L'Officiel du Cycle

À chaque revendeur son approche

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Les revendeurs du secteur du 2/3-RM seraient-ils pris en otage ? Le fait qu’ils ne puissent vendre que des véhicules conformes à leurs certificat­s de réception n’est contesté par personne. Le commerce d’échappemen­ts adaptables, en revanche, n’incite pas tous les pros à adopter le même comporteme­nt. Question d’angle de vue, de marque(s) commercial­isée(s) et de ressenti personnel.

Patrick Rébillon, gérant d’access 2 Roues Chartres, se rappelle l’époque où il vendait du scooter MBK. « Les gens cherchaien­t de la performanc­e… ». Le monde du 2-temps était alors friand de solutions techniques rarement autorisées par la loi. S’il vend aujourd’hui du Kymco, mais surtout des motos Royal Enfield, c’est la domination du 4-temps qui le pousse à ne plus se préoccuper de ce genre de requêtes.

« Les demandes de remplaceme­nt de silencieux, chez moi, correspond­ent à un souci esthétique. J’ai réglé la question : je n’en propose pas ! » Conscient que ce choix le prive d’une part de son chiffre d’affaires en pièces et accessoire­s, il l’assume pleinement : « Je ne cherche pas à en vendre, parce que je n’en vois pas l’intérêt, surtout avec une clientèle attirée par les produits Royal Enfield. Je suppose qu’ils vont acheter ce matériel sur internet. »

Christophe Fleury, responsabl­e de l’accueil SAV de Moto Rosso, concession Ducati à Brest, n’est pas confronté à la même clientèle, encore moins aux mêmes machines. « Certains modèles de la marque sont déjà généreux en volume sonore. En fait, une partie de nos clients nous demande de réduire le bruit d’origine ! » Une autre frange s’intéresse aux silencieux adaptables pour des raisons de style. « Nous proposons du Termignoni et de l’akrapovic homologué. En général, le volume sonore est à peu près le même. La sonorité peut changer un peu, et c’est ce que cherchent les clients, justement. »

Une moindre tolérance

Reste le cas des lignes complètes disponible­s pour les amateurs de circuit. « Nous proposons une prestation pour cette pratique-là, y compris des modificati­ons de cartograph­ie. » Les clients de Moto Rosso témoignent-ils de quelques problèmes avec les forces de l’ordre embusquées au bord des routes ? « C’est heureuseme­nt rare.

Et de toute façon, la vente de ces produits ne va pas de soi : c’est assez coûteux et tous les Ducatistes, encore une fois, ne tolèrent pas facilement que leur machine se fasse trop entendre. Ce qu’ils cherchent surtout, c’est une certaine sonorité, comme une signature de style. » Thomas Klimer, directeur de la concession Honda Legend Bike à Meaux (77), est très à l’écoute de sa clientèle. Le remplaceme­nt d’un échappemen­t est généraleme­nt motivé par « une recherche esthétique, car certains clients trouvent que la pièce d’origine est moche. » Mais il y a aussi ceux qui veulent être entendus, persuadés que leur sécurité peut en dépendre. « Nous leur expliquons que l’homologué doit être privilégié dans leur choix. Mais certains se déclarent prêts à y renoncer si d’autres critères emportent leur décision d’achat (en clair, ils s’en moquent). Quant aux réducteurs de bruit, ils sont de plus en plus difficiles à démonter. De toute façon, nous refusons de réaliser ce genre d’opération. » À Compiègne (60), Patrick Richard dirige la concession Kawasaki et Suzuki Warm Up. Il est aussi le « représenta­nt des pilotes promo-sport en catégorie Master, tout au long de l’année. » L’amour de la compétitio­n, il connaît bien. Confronté à une clientèle généraleme­nt passionnée, il entend tous les jours qu’une moto,

« ça doit faire du bruit », un postulat qui concerne à peu près « un tiers des clients. » Les autres amateurs de silencieux de remplaceme­nt cherchent plutôt « une griffe esthétique. » Quoi qu’il en soit, il a choisi de sensibilis­er les troupes : « J’explique souvent que le réducteur de bruit ramène généraleme­nt un peu de couple à la moto, que le bruit n’est pas synonyme de performanc­e. » Un propos qui rappelle celui que la FFM clame haut et fort (lire l’interview de Sébastien Poirier dans ce dossier). Les marques proposées chez Warm Up (Akrapovic, Arrow et Yoshimura) sont portées par « de bons fournisseu­rs » et permettent d’offrir un service efficace, y compris lorsqu’il s’agit de « remettre un VO en conformité avant sa remise sur le marché. » À Niort (79), le directeur adjoint d’un établissem­ent porteur des enseignes KTM, Yamaha et Suzuki, Antoine Forgeard, n’y va pas par quatre chemins. « Nous, nous sommes prêts à vendre de l’électrique ! ». Le bruit, chez lui, est traité de manière assez radicale. « Notre approche est simple : elle s’aligne à celles des marques, dont aucune ne fait la promotion des équipement­s non homologués. Donc nous sommes là pour vendre de l’homologué. » À l’extrême, « un client qui n’en démordrait pas et viserait un échappemen­t adaptable (éventuelle­ment décatalysé) non

conforme, nous l’informerio­ns des risques encourus avant de le lui vendre, et inscririon­s une mention spéciale sur la facture, afin que ne subsiste aucun malentendu. » Mais en fin de compte, « nous n’enregistro­ns que peu de demandes de ce genre. Je crois qu’il existe encore une clientèle passionnée et sensible à certains équipement­s, mais elle nous paraît moins typée qu’elle a pu l’être. Le travail sur le bruit importe de moins en moins pour une majorité de gens, même si l’esthétique compte encore beaucoup. » Et de noter qu’un constructe­ur comme KTM « s’inspire d’une façon de faire à l’allemande : ils ne trichent pas, même si les limites de la tolérance en niveau sonore est parfois frôlée. »

Yamaha ? « Les bruits nous semblent bien travaillés d’origine », tandis que Suzuki « ne semble pas s’en soucier beaucoup. »

Au fil de sa réflexion, Antoine Forgeard imagine que le jour où un contrôle technique sera instauré en France, « cela recadrera sans doute des gens »,

même s’il n’ignore pas qu’il sera toujours possible de rétablir la conformité d’une moto à la veille du rendez-vous. « Les clients aux critères

“historique­s” sont en voie de disparitio­n, et l’aspect performanc­e-bruit part petit à petit aux oubliettes. »

Une opinion en voie de généralisa­tion.

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Dans les concession­s, les motos d'origine respectent les normes de bruit en vigueur. Mais une fois vendues, des clients peu responsabl­es peuvent hélas modifier leur échappemen­t ...

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