- Sophie Bienenstock, avocat à la cour de Paris. Le déséquilibre significatif : une arme à exploiter
Le déséquilibre significatif est entré dans le Code civil en 2016, afin de généraliser le concept à l’ensemble des contrats d’adhésion. Ce faisant, le législateur a pris en considération les rapports de force qui existent dans la majorité des contrats et
La notion de déséquilibre significatif
Jusqu’à la réforme de 2016, le déséquilibre significatif n’existait que dans deux textes spécifiques : l’article L 132-1 du Code de la consommation relatif aux clauses abusives (et uniquement applicable aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateurs) ; l’article L 442-1 I 2° du Code de commerce (anciennement L. 442-6, I, 2°), applicable aux contrats conclus entre professionnels. La réforme de 2016 a apporté un changement majeur en généralisant la notion de déséquilibre significatif à tous les contrats d’adhésion (article 1171 du Code civil). Quel que soit le fondement textuel (règle générale du Code civil ou règle spécifique du Code de la consommation ou du Code de commerce), l’appréciation du déséquilibre significatif, doit s’effectuer au regard de l’économie générale du contrat (et non pas clause par clause). La notion de déséquilibre significatif est donc attrayante en ce qu’elle permet de sanctionner un contrat qui est globalement déséquilibré, bien qu’aucune clause prise isolément ne soit critiquable. C’est souvent la combinaison de plusieurs clauses qui sera retenue par les tribunaux pour caractériser le déséquilibre significatif. A cet égard, la notion de déséquilibre significatif offre un outil puissant, qui permet d’aller au-delà de la lettre du contrat pour remettre en cause une convention foncièrement injuste.
L’application aux contrats de franchise
Le concept de déséquilibre significatif est un outil qui permet une grande souplesse. Le déséquilibre est apprécié globalement en tenant compte de l’ensemble des clauses contractuelles, voire même du contexte. Ainsi la Cour de cassation a pu retenir que la “structure du secteur de la distribution alimentaire en France” était un élément pertinent pour caractériser un tel déséquilibre. De façon similaire, la position dominante d’un acteur sur un marché peut être un indice du déséquilibre, sans toutefois être une condition nécessaire.
Par ailleurs, le texte prohibe le fait de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire à un déséquilibre significatif. Cette rédaction permet de sanctionner les clauses qui ont pour objet de créer un tel déséquilibre, sans qu’il ne soit nécessaire de se livrer à une appréciation concrète. L’épineux problème de la preuve est ainsi écarté d’emblée. Enfin, l’ordonnance du 24 avril 2019 a fait évoluer les sanctions : la partie victime peut désormais demander la cessation de la pratique litigieuse, l’indemnisation de son préjudice et la nullité de clause (cette dernière sanction était auparavant réservée au ministère de l’économie).
Le déséquilibre significatif est ainsi un outil peu exploité et prometteur pour lutter contre les abus dans tous les contrats d’adhésion, notamment les contrats de franchise. Il faut maintenant que les avocats utilisent cette arme offerte par le législateur et que les juges y soient sensibles.
“L’appréciation du déséquilibre significatif, doit s’effectuer au regard de l’économie générale du contrat”
(1) Arrêt de la Cour de cassation en date du 4 octobre 2016, n° 14-28.013 (2) Arrêt de la Cour de cassation en date du 26 avril 2017, n°15-27.865