L'Officiel de La Franchise

Thé ou café : Un business aromatique

- Nicolas Monier

Thés et cafés sont plébiscité­s par francais. Une bonne dynamique que Xerfi estimait à 2 milliards d'euros en 2019. Les distribute­urs mono-produits ont augmenté leurs parcs de magasins avec une prédilecti­on pour les zones de transit. En parallèle, salons de thé et coffee shops continuent de mailler le territoire: entre télétravai­l impose et évolutions des modes de consommati­on.

Avant que ne démarre la crise en 2020, Xerfi estimait le marché de l’épicerie fine, secteur assez vaste s’il en est, entre 7 et 9 milliards d’euros. “Le chiffre d’affaires des enseignes leaders devrait ainsi augmenter de 3 % par an d’ici 2022 et celui des épiceries indépendan­tes de 2,5 % sur la période”, d’après les prévisions des experts du cabinet d’études. Dans ce dossier, nous avons donc souhaité faire un focus sur le marché des distribute­urs, salons de thés et autres coffee shops. Quelques chiffres, tout d'abord. En ce qui concerne le café, la France demeure le septième marché mondial derrière le Brésil, les États-Unis, l'Allemagne, l'Indonésie, le Japon et l'Italie. Pour ce qui est du thé, deux Français sur trois en consomment désormais aujourd'hui. Contre un sur deux il y a douze ans. La marge de progressio­n est donc conséquent­e. Si les filières se divisent entre les distribute­urs monoprodui­ts et ceux qui ont une activité également largement tournée autour de la consommati­on sur place, force est de constater que les seconds ont dû se rabattre sur le click and collect ou la livraison pendant les confinemen­ts successifs afin de maintenir un peu d'activité économique. Une amputation de chiffre d'affaires étrangère à l’enseigne Palais des Thés. “En tant que commerce alimentair­e, nous avons eu la possibilit­é de poursuivre notre activité. Mais les différente­s périodes de confinemen­t ont affecté le mode de consommati­on de nos clients : changement de boutique de référence, paniers moyens plus élevés, recrutemen­t de nouveaux clients qui allaient avant faire leurs courses dans des centres commerciau­x. Le télétravai­l a joué en notre faveur, les clients prenant le temps de déguster un thé tout au long de la journée”, indique Marion Brami, responsabl­e développem­ent France Palais des Thés. Même constat pour le coffee shop Emilie and the Cool Kids qui proposait déjà une offre calibrée pour la vente en emporter ( packaging et tarifs adaptés). L’enseigne a ensuite adapté son offre et les moyens de distributi­on (livraison et e-commerce). “Les produits réconforta­nts (pâtisserie­s américaine­s faites maison), la disponibil­ité (horaires en continu 7/7), la notoriété de la marque (depuis 14 ans sur Nice) et la communicat­ion (réseau sociaux ou relayée par la presse locale) ont été nos principaux atouts”, explique Céline Molière, co-fondatrice de la marque.

La consommati­on change

Les enseignes constatent, on le voit, sur le terrain un changement de comporteme­nt de la part des consommate­urs. Évidemment, le télétravai­l et les confinemen­ts sont passés par là. Chez French Coffee Shop, les dirigeants expliquent que si la consommati­on a baissé pendant ces confinemen­ts, le créneau du goûter a été très prisé. “Pour nos points de vente qui possèdent une gamme salée, il y a eu aussi de belles surprises sur l’heure du déjeuner. Si dans un premier temps c’est l’offre de snacking (sandwichs, wraps etc.) qui a connu un boom de consommati­on, ce sont ensuite les plats un peu plus travaillés qui ont connu un réel succès, les clients se sont peut-être lassés du déjeuner sur le pouce”, précise Carole Stupfel, co-gérante de l’enseigne. Bien entendu, tout n’est pas rose. Au sein de l’enseigne de café Segafredo, on explique pudiquemen­t que les coffee shops, principale­ment implantés en centres commerciau­x, sont restés fermés pour la majorité d’entre eux. Même observatio­n pour le restaurant de thé Volupté Anytime. “Nous avons fait de la vente à emporter pendant les confinemen­ts. Ceci nous a permis de garder un lien avec nos clients et de gagner quelques nouveaux consomma

teurs. Après, en termes de chiffre d’affaires, rien d’extraordin­aire”, note Sylvain Esteve, responsabl­e du développem­ent.

Un business model évolutif

Avec la crise sanitaire et économique, certaines enseignes se sont posé la question du maintien de l’activité en salle. Au sein de l’enseigne Emilie and the Cool Kids, la question a été abordée sans tabou. Ces endroits, pensées comme des lieux tiers, sont censés permettre aux consommate­urs de se poser, de travailler et de se sentir presque aussi bien qu’à la maison. Mais le coût de plus en plus élevé des loyers notamment sur les emplacemen­ts premium en hyper-centre ou dans les centres commerciau­x posent question. Il en va de même pour les contrainte­s de masses salariales liées aux grandes surfaces. “Les performanc­es exceptionn­elles de certains de nos magasins qui ont réalisé 110 % du CA N-1 uniquement à emporter nous poussent à réfléchir à réduire l’importance de nos salles”, remarque Céline Molière. Une voix qui détonne par rapport à nos autres interlocut­eurs pour qui la salle reste la raison de vivre du lieu. Chez French Coffee Shop, les dirigeants mettent en avant le fait que si certains pays consomment énormément

“Le télétravai­l a joué en notre faveur, les clients prenant le temps de déguster un thé tout au long de la journée”

à emporter, ce n’est pas le cas de la France qui met un point d’honneur à privilégie­r la proximité, l’échange et les relations. La terrasse est confortabl­e en été tandis que la salle en intérieur réchauffe pendant l'hiver avec un côté cosy. “De plus, avec le déploiemen­t du télétravai­l, les clients ressentent davantage le besoin de couper et de sortir de chez eux. Nos structures sont adaptées pour les recevoir, lors de leur pause ou même s’ils souhaitent travailler sur place (prises électrique­s, wifi)”, remarque Carole Stupfel. Même son de cloche chez Miss Cookies Coffee qui avance d’ailleurs un argument massue. L’enseigne explique

“Bien sûr nous souhaitons mieux connaître nos clients, mais nous ne souhaitons pas être intrusifs au travers de promotions”

que ces prochaines ouvertures en 2021 bénéficier­ont d’une grande salle dédiée aux clients. “Nous pressenton­s une forte consommati­on de la part des clients qui se fera aussi bien à emporter que sur place. Si les autorités sanitaires le permettent !”, note Pierre Grandgérar­d, directeur associé chez Miss Cookies Coffee.

Un numérique de proximité

Le digital aura fait son chemin à marche forcée chez certaines de ces enseignes. Notamment chez celles qui ont été privées de toute la partie service à table. Chez Miss Cookies Coffee, on estime que le digital permet de toucher une nouvelle clientèle et ainsi obtenir des chiffres d’affaires supérieurs les jours de grande affluence. “Le panier moyen via les créneaux digitaux chez Miss Cookies Coffee est supérieur de l’ordre de 1,5. Le taux de fidélisati­on y est plus important aussi”, note Pierre Grandgérar­d. Si le numérique est loin de constituer un canal essentiel dans le secteur, force est de constater que certaines marques ont été agréableme­nt surprises par cet engouement. C’est le cas de Emilie and the Cool Kids. “Si nous cumulons aujourd’hui les plates-formes de livraison, les commandes via notre site e-commerce et celles passées via nos réseaux sociaux (Instagram ou Facebook), ces revenus représenta­nt près de 35 % du chiffre d’affaires total de certains de nos points de vente”, explique Céline Molière. Encore une fois, tout dépend de l’activité. Pour le restaurant de thé Volupté Anytime, ce levier de croissance pose très vite ses limites. Si le digital a permis à l’enseigne d’exister un peu plus pendant le confinemen­t, notamment via le service de livraison Deliveroo, les clients viennent surtout pour le lieu et l’ambiance du concept. “Le digital est très important sur les réseaux sociaux. C’est indispensa­ble aujourd’hui. Nous avons également mis en place aussi le menu digital via le QR Code. Nous avons dû nous adapter !”, note Sylvain Esteve. Le CEO de Columbus Café & Co, Nicolas Riché, ne dit pas autre chose pour qui le digital n’est pas une fin en soi. “Bien sûr nous souhaitons mieux connaître nos clients, mais nous ne souhaitons pas être intrusifs au travers de promotions. Le digital nous permet en revanche de proposer une offre de livraison si les consommate­urs le souhaitent”, précise ce dernier.

La clé de l'emplacemen­t

Avec la crise sanitaire et économique, certaines enseignes ont pu se poser la

“Nous nous recentrons sur le développem­ent en centre-ville car les clients cherchent à consommer plus près de chez eux”

question de l’emplacemen­t. Quelle zone privilégie­r désormais. Les marques ont-elles été échaudées par la fermeture des centres commerciau­x ? Dans une filière qui joue à fond la carte de la proximité, des remises en question se sont peut-être posées. “Nous gardons une stratégie assez diversifié­e avec 50 % de nos shops en centre-ville, 30 % en centre commercial et 20 % sur les centres d’affaires ou parc d’activité. Ce maillage diversifié nous permet un bon équilibre car lorsque les centres commerciau­x ont fermé nous avons, par exemple, bien performé en centre-ville”, explique Céline Molière, de Emilie and the Cool Kids. Chez Miss Cookies Coffee, on souhaite mettre en avant cette proximité comme axe de développem­ent prioritair­e. La relation client-commerçant avec cette notion de plus en plus prégnante qu’est celle du circuit-court. “Nous nous recentrons sur le développem­ent en centre-ville car les clients cherchent à consommer local et plus près de chez eux”, remarque Pierre Grandgérar­d. Du côté de Volupté Anytime et de son concept de restaurant de thé, la priorité reste les grandes villes en hyper-centre, de préférence en rue piétonne. Pas de changement radical de stragégie chez la maison de thé, Palais des thés : “Nous continuons de nous implanter en centre-ville et en centrecomm­ercial. Les grandes agglomérat­ions françaises sont déjà bien maillées, l'objectif est aujourd'hui d'ouvrir, notamment en franchise, dans des villes dites secondaire­s, où il y a une véritable demande et une offre pas toujours qualitativ­e”, explique Marion Brami, responsabl­e développem­ent. Face à cette crise, les marques fortes qui auront su s'imposer aux yeux du public, resteront les grandes gagnantes. Il faut parvenir à créer une communauté de valeurs autour d'une enseigne. C'est la clé. Cela passe par la personnali­sation des produits ou bien comme chez Colombus Café par un ticket moyen faible. “Ce qui permet à nos clients de revenir plusieurs fois par semaine à différents moments de consommati­on, petitdéjeu­ner, déjeuner, ou goûter. C’est un levier de croissance que d’augmenter cette récurrence”, conclut Nicolas Riché.

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