Un constat ancien, mais un contexte en évolution rapide
Une unanimité émerge. La FNCRM, la FFM, la Csiam et la FFMC établissent le même constat. Il est urgent de régler le problème de l’excès de bruit émis par des 2/3-RM sous peine, à terme, de plier sous le joug d’un arsenal législatif étouffant ; et de compromettre le développement des affaires.
Le problème pourra-t-il être résolu avant que le moteur thermique ait disparu des routes européennes ? Les nuisances sonores imputables à certains motocycles sont montrées du doigt depuis plusieurs décennies. S’il est vrai qu’il conviendrait, dans ce dossier, d’étudier les conditions et circonstances de la perception du bruit tout autant que ses sources d’émission, il n’en demeure pas moins que le ras-le-bol des “auditeurs” est, aujourd’hui plus que jamais, pris en compte et porté par les responsables politiques, et ce jusqu’au coeur des villes. José Dujardin, référent technique de la filière cycle et motocycle du Conseil National des Professions de l’automobile (CNPA), va droit au but. De son point de vue, l’incivilité des utilisateurs de cyclos et de motos à l’origine d’un problème récurrent se manifeste essentiellement par le montage de systèmes d’échappement adaptables non conformes à la réglementation. « En tant que professionnels, nous devons monter exclusivement du matériel homologué. C’est une priorité, rappelle-t-il comme si cela n’allait pas de soi. Tous les professionnels ne disposent pas d’un sonomètre, mais cela ne doit pas les empêcher d’évaluer objectivement, chaque fois que nécessaire, le niveau sonore généré par un échappement. »
La patate chaude ?
Un discours clair, mais qui renvoie, encore une fois, à un constat ancien : les professionnels attentifs et soucieux de ne commercialiser que de l’échappement conforme aux exigences réglementaires ne constituent qu’un maillon de la chaîne. En outre, ils doivent presque quotidiennement répondre à une demande persistante de leur clientèle : « Les motards veulent être entendus par les autres usagers de la route. Pour eux, c’est primordial », souligne José Dujardin. Là non plus, rien de nouveau. « Certains adaptables homologués font un peu plus de bruit que les systèmes d’origine, tout en restant dans les limites autorisées. Ces matériels permettent souvent de contenter le client sans l’exposer à la sanction. Dans d’autres cas, le professionnel peut être amené, s’il le souhaite et s’il en a les moyens techniques, à atténuer le bruit de l’échappement de son client afin de lui éviter une verbalisation pour infraction au Code de la route. Mais nul ne peut l’obliger à le faire. Enfin, pour d’autres professionnels, des motos non conformes ne sont
AUJOURD'HUI, LE PROBLÈME DU BRUIT LIÉ AU 2/3-RM SE MANIFESTE ESSENTIELLEMENT PAR LE MONTAGE D'ÉCHAPPEMENTS ADAPTABLES
Pour certains professionnels, les machines bruyantes ne sont pas admises dans l'atelier. José Dujardin, référent technique du CNPA
La base de la vie en société, c'est le respect de l'autre. La FFMC est donc en désaccord avec les motards bruyants. Didier Renoux, porteparole de la FFMC
tout simplement pas admises à l’atelier, ce qui les libère effectivement de toute responsabilité en cas de problème. » poursuit-il, avant de conclure que le marché de l’adaptable a encore de beaux jours devant lui, dans la mesure où cet accessoire offre a priori « un gain de poids, une amélioration esthétique, un son plus flatteur aux oreilles du propriétaire de la moto et, comme je viens de l’indiquer, une supposée meilleure chance d’être entendu dans des environnements déjà bruyants. » Ce dernier argument, fréquemment défendu par les consommateurs de systèmes adaptables, agace les responsables de la Fédération française des motards en colère (FFMC).
La sensibilité exacerbée
« Cet argument est souvent brandi par des motards pour justifier leur “rebellitude”. Le problème, c’est qu’il ne tient pas la route et qu’il sert à “légitimer”
la production d’un bruit excessif, assène Didier Renoux pour la FFMC. Il existe une étude, réalisée en Espagne, qui montre que le bruit ne protège pas d’un éventuel écart d’automobiliste, dans la mesure où il est généralement déjà trop tard lorsque le bruit est nettement perceptible par le conducteur de la voiture. Et depuis quand le fait de faire trop de bruit affranchit le motard de la nécessité d’anticiper ? Il est dangereux de se croire exempté du danger. » Sur ce point précis, un autre professionnel du 2/3-RM renchérit. Il s’agit de François Bestel, responsable commercial de la marque de motos électriques (silencieuses !) Zero Motorcycles : « L’argument du “bruit qui sauve” n’est pas recevable. C’est ignorer que les sourds et malentendants ont parfaitement le droit de passer un permis de conduire. J’ajoute que certains de nos clients se sentent moins bien perçus auditivement sur une Zero que sur leur ex-moto thermique, ce qui les rend plus prudents, disent-ils. D’où ma question : quel risque prend-on à être prudent ? » Didier Renoux admet cependant que la sensibilité des populations se révèle particulièrement exacerbée depuis que les habitants de l’hexagone ont découvert le silence, en plein confinement. « L’hyper sensibilité sociétale n’arrange rien », glisse-t-il, avant de livrer le fond de la pensée fédérale :
« La base de la vie en société, c’est le respect de l’autre. Chacun entend être respecté. Pour cela, il faut être respectueux soi-même. La FFMC est donc en désaccord avec les bruyants. » Une profession de foi qui mène tout droit à ce que l’on pourrait considérer comme le coeur de ce dossier :
« Le bruit qu’il serait facile d’éviter renvoie d’abord un problème d’éducation, lié au rapport à l’autre. Cela nécessite un appel à l’intelligence, au sens commun, lequel devrait très largement primer sur la répression », conclut Didier Renoux.