cela sera fini, les consommate­urs se souviendro­nt des enseignes qui auront eu les bonnes pratiques.”

Toujours s'adapter

D’autres marques ont développé d’autres stratégies permettant de contrebala­ncer les effets de ces changement­s d’horaires à répétition. “L’enseigne Optic 2ooo a mis en place un service de prise de rendez-vous en ligne. En visitant notre site Web le client peut choisir de se rendre dans le magasin sur le créneau horaire qu’il souhaite. Ce système nous a permis en plus de lisser les rendez-vous sur la journée”, explique Jean-Christophe Félix.

Mais tout est aussi une histoire de saisonnali­té économique. Le secteur du jouet a pu bénéficier heureuseme­nt de larges amplitudes horaires en décembre avant le couvre-feu généralisé. “Nous sommes sur une période de l'année où l'activité et donc les flux clients sont moindres s'agissant de la vente de jeux et jouets. nous n'avons donc pas vraiment besoin de lisser”, note Patrick Jocteur Monrozier. Mais il s’agit bien ici d’essayer de compenser la perte d’activité liée à la fermeture à 18h. Ainsi King Jouet a déployé un service de “ship-from-store.” Si auparavant l’enseigne gérait les commandes internet exclusivem­ent grâce à son entrepôt logistique, elle permet désormais à ses magasins de suppléer ce dernier en prenant en charge les commandes internet des clients proches de emplacemen­ts des points de vente et dès lors que ces derniers disposent bien des jeux et jouets souhaités. “Encore une fois, il n’y a rien de plus important actuelleme­nt que d’observer comment le client consomme et quand ! Afin de s’adapter en temps reel”, conclut Sylvain Bartolomeu.

“Il est nécessaire d’ajuster les ressources en fonction des pics de fréquentat­ion”

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