RETOUR AUX BASIQUES
Avez-vous déjà vu Citizen Kane ? Déposez votre ipad et ouvrez un livre. Rendez-vous à la bibliothèque, ce formidable bastion du savoir humain. Possédez-vous seulement une carte de bibliothèque ? C’est sûr, ils en jettent, ces fils d’activité sur Twitter et autres blogs, mais avez-vous lu Les Frères Karamazov ?
SIMULACRES DE RELATIONS
La “vie” en ligne est une cacophonie de jérémiades et de pleurnicheries, de perfidies et de radotages. Son anonymat permet aux individus de s’adonner à la provocation à distance. Pour déverser sa négativité, il suffit de quelques mots ignobles et d’un clic. Un vaste public est à l’affût de cette scène de la médiocrité. À la place, si vous avez quelque chose de méchant à dire, nous vous proposons d’aller le dire en personne. Retirez votre gant, donnez une claque sonore sur la joue de votre adversaire, et dites : “Monsieur, vous m’avez insulté.” Cette manière voyeuriste de juger les gens avec une telle nonchalance, de les écarter violemment sur la base de deux ou trois photos doit cesser. Nous perdons notre temps avec ces simulacres de relations. Il est indispensable de revenir aux fondamentaux dans nos rapports avec les autres. Oubliez les sites de rencontre, renoncez à Uber (les taxis qui cassent les prix), évitez le dernier lounge rétro où les clients éclusent du whisky de maïs artisanal produit en série limitée à Brooklyn. Lancez-vous sans GPS, prenez un vélo et tombez par hasard sur un bar qui n’a pas changé depuis cinquante ans. Oubliez ce délice de gin aux mûres de saison à 15 € et prenez une bière, un shot, un manhattan, ou un Martini. Les fondamentaux. Laissez votre téléphone à la maison et engagez une conversation avec quelqu’un, découvrez-vous des points communs, faites un compliment, entamez un débat. Sans téléphone, nous n’avons pas non plus besoin d’oreillettes, et nous voilà libres de faire l’expérience du monde : ses sons, ses scènes de beauté et d’ennui. Nous échangeons aussi bien avec les rejetons de la finance qu’avec le “petit peuple”.
FLEURS ET CHAMPAGNE, MON AMI
Peut-être avons-nous rencontré une jolie fille lors de notre petite expédition au bar. Faisant fi de Tinder, nous l’avons déjà impressionnée lors de notre face-à-face. Mais après ? Fleurs et champagne, mon ami. Vous trouvez peutêtre ça trop convenu, mais quand en avezvous offert pour la dernière fois ? Et quand en a-t-elle reçu pour la dernière fois ? Il y a des lustres, voire jamais. Ne vous compliquez pas trop la vie, cette approche basique de la romance n’attend que d’être réactivée. Quant à votre appartement, il est devenu étouffant, plein à craquer de détritus et d’absurdités. Les placards de vêtements débordent, la chambre ne conviendrait même pas à une prostituée, et la cuisine ferait rougir votre mère de honte. Là aussi, un bon coup de pied aux fesses sera de mise. Si vous n’avez pas porté ou utilisé un vêtement ou un objet depuis plus d’un an, il est temps de le bazarder. Simplifiez et jetez sans retenue. Ne gardez que des objets qui sont suprêmement utiles ou que vous trouvez exceptionnellement beaux. Nous sommes en bonne voie pour retourner aux fondamentaux. Avec notre approche directe des relations humaines, notre attitude sincère consistant à combattre le tumulte, le stress et la distraction, nous avons commencé à ériger des digues de civilité afin de repousser la marée de mépris égoïste. Nos possessions sont réduites à l’essentiel, notre esprit commence à se clarifier, notre concentration à s’affirmer. Cet individu qui a effectué son retour aux fondamentaux, il a toujours été présent, vous aviez juste besoin que l’on vous rappelle amicalement son existence.
Traduction Héloïse Esquié