Paris et la petite couronne : L’implantation se joue ville par ville
Malgré la crise, Paris et la petite couronne offrent de nombreuses opportunités aux franchisés. De nouvelles tendances nées de la pandémie en ont généré certaines. Mais chaque département a ses spécificités. Pas question de s’installer dans ce territoire sans en tenir compte.
Le potentiel commercial de Paris et de la petite couronne (Hauts-deSeine, Val-de-Marne, S e i n e - S a i n t - Deni s ) demeure, crise sanitaire ou non. Premier atout de ce territoire qui constitue l’essentiel de la Métropole du Grand Paris : sa population. Actuellement, on y compte 6,8 millions d’habitants, soit 10 % de la population française, pour une superficie de 762 km2. Une forte densité (20 460 habitants par km2) qui génère d’importants besoins en commerces. Par ailleurs, les habitants de cette zone très urbanisée sont jeunes ( 21 % ont entre 15 et 30 ans). Et même s’il existe d’importants écarts de revenus entre le Nord (93) et le Sud (92 et 94), ils bénéficient globalement d’un bon pouvoir d’achat. Au sein d’une région, l’Île-de-France, qui génère 31 % de la richesse nationale. En outre, en temps normal, la Capitale et ses trois départements limitrophes attirent chaque année plusieurs dizaines de millions de touristes. La Métropole du Grand Paris se prépare notamment à accueillir les Jeux Olympiques d’été 2024, en développant ses réseaux de transport et en multipliant les projets de renouvellement urbain. Enfin, les 4 départements regroupent 270 sites commerciaux majeurs (centres commerciaux, centres-villes et zones commerciales). “Ce sont indéniablement des terres de commerce, et bien évidemment de franchise. Plus de la moitié des points de vente de ce territoire appartiennent à des enseignes nationales”, indique Laurent Kruch, dirigeant fondateur de Territoires & Marketing. Bien qu’à Paris intramuros, trois commerces sur quatre appartiennent à des indépendants, le nombre de commerces en réseau y est en constante augmentation depuis 2014. Selon l’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme), les réseaux commerciaux détiennent ainsi 1 magasin sur 4 à Paris, représentant 40 % des surfaces de vente et 24 % des établissements. La crise sanitaire n’a rien changé à ce tableau.
Par contre, elle a accéléré certaines tendances de consommation chez les franciliens, dont les candidats à la franchise doivent tenir compte. À Paris, juste avant la crise, les réseaux commerciaux cherchaient à se renouveler, notamment en s’implantant différemment. “Ceux anciennement présents dans les centres commerciaux de périphérie gagnent le coeur de Paris, s’installent dans les nouveaux quartiers, multiplient les expériences de magasins éphémères et s’implantent au sein des gares”, notait l’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) en avril 2019, dans une étude. Avant la crise, le principal frein à l’ouverture en franchise à Paris et dans la petite couronne était le coût très important de l’immobilier commercial. Mais depuis la pandémie, les coûts locatifs ont chuté. À Paris, ils ont baissé de 8 % (392 euros HT du m2 par an) par rapport à début 2020, et dans les Hauts-deSeine, ils ont perdu 7 points (139 euros HT du m2). “Il y a beaucoup de locaux vacants, suite à des fermetures de commerces. Mais il y aura toujours des consommateurs et des enseignes en Île-de-France. La différence, ce sera cette tendance qu’auront les réseaux à ouvrir des boutiques éphémères et des pop-up stores, avec des contrats de location plus courts et plus flexibles”, note Valérie
Guillevic. En outre, observe-t-elle, “les coûts locatifs ont augmenté dans le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. Plus on s’éloigne de Paris, plus le montant du m2 commercial augmente, même dans des zones moins prisées autrefois : c’est le signe que de plus en plus de Parisiens veulent quitter la Capitale pour se mettre au vert. Ce qui crée de nouvelles opportunités commerciales”. Mais la consultante prévient toutefois les candidats à la franchise : attention dans le choix de leur futur réseau. “Avant, à Paris et dans la petite couronne, tout était possible, on pouvait se permettre de ‘faire des coups’ car il y avait bien assez de monde pour consommer. Mais aujourd’hui, l’absence de touristes, le télétravail, le développement de l’e-commerce et la fuite des jeunes actifs parisiens hors de la Capitale et de son agglomération, changent la donne. Afin de générer du trafic rapidement, il faudra se reposer sur la notoriété de la marque. Mieux vaut donc bien choisir son réseau, et miser sur une enseigne déjà connue et solide”, explique-t-elle.
Des “petits” centres commerciaux à privilégier
Où s’installer, concrètement ? Les conseils de nos experts sont différents selon que
l’on vise Paris ou ses départements satellites. Si la Capitale compte 33 “grands” centres commerciaux, ils déconseillent de chercher à s’y installer. “Outre les trois plus importants, Beaugrenelle (15e arrondissement), le Forum des Halles (1er arrondissement) et Italie 2 (13e arrondissement), qui regroupent 400 magasins et qui sont très chers et inaccessibles, les centres commerciaux plus petits le sont aussi”, indique Laurent Kruch. Certes, il estime qu’il peut être intéressant de se pencher sur des sites rénovés ou en cours d’extension, comme le futur grand centre commercial de la Gare du Nord (18 000 m2 de surfaces de vente prévus d’ici 2024), Montparnasse Rive Gauche, le Passage du Havre et Coeur Saint Lazare, et la gare d’Austerlitz. “Il y a en moyenne 4 grands quartiers intéressants par arrondissement, soit 80. Ces zones sont destinées à s’agrandir et à évoluer : c’est là qu’il faut essayer de s’implanter”, poursuit Laurent Kruch. Dans la petite couronne, les centres commerciaux sont plus accessibles aux franchisés. “Les plus intéressants sont les plus petits, ceux qui comptent entre 20 et 50 magasins”, note Laurent Kruch. Dans les trois départements, il conseille d’éviter les poids lourds que sont Créteil Soleil, Les 4 Temps (La Défense), Qwartz (Villeneuve La Garenne), So’ Ouest (Levallois-Perret) et Aéroville (Tremblay-en-France). Et de leur préférer Les Trois Moulins (Issy Les Moulineaux), Les Hauts de Rueil (Rueil Malmaison), Belle Épine (Thiais), ou encore Le Plein Air au Blanc Mesnil.
Centres-villes majeurs et agglomérations intermédiaires
“Mais même dans la petite couronne, mieux vaut éviter les centres commerciaux, et privilégier les quartiers et les centres-villes propices à l’installation de commerces de proximité. C’est en effet une tendance qui existait déjà avant la crise, que celle-ci a accéléré, et qui continuera de s’affirmer après”, complète Valérie Guillevic. Département par département, certaines villes sont plus porteuses que d’autres. Certaines, notamment, ont de nombreux projets de renouvellement urbain qui pourraient accroître demain leur attractivité, ou commencent déjà à attirer les cadres parisiens à la recherche d’un “cadre de vie plus agréable”. C’est par exemple le cas de Clamart dans les Hauts-de-Seine, où l’on observe une explosion du marché immobilier, principalement aux abords de la gare, qui devrait être desservie par la ligne 15 du Grand Paris Express à partir de 2025. Un projet d’écoquartier y prévoit la construction de 23 300 m2 de logements, de 18 000 m2 de bureaux, et de 1 600 m2 de commerces et services. C’est aussi le cas de Courbevoie, de Meudon, de Clichy et de Saint-Ouen. Dans le cadre du projet du Grand Paris et dans l’optique des JO 2024, d’autres villes développent leurs centres-villes et créent de nouveaux quartiers mixtes (résidentiels et économiques), avec des opportunités commerciales à la clé.
Des secteurs porteurs, favorisés par la crise
Concernant les secteurs d’activité à privilégier, “cela se joue ville par ville”, observe le dirigeant de Territoires & Marketing. “Rien ne manque véritablement dans ces zones très urbanisées et très denses, qui ensemble ont une population aussi nombreuse que celle d’un petit pays. La vraie question sera plutôt de savoir si à côté de mes concurrents, le magasin que j’ai choisi sera suffisamment grand, bien placé et attractif pour générer la part de marché dont j’ai besoin”, ajoute-t-il. “Ainsi, l’on sera davantage en recherche de différenciation que de complémentarité dans ces 4 départements”. Dans le détail, l’expert
constate toutefois des secteurs “favorisés par la crise”, et où certains départements sont “en retard”. Et qu’il serait ainsi possible d’investir. Dans l’alimentation et la restauration, si Paris, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne sont “saturés”, ce n’est pas le cas de la Seine-Saint-Denis, “où il manque des magasins d’alimentation, des cavistes, des commerces de produits surgelés et des magasins de thé”. Valérie Guillevic indique de son côté que les concepts de “bars où l’on consomme en libre-service et où l’on peut faire des rencontres”, comme Au Fut et à Mesure ou Monsieur Le Zinc, sont en vogue et pourraient avoir du succès après la crise, notamment à Paris, Levallois-Perret, Courbevoie et Joinville-Le-Pont. “Des villes où l’on retrouve des jeunes actifs avec un bon pouvoir d’achat, qui consommeront aussi des burgers gourmets et fréquenteront des épiceries en vrac.” Les deux experts constatent aussi de grandes opportunités dans le bio, qui est “boosté par le savoirfaire français et le souci du mieux manger”. Un secteur déjà très présent à Paris et dans les Hauts-de-Seine, mais encore peu développé en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. “Il y a aussi de la place pour tous les concepts qui permettent de mieux manger, ou qui mettent en avant la notion de circuit court”, indique Valérie Guillevic. Côté retail, les magasins de proximité de type Carrefour City, restent à développer en Seine-Saint-Denis. “En outre, il manque du hard discount partout, mais surtout à Paris”, note Laurent Kruch. Autre secteur porteur : la santé-beauté et le bien-être. Ainsi, Paris et les 3 départements de la petite couronne sont tous “en retard” en matière de magasins d’optique, d’instituts de beauté, de salons de coiffure, et de boutiques de parfum/cosmétique.
Enfin, l’équipement de la personne (vêtements, chaussures, maroquinerie) peut encore être développé dans les trois départements de la petite couronne, de même que les magasins de bricolage-jardinage et d’équipement de la maison. À noter que la Seine-Saint-Denis manque aussi de services à la personne. Un domaine qui devrait “continuer d’être porteur, face au vieillissement de la population”.