Simon Johannin
Quel est votre incipit préféré ?
L’OFFICIEL HOMMES :
“C’est un jour comme les autres. En m’éveillant ce matin : “Ah!
SJ : te voilà encore!”… J’ai baillé de me retrouver.” Pierre Minet, La Défaite. Je ne dirais pas que c’est mon préféré, mais c’est celui qui m’a plu dans ceux que j’ai cherchés. Et puis ce livre est bouleversant.
Quel est votre premier souvenir de lecture ?
L’OH :
Fantômette dans la Bibliothèque rose. L’héroïne s’appelait
SJ :
Françoise, elle n’était déjà plus toute jeune à l’époque, possible qu’elle soit très vieille aujourd’hui.
Écriviez-vous, enfant, adolescent, à des auteurs? Et, si oui,
L’OH :
receviez-vous des réponses ?
Non j’étais trop occupé à lire les auteurs morts, je n’ai pas
SJ :
le souvenir de leur avoir écrit non plus, même si j’ai pu adresser quelques pensées à certains.
Écrivez-vous en silence, en musique, à l’aube, la nuit?
L’OH :
J’écris souvent la nuit, en musique, souvent la même musique,
SJ :
en boucle, ou le même fragment de musique, afin de garder le même état, la même humeur, tout au long du moment dédié à l’écriture.
À l’instar de Tom Wolfe, mettez-vous un costume pour écrire?
L’OH :
Si j’ai des vêtements, c’est un jean et un T-shirt, sinon un
SJ :
survêtement.
Pouvez-vous me décrire votre espace de travail ?
L’OH :
Je travaille où je peux, chez moi sur ma table, entre la fenêtre
SJ :
qui donne sur des jardins et la bibliothèque. Sinon, beaucoup dans les trains et dans les chambres d’hôtels. Il fut aussi un temps où travailler dans les cafés n’était pas désagréable.
Avez-vous un destinataire à l’esprit quand vous commencez
L’OH :
l’écriture d’un livre?
Oui, comme l’a si bien dit James Baldwin, “I write for people,
SJ :
baby”.
La littérature et la morale, l’ambition formelle et la politique,
L’OH :
font-elles toujours bon ménage ?
La littérature, ça n’est que la littérature, il n’est pas de très
SJ :
bon ton de vouloir à tout prix la mélanger avec le reste. On ne fait pas la révolution avec des oeuvres d’art. Mais il arrive que des artistes se retrouvent à une place de révolutionnaire, ou de moraliste, ou d’autre chose. Il ne faut pas trop réfléchir à la portée de ce qu’on écrit. On écrit et c’est tout, le reste, ça n’est pas de notre ressort, les gens en feront ce qu’ils en feront.
Que cherchez-vous dans un livre? Mais faut-il toujours
L’OH :
“chercher” quelque chose ou se laisser happer par la matière du livre ?
J’y cherche de l’instruction, une gymnastique mentale, la
SJ :
peinture d’un monde qui m’est étranger et où je plonge. J’y cherche la figure des écrivains que j’aime. J’y attends une émotion. C’est souvent ça, dans un livre, on attend, et puis, si c’est bien, ça vient tout seul, alors c’est formidable.
Quel est votre archaïsme favori ? Et quel néologisme
L’OH :
souhaiteriez-vous laisser à la postérité ?
Un archaïsme, goguette. Un néologisme, le schnockimok,
SJ :
nom ridicule attribué à une entité éminemment maléfique, afin de diminuer son pouvoir sur vous. Je le conseille à toute personne en prise avec les mauvaises forces de ce monde, c’est assez efficace.
C’est quoi, “bien écrire” à vos yeux?
L’OH :
Écrire sans les yeux justement, n’écrire qu’avec les mains.
SJ :
À la question “pourquoi écrivez-vous?”, Beckett a répondu
L’OH :
“Bon qu’à ça.” Et vous ?
Parce que je pense avoir encore quelques choses à dire, si un
SJ :
jour cela s’arrête, alors j’arrêterai aussi.
À lire : L’été des charognes (Éditions Allia, 2017), Nous sommes maintenant nos êtres chers (Éditions Allia, 2020), de Simon Johannin. Nino dans la nuit (Éditions Allia, 2019), de Simon et Capucine Johannin.