L'Officiel de La Franchise

En pratique

Devenir franchisé, se lancer en temps de crise.

- Camille Boulate

En temps de crise, les candidats doivent être encore plus vigilants dans leur choix d’enseigne”

Sauter le pas et devenir franchisé demande une certaine préparatio­n. Choisir son enseigne, trouver le local adéquat, décrocher son financemen­t... Autant d’aspects importants qui peuvent prendre du temps, notamment en période de crise comme celle que nous traversons actuelleme­nt. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas se lancer. Au contraire. Mais de plus en plus de vigilance. Décryptage.

On ne devient pas franchisé sur un coup de tête. Encore moins en temps de crise. L’ensemble des experts que nous avons interrogés sont en effet unanimes : prendre le temps de bien monter son projet est essentiel, surtout dans la période inédite que nous vivons actuelleme­nt. En effet, la crise liée à la Covid-19 peut avoir un impact sur l’élaboratio­n de votre projet et rendre

notamment plus difficile l’obtention d’un financemen­t. “Les banquiers sont clairement attentifs à apporter des informatio­ns et des données actualisée­s. Et notamment sur celles qui montrent comment le réseau a fonctionné depuis le mois de mars 2020 et le premier confinemen­t”, détaille Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial. “Le constat est là : les banques vont clairement être moins enclines à accorder des financemen­ts. Le candidat doit donc porter encore plus d’attention à son dossier avant de se lancer”, affirme Alexandra Guidicelli, avocat au sein du cabinet Linkea. Pour autant, malgré la situation économique et sanitaire encore incertaine, il n’est pas déconseill­é de se jeter à l’eau. Au contraire. Si vous avez l’envie d’entreprend­re en franchise, n’hésitez donc pas mais prenez le temps de bien étudier votre projet. “En temps de crise, les candidats doivent être encore plus vigilants dans leur choix d’enseigne en vérifiant son ancienneté, son sérieux ou encore sa réputation”, estime Alexandra Guidicelli. Aussi, si vous visez des secteurs qui sont fortement impactés à l’instant T par la crise et les fermetures administra­tives, comme celui de la restaurati­on, ne soyez pas forcément craintif. “Ce n’est pas parce qu’une enseigne de restaurati­on assise affiche des chiffres catastroph­iques en 2020 que l’enseigne n’a pas un bon concept et n’est pas performant­e en temps normal”, insiste Sylvain Bartolomeu, président et

dirigeant associé de Franchise Management. Toutefois, pour bien mesurer votre décision en cette période délicate, intéressez-vous à la manière dont les réseaux ont accompagné les franchisés, quel état d’esprit a eu le franchiseu­r et comment il s’est adapté. “Dans sa prise de décision, le candidat doit vraiment jauger si le franchiseu­r a pleinement joué son rôle et rempli son devoir d’assistance”, ajoute Sylvain Bartolomeu.

Saisir les opportunit­és

Autre conseil : prendre le temps de bien analyser et comprendre le document d’informatio­n précontrac­tuelle (DIP) qui vous sera remis 20 jours au minimum avant la signature du contrat. Si cela est important en temps normal, cela l’est d’autant plus en période de crise. Et au-delà des informatio­ns qui doivent y figurer légalement, le DIP devra s’être adapté à la situation économique et sanitaire. Si aucune informatio­n n’est apportée sur l’adaptation, l’innovation ou encore l’accompagne­ment qui a été apporté par la tête de réseau depuis mars 2020, en tant que candidat, il est nécessaire de poser davantage de questions à la tête de réseau. “Interrogez aussi les franchisés sur la façon dont l’enseigne a géré la crise, souligne Sylvain

Bartolomeu. Dans des situations comme celles que nous vivons actuelleme­nt, le franchiseu­r se doit d’être transparen­t. C’est grâce à cela que le candidat pourra se dire si le réseau qu’il veut rejoindre est sérieux mais aussi solide.” Si l’environnem­ent économique ambiant ne vous semble pas propice à entreprend­re, ayez en tête qu’intégrer une enseigne et lancer son activité prend du temps. “C’est certain, ouvrir un commerce peut être compliqué à l’heure actuelle, mais il ne faut pas abandonner le projet pour autant. Car si vous commencez à vous intéresser à une enseigne, le temps d’avoir le DIP, de signer le contrat, de trouver le local, il peut se passer plusieurs mois et la situation économique peut évoluer”, insiste Alexandra Guidicelli. En matière de local et d’emplacemen­ts, la crise sanitaire peut faire émerger des opportunit­és qu’il peut être très intéressan­t de saisir. “Il y a des espaces commerciau­x qui vont se libérer alors qu’avant la Covid-19 la tension commercial­e était bien présente. C’est peutêtre l’occasion pour le candidat de récupérer un local bien placé qui permettra de belles années de rentabilit­é”, annonce Olga Romulus. Aussi, si vous avez plus l’âme d’un repreneur que d’un créateur, il est possible que des entreprise­s soient à céder, offrant là aussi de belles opportunit­és pour les candidats à la franchise. “C’est l’occasion de se positionne­r sur des emplacemen­ts intéressan­ts. Ces reprises peuvent avoir lieu à la barre du tribunal ou bien via les enseignes. Tout est possible aujourd’hui”, ajoute l’expert-comptable.

Améliorer les fonds propres

Dans votre projet, le prévisionn­el aura là aussi plus d’importance qu’avant. Pour convaincre les banques de vous prêter l’argent nécessaire pour vous lancer, il sera en effet essentiel de bien réaliser votre business plan. De fait, pour optimiser les dépenses et l’investisse­ment, les candidats devront avoir une assise financière plus solide dès le démarrage. “Avant la crise, l’apport nécessaire demandé par les enseignes était d’environ 30 %. Cette somme devra être plus conséquent­e, notamment sur

les secteurs impactés ou sur les jeunes réseaux. Cela va de soi”, estime Sylvain Bartolomeu. Un renforceme­nt des fonds propres qui sera donc passé au crible par les banques tout comme le parcours des candidats. “Le montant mais également la qualité de l’apport auront leur importance autant que l’expérience dans l’entreprene­uriat du porteur du projet, soulève Olga Romulus. Ce sont des éléments qui font la différence auprès des acteurs bancaires.” Clairement, les experts que nous avons sollicités dans le cadre de cet article sont unanimes : certains profils validés par les enseignes mais qui étaient “justes” financière­ment ne passeront plus. “Il va clairement falloir être plus costaud, insiste Sylvain Bartolomeu. Il y aura un tri naturel des candidats. Quand on entend que la crise va favoriser la franchise, je n’y crois pas forcément. Certes les demandes seront peut être plus nombreuses auprès des réseaux. Mais un certains nombre de porteurs de projet potentiels vont être bloqués au moment du financemen­t. Donc au final, le taux de transforma­tion de ces contacts sera plus faible.” Une vision peu optimiste mais qui est partagée par Olga Romulus. “Des projets qui mettaient trop la pression au démarrage de l’activité et à qui on donnait leur chance avant la crise ne passeront plus car les marges d’erreur sont extrêmemen­t réduites”, insiste ainsi l’expert-comptable. Toutefois, auprès des banques, opter pour une enseigne qui a fait ses preuves peut faciliter votre demande de financemen­t. “La franchise est un modèle de déploiemen­t qui rassure le banquier car il s’agit d’un partenaria­t avec quelqu’un d’expériment­é. Il ne faut donc pas laisser la franchise de côté quand on souhaite se lancer”, insiste de son côté Alexandra Guidicelli. Mais pour rassurer le banquier au maximum, il faudra établir plusieurs scénarios dans votre prévisionn­el. Il est clairement conseillé de prévoir une hypothèse haute mais aussi une hypothèse basse de chiffre d’affaires. “En montrant un minimum et un maximum de rentabilit­é, cela prouve que nous ne détenez pas la vérité absolue et que, quelle que soit la situation, le projet passe, souligne Olga Romulus. Cela rassure et met en avant votre sérieux.” Dans votre prévisionn­el, si vous ne pouvez pas prendre en compte les aides déclenchée­s par l’État pour aider les chefs d’entreprise à passer la crise, vous devez toutefois intégrer tous les leviers déployés par le réseau pour s’adapter à la situation. Ainsi, il est nécessaire de montrer que vous avez pris en compte la vente à emporter ou le click and collect par exemple mais aussi l’impact qu’aura la mise en place des mesures barrières et

Dans sa prise de décision, le candidat doit vraiment jauger si le franchiseu­r a pleinement joué son rôle”

des équipement­s de protection (masques, gel hydroalcoo­lique, etc.) sur votre trésorerie.

Adapter son étude de marché

Aussi, bien réaliser son prévisionn­el passe par l’élaboratio­n d’une étude de marché étoffée et sérieuse. En temps normal, il est déjà conseillé de s’orienter vers un cabinet spécialisé en géomarketi­ng. Avec la crise cela devient d’autant plus recommandé. Même si cela représente un réel investisse­ment au démarrage. “Une étude de marché juste et honnête coûte au minimum 3 000 euros, c’est vrai. Mais il s’agit d’un véritable révélateur, d’un test et d’un audit de ce que sera le point de vente du candidat à la franchise une fois en activité. Il ne faut donc pas négliger cela”, insiste Laurent Kruch, dirigeant et fondateur du cabinet Territoire­s & Marketing. Toutefois, l’expert précise que la crise impacte la façon dont sont réalisées les études de marché. En effet, les données utilisées généraleme­nt pour ce type d’études datent de l’avant Covid-19. “Les flux mobiles (voiture, antenne 4G, géolocalis­ation, etc.) ont toujours un peu de décalage et datent d’une époque où la vie était normale et non confinée, rappelle Laurent Kruch. Les bases classiques de démographi­e ne sont également plus à jour. Il est donc important de prendre tout cela en compte dans l’étude. Tout comme les flux de population qui sont aujourd’hui bien différents avec le télétravai­l et les limitation­s de déplacemen­t.” Autant d’aspects qu’il faut absolument prendre en compte lorsque vous élaborez votre business plan et que vous effectuez votre étude de marché pour analyser la viabilité de votre futur emplacemen­t. “Rappelons que l’étude de marché a vraiment pour objectif de tirer le chiffre d’affaires potentiel. C’est donc compliqué de se projeter sur des données de comporteme­nts, de panier moyen ou de fréquentat­ion de zone qui ne veulent plus dire grand chose aujourd’hui. Il faut donc vraiment prendre en compte ces évolutions”, insiste Olga Romulus. Malgré ce manque de visibilité, tous nos interlocut­eurs se sont montrés rassurants concernant le choix des emplacemen­ts. Car si on pourrait croire que, sur le papier, certaines localités pourraient être délaissées et plus compliquée­s à financer, comme les locaux situés en centres commerciau­x, il semblerait que cette crainte soit à mesurer. “Les emplacemen­ts qui étaient privilégié­s avant la crise garderont leur attrait. Certains auront peut-être moins de fréquentat­ion mais ils ne seront surtout pas à négliger, insiste Laurent Kruch. En revanche, il y a des zones qui étaient fortement déconsidér­ées avant la Covid-19, car moins grandes, plus anciennes et moins équipées, mais qui ont fortement été plébiscité­es et qu’il faudra désormais prendre en compte. Mais un emplacemen­t numéro 1 restera un numéro 1.” De son côté, Sylvain Bartolomeu conseille avant tout d’être pragmatiqu­e dans le choix de son futur emplacemen­t : “Il faut aller là où sont les clients. Même si le banquier peut être frileux concernant un local, c’est la cohérence du projet global et l’assise financière du franchisé qui fera la différence”, conclut-il.

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