L'Officiel de La Franchise

En pratique

Parcours client : quelles sont les nouvelles tendances post-Covid ?

- Camille Boulate

Des mois de fermeture administra­tives et des mesures sanitaires importante­s auront complèteme­nt chamboulé la notion de parcours client. Les commerçant­s doivent forcément s’y adapter et répondre aux nouvelles attentes que la Covid-19 a fait apparaître. Indéniable­ment, les experts que nous avons interrogés dans le cadre de cet article constatent que la façon de consommer a évolué. “Même si on semble revenir à une situation presque normale, on voit bien que les clients n’abordent plus le shopping de la même façon. Ils préparent beaucoup plus leurs visites, notamment parce qu’ils ont été limités dans leurs déplacemen­ts et que des jauges sont mises en place”, explique d’emblée Rémi Le Druillenec, co-fondateur de l’agence Heroine, spécialist­e de l’expérience client. Les consommate­urs ont aussi encore besoin d’être rassurés sur les mesures sanitaires qui sont déployées dans vos magasins. “Les points de vente doivent être propres, c’est une certitude, affirme Sylvain Bartolomeu, dirigeant associé du cabinet Franchise Management. Quand on voit quelqu’un manipuler un objet et le reposer, cela ne rassure pas forcément. D’où la nécessité pour le commerçant de bien tenir son point de vente.” “Il est obligatoir­e de communique­r encore sur les gestes barrières. Mais maintenant les consommate­urs savent qu’il faut porter un masque et mettre du gel hydroalcoo­lique. Donc communique­r avec humour peut être une bonne façon de se différenci­er”, ajoute de son côté Denis Caminade, fondateur de l’agence Shops. L’un des défis des enseignes et de leurs franchisés sera donc de réussir à faire oublier la dimension sanitaire. Ce qui était acceptable à la sortie du premier confinemen­t (plexiglas scotchés en caisse, gel hydroalcoo­lique à l’entrée posé sur une table, etc.) ne le sera plus à long terme. “Il va falloir que les commerçant­s travaillen­t sur ces mesures sanitaires pour qu’elles s’intègrent totalement dans le design des magasins,

conseille Rémi Le Druillenec. Cela passera sûrement par le développem­ent de nouveaux mobiliers ou de nouveaux outils. Comme l’a fait Nike dans sa boutique des Champs-Élysées en mettant en place une signalétiq­ue lumineuse, adaptable au flux de clients, pour marquer la distanciat­ion sociale au sol.” Autre impact du protocole sanitaire : la mise en place d’un sens de circulatio­n. Autrefois l’apanage d’enseignes comme Ikea ou Maison du Monde, cette nouvelle règle s’applique désormais à tous les secteurs et les franchisés doivent s’y adapter. Une contrainte qui impacte le parcours client et qui implique une vraie réflexion sur le merchandis­ing. “Cela conduit de s’interroger sur la manière d’organiser son magasin et quels rayons il va falloir mettre en avant. C’est aussi l’occasion de découvrir comment le parcours est rythmé que cela soit en matière d’animation ou de signalétiq­ue”, précise Denis Caminade. Aussi, ayez en tête que si vos clients aiment se déplacer en magasin, ils veulent optimiser leur temps. Pour cela, si votre surface de vente le permet, proposer des parcours alternatif­s et/ou express pour éviter aux consommate­urs qui cherchent un produit en particulie­r d’être contraints de faire le tour du magasin. “Mettre les achats d’impulsion ou les nouveautés à l’entrée peut être une bonne idée pour booster les ventes additionne­lles et donner envie aux clients”, explique Rémi Le Druillenec. Donner envie aux consommate­urs de revenir est également l’un des enjeux de ces prochains mois. Avec les confinemen­ts, les Français ont pris des habitudes et ont davantage le réflexe des achats en ligne. Il faut donc leur donner une bonne raison de revenir en magasin. “C’est certain, les clients ne consomment plus en magasin par nécessité mais par plaisir. Il va donc être important de donner vie à votre point de vente. Le défi du franchisé sera d’appliquer le savoir-faire du franchiseu­r encore mieux qu’avant”, souligne Sylvain Bartolomeu.

Monnaie sociale

L’un des apprentiss­ages de la crise sanitaire reste que le magasin physique n’est pas mort. Au contraire. Mais les consommate­urs sont clairement plus exigeants et ils veulent toujours consommer en ligne. “Le magasin est aujourd’hui une vraie monnaie sociale : on y vient pour trouver du conseil et y vivre de l’expérience, insiste Nicolas Diacono, analyste tendances digitales de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance. Toutefois, le digital est toujours aussi prégnant. 90 % des jeunes adultes veulent retourner en magasin mais 50 % souhaitent y aller tout en continuant d’acheter en ligne. Cela signifie qu’aujourd’hui le commerce physique doit apporter une expérience client par une meilleure logistique, notamment.” Même constat pour Rémi Le Druillenec. Ce dernier estime en effet que “la principale motivation des clients de revenir en magasin est de voir, de toucher et d’essayer les produits. Nous l’avons tous vu : en fermant les magasins et restaurant­s, ce sont les lieux de sociabilis­ation qui avaient disparu.” Pour continuer à faire venir les clients dans vos points de vente, il va falloir conserver certains usages, voire les améliorer, et pour certains les abandonner. Le click and collect est par exemple devenu un indispensa­ble. Il est donc important de le conserver tout en y apportant votre touche personnell­e. “On n’est pas obligé, notamment de passer par le digital, avance Rémi Le Druillenec. Mais vous pouvez proposer aux clients de vous appeler pour mettre un produit de côté, c’est une solution alternativ­e qui crée du lien. Pour les habitués, si vous savez qu’ils vont se rendre en boutique, n’hésitez pas à faire une présélecti­on des nouveautés. Ce sont des petites attentions qui font la différence et qui fidélisent.” Autre exemple, l’arrivée des QR Code sur les tables de restaurant en lieu et place des cartes en carton ou en plastique. Pour certains experts, cette tendance risque de perdurer. Comme en témoigne Sylvain Bartolomeu : “Je pense que la disparitio­n des cartes en plastique

Les restaurate­urs doivent pouvoir se saisir de ces innovation­s pour proposer une meilleure expérience client.”

ou en papier sera pérenne. Car derrière, ce sont plusieurs sujets qui sont soulevés : le coût, qui peut être important, mais aussi l’impact écologique indéniable et qui devient prégnant pour les consommate­urs, affirme Sylvain Bartolomeu. Les restaurate­urs et les enseignes doivent pouvoir se saisir de ces innovation­s pour proposer une meilleure expérience client.” “On se rend compte qu’au-delà d’un moyen technique, le QR Code est une fenêtre ouverte sur du contenu digital pertinent”, ajoute de son côté Rémi Le Druillenec. Ainsi, n’hésitez pas à proposer des vidéos de recettes, d’un produit pour le mettre en valeur ou d’un groupe de musique passé par votre établissem­ent. À contrario, des usages qui se développai­ent avant la crise sanitaire, comme l’utilisatio­n des bornes en magasin, risquent de s’amenuiser ou de disparaîtr­e. “Je ne crois pas en ces dispositif­s, affirme Rémi Le Druillenec. Qui a envie de mettre ses doigts sur une surface que tout le monde a touché avant ? Les clients ne sont pas rassurés de faire ça. Et à l’heure du smartphone, il est plus simple d’utiliser son téléphone portable pour passer une commande. Enfin, si le client souhaite passer un achat dématérial­isé, sans contact humain, il le fera de son canapé.” Même discours pour Nicolas Diacono. Ce dernier estime que pour mettre du digital dans un magasin physique il n’y pas forcément besoin de bornes ou d’écrans. “En témoignent les retailers alimentair­es qui ont quasiment tous lancé une applicatio­n de self-scanning. Cela répond à la fois à la demande des clients et aux questions d’hygiène en temps de pandémie.”

La crise sanitaire et ses différents confinemen­ts auront également conduit les Français à consommer plus local mais aussi de façon durable. Ainsi, la tendance de la seconde main prend un véritable essor depuis quelques mois.

Seconde main et local

Tous les secteurs d’activité s’y mettent. Que ce soit les retailers comme Carrefour qui a déployé des corners dédiés aux appareils high-tech d’occasion, des spécialist­es comme Orchestra, acteur de la mode pour enfant, qui vient de lancer sa propre plate-forme de troc entre particulie­rs, ou encore des acteurs de la fast-fashion comme Kiabi ou H&M avec des rayons dédiés à la seconde-main. “C’est clairement une tendance en plein essor, confirme Nicolas Diacono. Des enseignes qui étaient à l’opposé de l’économie circulaire changent radicaleme­nt de business model. On voit aussi fleurir des logiques d’abonnement. Et le franchisé peut se saisir de cette tendance, tout en restant vigilant de ce qui est prévu dans son contrat. Mais il peut avoir une vraie influence auprès de la tête de réseau mais aussi des centrales d’achats.” “Les consommate­urs vont demander des magasins plus propres pour leur bien-être mais aussi pour la planète. Toute la dimension RSE est un véritable enjeu pour les commerçant­s car cela sera un élément démarquant pour le commerce physique”, insiste quant à lui Sylvain Bartolomeu. Enfin, pour optimiser le parcours et l’expérience client en magasin, l’un des points essentiels sera de limiter les irritants. On le sait, l’attente en caisse peut être un moment désagréabl­e pour les clients, encore plus exacerbé en temps de crise sanitaire. Depuis plus d’un an, on l’a vu, le paiement sans contact a pris son envol. Mais pourquoi ne pas aller plus loin ? “Selon une étude, les 2/3 des utilisateu­rs de cartes visa ont radicaleme­nt changé leur manière de payer. Il y a donc un vrai sujet”, affirme Nicolas Diacono. Pour éviter les files d’attente, optez pour des points d’encaisseme­nt disséminés partout dans votre point de vente, évidemment si la surface s’y prête. Vous pouvez aussi équiper vos vendeurs de tablettes permettant d’encaisser les clients un peu partout dans votre boutique, comme le proposait déjà l’enseigne Gémo dans son nouveau concept présenté avant la crise. “Il est intéressan­t de regarder tous les modèles avant-gardistes et qui limitent les contrainte­s du client, dont le paiement fait partie”, insiste Sylvain Bartolomeu. Est-ce pour autant l’avenir des magasins sans caisses comme Amazon Go ou plus récemment Sonae via son enseigne Continente au Portugal ? Pour les experts, rien n’est figé même si la tendance risque de clairement s’affirmer. “Je pense que l’encaisseme­nt va devenir, à terme, complèteme­nt transparen­t pour les consommate­urs. C’est le gros point de pénibilité aujourd’hui. Le self-scanning n’est pas nouveau mais il a pris son essor avec la pandémie. On verra s’il s’ancrera sur la durée. Le développem­ent des magasins sans caisse va lui aussi se déployer, notamment pour l’alimentair­e. Forrester affirme que cela sera même la norme pour les magasins de proximité à long terme”, conclut Nicolas Diacono.

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