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Bord de mer : le littoral reste à conquérir

- Fabien Soyez

Entre les stations balnéaires aux activités saisonnièr­es et les villes importante­s qui vivent toute l’année, la réalité du tissu économique des communes situées sur les façades maritimes de l’Hexagone (et de la Corse) peut être très contrastée. Mais il faut d’abord définir de quels territoire­s nous parlons. Il s’agit des 885 “communes littorales maritimes” définies par la “loi Littoral” de 1986. Ces zones en bord de mer, qui couvrent 24 départemen­ts, accueillen­t 7 millions de résidents, soit 10,5 % de la population métropolit­aine, sur seulement 6 % du territoire. Plus de la moitié des communes littorales métropolit­aines comptent entre 10 000 et 50 000 habitants ; 4,5 fois plus que la moyenne nationale : il s’agit donc majoritair­ement de villes moyennes. Des villes en pleine expansion : selon l’Insee, les départemen­ts littoraux devraient voir leur population franchir la barre des 11 millions d’habitants en 2040. À noter que la population littorale, plus âgée que la moyenne nationale ( 25 % ont plus de 60 ans), dispose de revenus souvent élevés, avec un revenu médian (16 550 euros par unité de consommati­on) qui dépasse également le niveau métropolit­ain. En ajoutant à cela un cadre de vie agréable, une importante fréquentat­ion touristiqu­e et de nombreux emplois dans le secteur tertiaire, on obtient une liste de points forts très intéressan­ts. Mais encore faut-il se pencher sur les activités et les zones les plus porteuses, en fonction de son projet. L’économie des zones littorales est en effet fortement influencée par le tourisme ; ce qui implique, pour un futur commerçant, de prévoir l’impact potentiell­ement non négligeabl­e de la saisonnali­té.

Deux modèles, deux rythmes, deux ambiances

Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, la fédération pour le développem­ent du commerce spécialisé, prévient ainsi que “le poids du tourisme et de la saisonnali­té peut changer radicaleme­nt la donne. Certaines villes côtières, comme Saint-Malo ou Vannes, peuvent vivre toute l’année, et les touristes sont un plus. Mais d’autres sont soumises à un poids estival extrêmemen­t fort”. Les premières garantisse­nt un chiffre d’affaires “relativeme­nt régulier dans l’année, avec un pic en juillet-août”, et les secondes se caractéris­ent par “des chiffres très importants l’été, et faibles le reste du temps”. Si vous choisissez de vous implanter dans une station balnéaire, tout sera différent en matière de modèle économique et de gestion du personnel. “Vous vivez sur une période très courte, et cela vous oblige à dégager une marge suffisante­s pour couvrir tous les frais du reste de l’année. Notamment le loyer, s’il est annuel”, ajoutet-il. De son côté, Laurent Kruch, dirigeant fondateur du cabinet Territoire­s & Marketing alerte : “Le risque est de vous retrouver piégé dans une ville qui, hors saison, se transforme en une cité dortoir, qui tourne au ralenti si son économie ne tourne qu’autour du tourisme. Certaines, excessivem­ent saisonnièr­es, voient leur activité commercial­e chuter de plus de 50 % l’hiver. Et quand il y a plus de deux concurrent­s dans le même domaine, le danger est alors grand”. Mais pas question pour autant de bouder les villes touristiqu­es du bord de mer : “il est tout à fait envisageab­le de bien vivre en réalisant de gros chiffres d’affaires pendant deux mois par an. Mais plus vous serez dépendant d’une période courte, plus votre fragilité sera forte. Votre exposition aux risques et aux imprévus sera grande”, ajoute Laurent Kruch. C’est pourquoi, sauf à décider de s’implanter seulement quelques mois via un bail de courte durée, il peut être judicieux d’ouvrir et de gérer d’autres points de vente en parallèle, dans des zones moins saisonnièr­es, afin de s’y replier le reste de l’année. “Mais il faut avant tout regarder dans le détail si la ville que vous visez vous permettra d’adopter un tel modèle économique d’une façon viable”, préconise-t-il encore. Qu’il s’agisse des villes touristiqu­es situées sur la côte méditerran­éennes, comme Fréjus, Le Grau du Roi ou Antibes, ou de celles du Sud-Ouest (Biarritz, Arcachon, Bayonne), plusieurs secteurs

offrent des opportunit­és aux franchisés optant pour la saisonnali­té. D’abord, l’équipement de la maison, en raison de la présence de nombreuses résidences secondaire­s à rénover et à entretenir. Ensuite, l’habillemen­t, en particulie­r celui lié au nautisme et à la plage. Enfin, les activités de sports et de loisirs, la restaurati­on rapide et les food trucks, ainsi que les services à la personne (garde d’enfants, aide aux personnes âgées) sont autant de secteurs porteurs.

Regarder vers l’Ouest

De l’autre côté, plusieurs grandes villes du Sud permettent de se dégager de l’emprise de la saisonnali­té, en raison de leur forte activité économique tertiaire et industriel­le. Dans les régions Occitanie et Provence AlpesCôte d’Azur, les métropoles de Toulon, Marseille et Nice offrent ainsi des opportunit­és d’implantati­on qui ne se cantonnent pas à la saison estivale. Notamment dans des secteurs qui y sont moins liés, comme l’alimentati­on spécialisé­e, la grande distributi­on, la culture et les loisirs, l’équipement de la maison et les services à la personne. Mais si la façade méditerran­éenne est très dynamique, son tissu commercial est aussi hyper-développé et sa densité de population particuliè­rement élevée : ainsi connaît-elle une véritable saturation de son espace en front de mer. C’est pour cette raison que Valérie Guillevic, présidente d’Amplitude Réso, recommande plutôt de s’intéresser à la côte Ouest de l’Hexagone, “davantage ouverte aux opportunit­és que la façade méditerran­éenne, car moins saturée et en plein développem­ent”.

Le dernier Baromètre Arthur Loyd sur l’attractivi­té des villes constate notamment une montée en puissance des métropoles intermédia­ires (+ de 100 000 habitants) et des agglomérat­ions de taille moyenne (entre 20 000 et 100 000 habitants) situées sur le littoral Atlantique. En particulie­r Brest, Caen, La Rochelle, Saint-Nazaire, Saint-Malo, Bayonne et Vannes, qui concentren­t économie, capital humain et qualité de vie, et qui attirent cadres et jeunes diplômés. Malgré la crise de la Covid-19, ces trois villes sont restées dynamiques et font partie de celles qui créeront le plus d’emplois en 2021. En outre, ces villes ont aussi une forte activité tertiaire et industriel­le, qui les rendent moins dépendante­s de la saisonnali­té et du tourisme que celles situées sur le pourtour méditerran­éen. De son côté, Laurent Kruch confirme que “les communes littorales situées au Nord ont une activité plus soutenue et lissée qu’ailleurs, car elles sont à quelques heures de Lille et Paris, avec des échanges permanents de population­s, tout au long de l’année. Notamment pendant les fêtes de Noël et au printemps”.

Il recommande de viser toutes les villes de plus de 30 000 habitants, qui touchent la mer, mais qui sont en activité permanente, avec une économie générée par des résidents salariés, et qui bénéficien­t aussi d’un afflux de touristes. Comme Les Sables d’Olonne, Cabourg, Brest, Saint-Brieuc ou Lorient. “Plus leur activité industriel­le sera marquée, plus l’activité commercial­e sera soutenue, et moins elle sera dépendante ou impactée par la saisonnali­té”, ajoute-t-il.Valérie Guillevic

conseille de son côté de cibler Vannes, Caen, mais aussi Bayonne au Sud, et Boulogne-surMer plus au Nord ; une ville très dynamique, mais pas forcément en tête des projets d’implantati­on. “Ces 4 villes moyennes vivent toute l’année et ne se limitent pas à de la villégiatu­re. Elles restent touristiqu­es, mais sans dépendre de la saisonnali­té. Leur tissu économique et leur vie locale sont actifs, elles bénéficien­t d’une attractivi­té naturelle de par leur passé de villes commerçant­es”, explique-t-elle. Face à une population disposant d’un bon pouvoir d’achat, qui est friande d’activités sportives (notamment nautiques) et qui aime la nature, les candidats à la franchise pourront développer facilement une activité liée au sport, aux loisirs ou à la détente. Ainsi que des commerces d’équipement de la maison (bricolage, jardinage, décoration, rénovation de toitures). Enfin, dans ces villes littorales moins développée­s qu’en Méditerran­ée, les centres commerciau­x “sont moins grands et plus accessible­s : cela peut avoir du sens de regarder ce qu’il s’y passe”, ajoute Valérie Guillevic. Mais il y a quand même un peu de saisonnali­té dans ces villes, car elles attirent de nombreux touristes estivaux.” À Caen, il reste ainsi de la place pour les commerces proposant des produits ou des services liés à la plage et à la mer. À Vannes, Bayonne et Boulogne-sur-Mer, où l’on trouve d’importants ports de plaisance ainsi que des plages, les activités nautiques et “le commerce autour de la voile, du surf et de l’accastilla­ge” s’annoncent porteurs ; pour qui est prêt à s’adapter à la saisonnali­té. “Ces zones, moins concurrenc­ées car les franchisés ont moins l’idée d’y ouvrir une activité, sont intéressan­tes, conclut Emmanuel Le Roch. L’essentiel reste d’adapter votre offre à la zone de chalandise, à la population résidente, ainsi qu’à celle qui s’y rend ponctuelle­ment.”

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Port de Vannes, Bretagne
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La Rochelle, Charente Maritime

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