Quand Bruxelles revient sur le CT moto
Depuis 2017 et un certain comité interministériel (français) de la Sécurité routière, la possible entrée en vigueur d’un contrôle technique pour les motocycles avait peu à peu cessé de faire couler de l’encre. Mais voilà que des parlementaires européens r
Serpent de mer ? L’annonce de l’instauration d’un contrôle technique (CT) obligatoire pour les motocycles, depuis plus de 10 ans, aura peut-être fini par lasser. Pourquoi en reparler en ce printemps 2021 ? D’abord parce qu’une directive européenne n° 2014/45/UE du 3 avril 2014 stipule, en son chapitre 1 article 2, que « La présente directive s’applique aux véhicules dont la vitesse par construction est supérieure à 25 km/h et appartenant aux catégories telles que visées par les directives 2002/24/CE, 2003/27/CE et 2007/46/CE ( ) – véhicules à deux ou trois roues des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 – à compter du 1er janvier 2022. » À lui seul, ce point de départ justifierait que la question soit à nouveau posée, sous réserve que l’état français mette en place un texte transposant ces dispositions. En clair, à neuf mois de l’échéance, il serait plus que temps de vérifier que les autorités nationales ont tout mis en oeuvre pour se mettre en conformité avec les exigences européennes. Or, comme le rappelle Éric Thiollier, membre du bureau national de la Fédération Française des motards en colère (FFMC), « [...] en 2013, le compromis actuel, tel qu’il est formulé dans la directive de 2014, a été atteint lors des discussions entre le Parlement européen et le Conseil, laissant à chaque pays la possibilité d’introduire ou pas un CT périodique pour les 2-RM, suivant le principe de subsidiarité. » En l’occurrence, des mesures concrètes engagées par l’état visant à faire baisser l’accidentalité liée aux 2/3-RM pourraient se substituer au CT, comme le prévoit l’article 2-2 de la directive.
On prend les mêmes
En admettant qu’il entre dans les intentions du Gouvernement français de faire valoir de telles mesures, pour quel motif faudrait-il revenir sur ce déjà célèbre contrôle technique côté français, alors que nul n’a entendu parler de son instauration imminente dans l’hexagone ? La Fédération Européenne des Associations de Motocyclistes (Fema) répond à la question en publiant un article sur le sujet, en date du 26 février dernier. En résumé, elle y explique que la commission du Transport et du Tourisme du Parlement européen a demandé à la Commission européenne d’obliger tous les propriétaires de motocycles à soumettre leur véhicule, à terme, à un contrôle technique périodique, sans dérogation possible.
Pour les 125 cm3 et moins (les cyclos), cette même commission demande que soient évalués les bénéfices d’un tel contrôle eu égard aux coûts engendrés « À travers cette initiative, le Parlement européen demande à la Commission de plancher sur un projet de loi » , poursuit la Fema, laquelle, sans surprise, s’oppose à un tel projet. Dans son sillage, la FFMC marque à nouveau son opposition à la perspective d’un CT imposé aux propriétaires de motocycles car elle n’a jamais accueilli favorablement les arguments déployés par les partisans d’un CT.
Le décret français enterré
Rappelons-nous. Au gré d’une enquête réalisée par L’officiel en 2012, tous les points de désaccord exprimés aujourd’hui étaient déjà sur la table : la non-corrélation entre sécurité et contrôle technique ; la difficulté à garantir un accès aisé à un centre de contrôle pour tous les utilisateurs de 2/3/4-RM ; la garantie d’un prix acceptable du CT pour les consommateurs contraints et forcés (y compris et surtout pour ceux dont les moyens financiers restent limités) ; la nécessité de former des inspecteurs aux spécificités des véhicules visés ; le doute sur les chances d’amortir dans un délai convenable l’investissement consenti par un établissement de CT agréé motocycles... À l’époque, la Fema déplorait que la Commission européenne s’appuie sur une étude à la crédibilité douteuse (réalisée par la société allemande de contrôle technique Dekra) pour justifier le prétendu bien-fondé de l’instauration d’un CT européen. Toujours à l’époque, en France, le président de la Branche 2-Roues du CNPA, Jean-claude Hogrel, s’interrogeait sur les effets à attendre d’un CT imposé sans discernement. N’allait-il pas avoir « un effet désastreux sur le marché de l’occasion et, par ricochet, sur le chiffre d’affaires en pièces détachées et le marché du neuf » ? Tout au plus admettait-il que les mobiles de la sécurité et du moindre impact sur l’environnement, les deux piliers de l’argumentation bruxelloise, ne permettaient pas de « refuser le CT en bloc » , sous peine d’ « aggraver encore plus le déficit d’image du 2-RM, même si nous ne sommes pas certains d’une efficacité déterminante du contrôle technique sur le sujet. »
Quatre ans plus tard, tandis qu’une décision politique semblait avoir été prise au niveau français, le rideau s’ouvrait sur un nouvel acte de la pièce. En effet, le gouvernement d’alors paraissait décidé à instituer un « contrôle technique à la revente » . Un projet de décret circulait qui apportait nombre de précisions quant à la mise en place du dispositif. A posteriori, il est permis de s’interroger sur la pertinence dudit projet, dans la mesure où il ne se conformait pas vraiment au contenu de la directive européenne précitée. Mais au moins montrait-il que les autorités françaises n’étaient pas restées sourdes aux doléances exprimées par les associations professionnelles de la branche. Et sur le fond, la tentative qui consistait à protéger l’acheteur d’un deux-roues motorisé d’occasion (éventuelle remise en conformité du véhicule à la clef) relevait plutôt d’une saine démarche. Ce projet de décret entendait en outre répondre à nombre d’interrogations formulées très tôt au fil du débat, notamment sur l’implantation des centres de CT et, par conséquent, sur l’accessibilité du service proposé (90 départements au moins devaient être couverts, sur les 96 que compte la métropole). En revanche, le flou persistait
à propos des compétences exigées des contrôleurs techniques et de la nature même de l’examen subi par les véhicules. Quant au modèle économique induit, il était toujours aussi difficile de lui reconnaître les vertus d’un commerce rentable. Une histoire de cyclos espagnols
Bref, presque cinq ans plus tard, nul n’est beaucoup plus avancé ! Car le décret évoqué plus haut n’a jamais été promulgué (il devait entrer en vigueur au plus tard en 2017). Mieux : depuis cette période, les responsables de divers groupements professionnels français affirment n’avoir été conviés à aucune réunion, ni n’avoir eu vent d’aucune décision gouvernementale. À cela peut-on ajouter qu’ils n’ont aucune déclaration officielle à proposer, soucieux de ne pas attiser un mauvais feu. Côté ministériel, Mme Cathy Bieth, chef du département animation du contrôle technique au ministère de la Transition écologique depuis 11 ans, interrogée par L’officiel, a répondu qu’elle n’était « pas habilitée à répondre sur ce sujet » .
Pour surprenante que soit l’assertion, elle tend à confirmer deux choses. D’abord que le A PRIORI
Gouvernement français, aux prises avec une crise virale tenace, gère de nombreuses autres priorités. Ensuite que la balle reste dans le camp des instances de L’UE. Il est permis de croire que le Parlement et la Commission s’attacheront à trouver un consensus acceptable par tous les États de L’UE, comme il l’avait fait pour accoucher de la directive 2014/45/UE. Cependant, la démarche initiale des députés évoqués au début de cet article n’augure pas spécialement d’un juste traitement de la question. En effet, dans son article du 26 février 2021, la Fema relève que pour étayer leur démarche vers la Commission, les élus européens ont brandi un rapport de
2019 fondé sur une étude d’accidentalité réalisée sur une population d’utilisateurs de cyclos d’une certaine région d’espagne, étude dont les indicateurs ont été extrapolés pour statuer sur l’ensemble des 2/3/4-RM en circulation au sein de l’union européenne. Pas sérieux, tout ça ! Voilà où nous en sommes aujourd’hui, à neuf mois de ce qui devait être une date butoir, dans un contexte confus, en plein milieu d’une crise sanitaire inédite. Les plus avisés de nos intervenants nous ont glissé que rien ne bougerait sur le sujet du CT avant les prochaines élections présidentielles, soit pas avant... 2022.
RIEN NE POURRA BOUGER AVANT LES PROCHAINES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES...