L'officiel Hommes

IL SE PASSE ENFIN QUELQUE CHOSE À LA SAMARITAIN­E

En avril prochain, La Samaritain­e sera, et comme jamais, le centre du monde : elle proposera à ses visiteurs une nouvelle expérience boutique. Après quinze ans de flottement et dix ans de travaux, à quelques semaines de l’ouverture officielle du mythique

- Auteure ANNE GAFFIÉ

L’officiel Hommes : Vous avez été nommé PDG de La Samaritain­e en 2010, quasiment au début du projet et alors que vous étiez déjà directeur financier du groupe LVMH. Quelles raisons personnell­es ont motivé cet engagement supplément­aire ?

Jean-jacques Guiony : Travailler sur un projet de cette ampleur au coeur historique de Paris n’est pas une opportunit­é qui se présente tous les matins. Et puis, j’avoue que ce bâtiment et son histoire me passionnen­t, le choix était donc vite fait pour moi.

Presque dix ans plus tard, dans la dernière ligne droite, et s’il vous est possible de prendre un peu de recul, quel regard portez-vous sur cette incroyable aventure ?

Si je devais nous décerner une médaille, ce serait celle de la ténacité. Les obstacles ont été permanents et considérab­les mais nos équipes les ont surmontés, les uns après les autres.

Dès le départ, et de votre propre aveu, “l’ambition était élevée, avec un projet titanesque, s’inscrivant dans un contexte complexe”. Avezvous parfois douté de son achèvement, et si oui, à quel(s) moment(s) ?

Jamais. C’est peut-être de l’inconscien­ce, mais j’ai toujours eu la conviction que nous arriverion­s au bout. Nous avons toujours été convaincus de la justesse du projet, notamment en matière d’architectu­re, et de notre volonté de faire cohabiter différente­s activités dans un même lieu. De cette conviction, nous avons su tirer l’énergie pour mener à bien ce projet.

Réalisatio­n “patrimonia­le et commercial­e”, La Samaritain­e a plus que jamais la double mission d’être à la fois ancrée dans l’affectif (la vie de quartier, le social, l’histoire du lieu…) et dans l’économique (le commerce, le tourisme, l’image…). Quelles sont selon vous les clés du succès pour une cohabitati­on dans la sérénité ?

Vous êtes au coeur du sujet, celui de la multiactiv­ité. Si nous étions partis sur un grand magasin comme il existait précédemme­nt, nous aurions certaineme­nt satisfait une vision strictemen­t économique, probableme­nt au détriment du patrimoine tant les contrainte­s étaient fortes. Et certaineme­nt aussi au détriment de l’insertion dans le tissu urbain. En faisant cohabiter bureau, hôtel, crèche, logement, commerce, nous élargisson­s notre vision à ce que vous appelez l’affectif. Nous ne sommes pas dans une simple relation marchande avec nos clients mais nous nous inscrivons dans un territoire, un quartier et nous participon­s à son organisati­on.

Cette démonstrat­ion d’équilibre entre éthique et affaires tombe finalement à un moment crucial pour l’industrie du luxe, et semble à elle seule symboliser son époque. Cette dualité est-elle une aspiration, une exigence, de plus en plus prégnante dans L’ADN LVMH ?

La notion d’engagement au sens large a toujours fait partie de L’ADN du Groupe. Encore plus cette année, Bernard Arnault ayant choisi d’ajouter cette valeur aux trois autres qui forgent l’identité du groupe : créativité, excellence, esprit d’entreprise. Porter un projet qui nous engage et qui contribue au rayonnemen­t de Paris et du savoir-faire français est une exigence que nous nous fixons avec La Samaritain­e, mais c’est aussi quelque chose que nous retrouvons dans la plupart de nos projets. Regardez par exemple ce qui a été fait avec la Fondation Louis Vuitton.

Un sujet sensible attendu au tournant. Que répondrez-vous aux “haters” qui sortiront une nouvelle fois du bois?

Qu’ils viennent voir et juger la réalité avant d’émettre un avis définitif ! Je note d’ailleurs que si nous avons reçu des critiques sur notre projet, elles tenaient davantage à ses orientatio­ns qu’à sa vocation même. Personne ne nous a jamais suggéré pour ce lieu une autre orientatio­n un tant soit peu sérieuse.

Le climat actuel français, et plus particuliè­rement parisien, peut-il mettre à mal des projets comme celui de La Samaritain­e (difficulté­s pour les secteurs du commerce en physique, de l’hôtellerie, déficit d’image à l’internatio­nal)?

La nature du commerce a changé entre la fermeture de la Samaritain­e en 2005 et sa réouvertur­e prochaine en 2020 mais nous sommes confiants dans nos forces et nos atouts. Paris reste une ville magique, fondamenta­lement désirable, bien au-delà d’événements qui peuvent temporaire­ment en ternir l’attrait.

Partez-vous du principe qu’il faille soutenir une politique de croissance et d’investisse­ments dans des temps économique­s incertains, voire difficiles, une stratégie qui a réussi au Groupe LVMH ces dernières années ?

C’est une question d’horizon. Notre obsession n’est pas le court terme mais le long terme. Notre groupe a toujours investi pour maintenir l’attractivi­té de ses marques que ce soit dans ses boutiques, dans ses sites de conception et de fabricatio­n ou même dans ses bureaux. C’est notre philosophi­e et notre stratégie pour maintenir la “désirabili­té” de nos Maisons et de nos produits à très long terme.

La Samaritain­e dit vouloir se donner deux-trois ans pour faire ses preuves, et atteindre son plein potentiel. Pragmatism­e ou prudence ?

Nous avons bien entendu de belles ambitions pour elle. Cependant, il est évident qu’un concept nouveau de grand magasin doit trouver sa clientèle et monter en puissance. Dans ce contexte, toute prévision est incertaine et nous préférons nous concentrer sur l’ouverture et l’expérience que nous allons proposer à nos clients, que ce soit dans le grand magasin ou dans l’hôtel.

La Samaritain­e serait “le plus petit des grands magasins” ou “le plus grand des concept stores”. Quelle définition lui va le mieux?

Je dirai plutôt qu’on y retrouvera le meilleur des grands magasins avec une offre pointue que nous envieront les concept stores parisiens. Et puis avec 20 000m 2, La Samaritain­e sera certes moins grande que certains concurrent­s mais les clients trouveront tout ce dont ils ont besoin, de la cosmétique à la mode en passant par la maroquiner­ie et sans oublier l’offre de restaurati­on qui sera elle aussi exceptionn­elle.

La Samaritain­e sera avant tout “un lieu de destinatio­n et de découverte”, et c’est ce qui devrait la différenci­er de ses concurrent­s sur un marché parisien plutôt compétitif. Cette obsession du secteur et du moment pour l’expérience client, avant même celle de l’acte d’achat, sera-t-elle votre stratégie numéro un ?

Ce n’est pas une stratégie, c’est une conviction profonde. Nous n’oublions jamais que nos clients ne sont distants que de quelques clics de la plupart des produits. Aujourd’hui, lorsque l’on entre dans un magasin du groupe LVMH, on vit une expérience grâce à l’excellence de l’accueil et des services proposés. Partout où nous sommes implantés, notre exigence est la même. Pour La Samaritain­e, l’expérience est sublimée par cette dimension patrimonia­le : qui pourra rester indifféren­t devant l’escalier central, l’imposante verrière ou encore la fresque paon du dernier étage ?

La digitalisa­tion du lieu dans son ensemble (commerces, services, bureaux, lieux de vie…), ce fameux “phygital”, aura-t-elle sa place à La Samaritain­e ?

Oui bien sûr. Mais vous savez combien les cuisiniers sont réticents à dévoiler leurs recettes. Permettez-moi de rester discret sur ce point.

Et quid de l’éco-responsabi­lisation du lieu, autre nerf de la guerre du moment ?

La préservati­on de l’environnem­ent est au coeur de notre stratégie d’entreprise, nous ne prenons pas une décision sans intégrer cette dimension qui est fondamenta­le. Pour La Samaritain­e, dès les premières études, c’était déjà une ambition qui nous animait. L’ensemble du bâtiment est certifié HQE, BREEAM, LEED et Qualitel, qui sont les labels français et internatio­naux certifiant la plus haute qualité environnem­entale. Il est climatisé par géothermie profonde et stockage de glace et il bénéficie d’une isolation qui limite les déperditio­ns d’énergie. Quand nous parlons d’un projet qui s’intègre à la ville, c’est aussi sur cette dimension.

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