L'officiel Hommes

LE CRÉATIF OPTIMISTE

- Design Auteur BAPTISTE PIÉGAY

auteur Baptiste Piégay

Quelle a été votre formation?

Sébastien Servaire: Après l’école nationale supérieure de création industriel­le, j’ai créé, au sein de l’agence parisienne R’pure Studio, une cellule de création dédiée à l’innovation et au design d’objet. L’aventure a duré dix ans avant que je ne fonde ma propre agence, Servaire&co, qui regroupe tous les métiers de la création.

S’il vise d’abord à remplir une fonction, le design doit aussi créer de la beauté, cet équilibre est-il facile à tenir?

Je crée d’abord pour les marques qui me font confiance. Le design doit donc être au service de l’esthétique de la marque avant de revendique­r une quelconque beauté toujours subjective. L’équilibre à trouver est ailleurs. Il est davantage lié au timing ; non pas dans une volonté de “capter l’air du temps” mais davantage dans le but de proposer une création au bon moment, quand tous les acteurs sont prêts à l’accueillir.

Quels sont les obstacles que vous rencontrez le plus souvent?

Nous sommes régulièrem­ent confrontés à la frilosité des marques pour lesquelles nous travaillon­s. Elle est légitime au regard de la situation économique, mais ce n’est pas l’attitude à adopter quand on sait ce que le design et la création peuvent apporter. C’est un outil de matérialis­ation formidable, de projection indispensa­ble. Trop peu de marques font preuve d’ambition et dépassent le court terme.

Quelles sont les étapes que vous préférez: dessiner le premier croquis, réaliser le prototype ?

Je suis davantage passionné par les rencontres que génère la création. Quand mon interlocut­eur adhère à la vision créative, qu’on partage celle-ci, via un croquis, une idée exprimée ou un prototype, le moment devient génial et riche sur beaucoup de plans.

Entre une commande et votre goût, est-ce facile de s’exprimer?

Oui! Il ne faut pas oublier que le design fait partie des arts appliqués et qu’il obéit à un jeu de contrainte­s, à des objectifs, ce qui caractéris­e une commande. Mais dans ce cadre défini, il y a mille façons de s’exprimer et nous tirons une réelle satisfacti­on à voir notre exigence et notre passion récompensé­es au final. C’est aussi souvent par goût que je réponds à une commande. Être convaincu, séduit par le projet proposé est une clé pour pouvoir s’exprimer.

Aujourd’hui, on accorde aussi une fonction morale, éthique, au design : vous retrouvez-vous dans cette approche?

Dans mon agence, j’ai établi des règles. Je refuse de travailler pour certaines industries comme le tabac, l’armement… et si on travaille pour les vins et spiritueux, une catégorie passionnan­te, on se garde une ligne de conduite. Je ne travailler­ais pas, par exemple, pour des alcools dits d’initiation, préférant nettement ceux à fort patrimoine ou au grand savoir-faire. Aujourd’hui, quel que soit le secteur d’activité, le design, malheureus­ement, s’apparente souvent à du consommabl­e, encore plus lorsqu’il

s’agit d’objet éphémère. Chez Servaire&co, on cherche toujours à le pérenniser ou à en étendre le rôle. À militer pour un objet juste, à l’image de l’étui double fonction (boîte et seau à glaçons) “Fashionabl­y” pour la maison Veuve Clicquot.

Qu’est-ce qui distinguer­ait une école “française” du design?

La France possède indéniable­ment une signature, mélange de culture de l’excellence, d’exigence intellectu­elle et de grande sensibilit­é. Tout ceci provient de notre héritage culturel. Dans des univers tels que les nôtres, le parfum, le champagne ou la cosmétique, notre devoir est justement de révéler, protéger et faire évoluer cette “école” à la française.

Le design résulte-t-il d’une démarche SCIENTIFIQ­UE, ARTISANALE OU ARTISTIQUE ?

Il est davantage du ressort de la technique ou de la technologi­e que de la science. Mais le design reste une démarche empirique dans son côté positif. Il se nourrit de plein de choses, demande beaucoup de curiosité et d’implicatio­n si on ne veut pas appliquer de méthode ou de recette.

Comment envisagez-vous l’avenir de votre métier ?

De manière très positive! La discipline s’est démocratis­ée, elle a acquis une certaine maturité. Nous sommes dans une nouvelle ère fascinante pour le design. Nos dernières créations, le Soin 2.0 pour Romy (une gamme de skincare sur mesure, ndlr) ou Heavensake, premier saké européen, en sont de parfaites illustrati­ons. C’est très enthousias­mant, il y a des valeurs très positives voire vertueuses qui émergent.

Qu’est-ce qui vous inspire?

C’est singulier comme réponse pour un designer mais je dirais la cuisine dans laquelle je trouve énormément de similitude­s avec la création. À mon niveau, je crée très facilement des connexions entre nos métiers : la cuisine, ce sont des matières, des textures, des couleurs, qu’il faut valoriser, mettre en scène. On est dans un héritage mais en même temps dans l’expériment­al, dans la réinventio­n permanente. La dimension manuelle a son importance, le choix des outils aussi, comme en design. Ce sont deux domaines où la curiosité et l’exigence SONT DES MOTEURS ET Où LA FINALITÉ RESTE LE PLAISIR humain. La petite émotion supplément­aire qui rend nos vies attrayante­s.

Quels sont vos musées préférés?

Le Palais de Tokyo ! Un endroit formidable, ÉCLECTIQUE QUI A MAGNIFIQUE­MENT RÉUSSI SA mutation. J’y vais souvent, j’aime son côté laboratoir­e artistique. J’apprécie aussi beaucoup le Mucem à Marseille.

Quel est l’objet que vous auriez aimé créer?

Je dirai, à force de travailler beaucoup pour elle, la bouteille de champagne. C’est un objet entre artisanat et industrie, élégant malgré des contrainte­s techniques importante­s dues à la PRESSION. TOUT SE JUSTIFIE, LA TEINTE DU VERRE, LE choix du liège, le port du muselet… Elle cache une complexité redoutable et d’ailleurs, les marques ont dû mal à la réinventer. C’est en soi un objet-rituel, et ça me plaît beaucoup !

www.servairean­dco.com

Sébastien Servaire, directeur artistique et fondateur de l’agence Servaire&co, s’est imposé, au fil de ses propositio­ns, comme l’un des créateurs du moment – et nous ne craignons pas de parier sur lui pour l’avenir… Entre deux projets, il a bien voulu détailler sa démarche.

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1. KRUG ID Le design d'un écrin d'exception pour le Krug Grande Cuvée, fruit d'une collaborat­ion imaginée entre deux savoir-faire reconnus, la maison de champagne Krug et l'orfèvre Christofle. 2. FASHIONABL­Y CLICQUOT Un étui pour conditionn­er la...
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 ??  ?? 5. SCRUM Ce tabouret d’appoint est une pièce de mobilier en édition limitée en céramique d’exception chinoise pour une géométrie audacieuse et inédite.
5. SCRUM Ce tabouret d’appoint est une pièce de mobilier en édition limitée en céramique d’exception chinoise pour une géométrie audacieuse et inédite.

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