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Longtemps sous-estimée, l’ancienne Picardie serait-elle prête à se révéler avec la Covid-19 et l’envie des Parisiens de se mettre au vert ? Si sa population est moins riche qu’ailleurs et si ses villes de taille moyenne semblent perdues au milieu de la ca
Picardie : un futur havre à investir au plus vite
L’Oise, la Somme et l’Aisne sont proches de Paris, mais les réseaux les ignorent et ne voient que Lille, selon Emmanuel Jury, directeur associé du cabinet Progressium. “Mais tout cela est en train de changer : de plus en plus de magasins ouvrent en franchise dans de petites villes. Les cadres parisiens viennent aussi s’installer dans l’Oise et la Somme. Et la crise devrait accélérer cette tendance”. Sur le papier, l’ex-Picardie n’est guère attractive. “Ce sont des zones rurales, à la population vieillissante, et, si l'on met l’Oise de côté, avec des revenus assez faibles”, note Laurent Kruch, dirigeant de Territoires & Marketing. Mais elles possèdent aussi des atouts. “L’Aisne et la Somme ont un important taux de commerce sous enseigne. Ce n’est donc pas une zone fertile, mais il s'agit bien d’une terre de franchise”, explique-t-il. En outre, ouvrir dans des agglomérations de taille moyenne est plus facile que dans de grandes métropoles denses : “Il y a moins de concurrence et des loyers moins élevés”.
Amiens, moteur de la Somme
À une heure de Paris en train, Amiens est la seule métropole de Picardie, et la ville la plus attractive sur le plan commercial, tant en centre-ville qu’en périphérie. “Son coeur de ville a su rester dynamique, avec un coût de l’immobilier qui baisse et une faible vacance commerciale (8 %), qui est révélatrice de la bonne santé de ses commerces”, analyse Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. Amiens figure à la 11e place du palmarès Arthur Loyd des 18 métropoles les plus attractives. Son attrait, elle la doit “à son dynamisme démographique, à ses jolies maisons bourgeoises, à son coût de l’immobilier abordable et à sa proximité de Paris en train”, résume Valérie Guillevic, directrice d’Amplitude Réso. Si le coeur de ville est tout indiqué pour les métiers de bouche, le textile et la restauration, la périphérie n’est pas non plus à négliger : “Amiens a une très grande zone de chalandise (205 000 habitants), avec plusieurs domaines à investir : l’équipement de la maison, la parfumerie et les produits surgelés”, note Emmanuel Le Roch. Dans la métropole, deux zones commerciales majeures sont à cibler : celles de Glisy et Dury, qui regroupent chacune 80 boutiques, dont 90 % sous enseigne. Dans la Somme, Valérie Guillevic a retenu une autre ville, bien que plus petite : Abbeville. “Près de la baie de Somme, avec déjà de nombreuses résidences secondaires, elle attirera bientôt, de par son cadre de vie agréable, de très nombreux franciliens. Elle peut être très intéressante si l’on compte ouvrir un commerce de proximité, ou proposer des services aux particuliers. Il y a aussi un dynamisme qui ne demande qu’à se réveiller dans la restauration et l’équipement de la maison”, indique-t-elle.
Compiègne et Beauvais, perles de l’Oise
Emmanuel Le Roch conseille aussi de se tourner vers l’Oise, et Compiègne, en particulier : “Son centre-ville est tout aussi dynamique que celui d’Amiens. Et d’ici deux ans, elle pourrait bénéficier d’un effet télétravail, ceux travaillant à Paris étant susceptibles de s’installer durablement”. À moins d’une heure de la Capitale, l’ancienne résidence impériale offre un cadre de vie agréable et attractif : “on se trouve au bord de l’Oise et de la forêt, avec de bonnes écoles et des maisons cossues, dans un coeur de ville où les habitants, assez aisés, consomment. Des places restent à prendre, pourvu que l’on propose un concept moyen-haut de gamme”, indique Valérie Guillevic. Procos y note en outre un sous-équipement en bricolage et en équipement de la maison.
Autre “pépites” à cibler : Beauvais, Senlis et Chantilly. Des villes plus petites, mais qui accueillent là encore une population aisée, et qui attirent les cadres franciliens en quête de vert. 6e sur 10 du palmarès Arthur Loyd des agglomérations de taille moyenne, Beauvais enregistre notamment de bonnes performances économiques (malgré la crise), et attire grâce à un fort dynamisme dans les technologies de l'agro-alimentaire. Les principaux secteurs d’activité porteurs dans ces trois villes sont : les commerces de proximité, la restauration, les salles de sport, l’équipement de la maison / amélioration de l’habitat, les services à la personne et l’alimentaire bio. Enfin, si Creil est l’une des plus importantes
agglomérations de l’Oise et se situe à 25 minutes de Paris en TER, “mieux vaut cibler sa périphérie, car elle pâtit d’une forte insécurité”, observe Emmanuel Jury. Si elle figure dans le palmarès des petites villes d’Arthur Loyd, c’est surtout grâce à un pôle d’activité majeur, implanté dans la ville voisine de SaintMaximin. Le directeur associé de Progressium conseille aux candidats à la franchise de se tourner vers cette zone ( 170 commerces, 82 % sous enseigne), en particulier dans la restauration et l’équipement de la personne. Mais Laurent Kruch conseille aussi de s’intéresser à un projet qui pourrait rendre la villemême de Creil plus désirable : la création d’un écoquartier et d’un port fluvial, “Éc'eau port”, face à aux coteaux boisés de l’Oise. Un “port d’escale pour les croisières touristiques et les bateaux de tourisme fluvial”, destiné à “recréer un lien entre la ville et la rivière, à proximité du centre-ville et de la gare”, selon la région Hauts-de-France. Avec 330 nouveaux logements et 1 200 m² de commerces et services.
L’Aisne, injustement délaissée ?
Reste l’Aisne, délaissée par les réseaux. “Personne ne veut y aller. Or, il faudrait justement s’y implanter pour cette raison, lance Emmanuel Jury. Car qui dit sous-équipement, dit places à prendre”. Malgré ses 81 489 habitants, l’agglomération de Saint-Quentin est loin de Paris ; plus de deux heures de route. Et se caractérise par une population aux faibles revenus. “C’est la ville la plus fragile de Picardie. On y constate un important taux de vacance en centre-ville (17 %) et un maigre chiffre d'affaires. Et je ne pense pas que les choses s’arrangeront après la crise : son évolution démographique est négative et elle fait les frais de sa situation, coincée entre Amiens et Cambrai ; deux métropoles plus dynamiques”, analyse Emmanuel Le Roch. Mais paradoxalement, Saint-Quentin figure dans le palmarès Arthur Loyd des agglomérations de taille moyenne les plus
attractives. Elle supplante même Beauvais, de par sa qualité de vie. “Avec un beau parc naturel en plein coeur de ville, et des forêts alentour, il y fait bon vivre. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, beaucoup de parisiens achètent à Saint-Quentin en ce
moment. Il ne faut pas non plus oublier qu’on y trouve une école d’aéronautique réputée, et un grand pôle de formation en robotique”, nuance Marie-José Mahieux, conseillère création-reprise d'entreprise à la CCI de l’Aisne. Outre l’aide à la personne, les candidats à la
franchise devraient même pouvoir proposer des concepts de commerces de proximité innovants. Comme le fait Day by Day, une épicerie dédiée à la vente en vrac, qui mise sur une nouvelle “typologie de clients”. Ainsi, “de plus en plus de Saint-Quentinois veulent consommer autrement. La grande distribution est en perte de vitesses et les drives circuits courts ont pris de l'importance. La tendance est réelle”, indique-t-elle. Des enseignes dédiées au vélo et aux randonnées devraient aussi pouvoir tirer leur épingle du jeu. De son côté, Laurent Kruch conseille d’ignorer le centre-ville et de viser la périphérie, vers la zone d’activité du Fayet, où l’on trouve une centaine de boutiques et un centre commercial Auchan ; ainsi que dans le quartier du Faubourg d'Isle, où une friche industrielle est en cours de réaménagement, et destinée à accueillir de nouveaux arrivants, ainsi que des centaines de nouveaux commerces. Notamment dans le retail et la restauration. Nos experts recommandent finalement de cibler une autre ville, plus petite, moins accessible de Paris (1h15 en voiture, 2h30 en train), mais avec davantage d’atouts, actuels et à venir : Soissons. “Une belle ville, bien structurée. Enclavée entre Compiègne et Reims, elle ne subit pourtant pas leur concurrence. Elle a aussi un pouvoir d’attraction au-delà de sa zone de chalandise, sur deux agglomérations périphériques où il est possible de s’implanter en tant que multi-franchisé : Laon et Château-Thierry”, indique Laurent Kruch. Soissons a plusieurs points forts : un coût de l’immobilier accessible, un centre-ville dynamique, et la présence d’un grand parc d’activité au sud (le Parc des Moulins) propice au retail. Son évolution démographique est aussi positive. Selon Valérie Guillevic, dans l’optique d’un développement de ses axes autoroutiers et de la venue de cadres parisiens, “s’y implanter dans la restauration ou les services aux particuliers peut avoir du sens”. Les candidats à la franchise auraient-ils donc tort de ne pas s’arrêter dans l’ancienne Picardie ? Au sein de Procos, Emmanuel Le Roch en est convaincu. “Demain, la crise de la Covid-19 profitera peut-être au développement de cette zone longtemps ignorée. Pour y réussir, dans l’immédiat, il sera nécessaire d’insister sur la proximité et la fidélisation des clients. Donc mettre un point d’orgue à faire le mieux possible son métier de commerçant”, conseille-t-il.