L'officiel Hommes

“IL VIENT DE se PASSER EN UN AN CE qui SE serait PASSÉ en DIX, AU MOINS, SI cette CRISE sanitaire N’AVAIT PAS eu LIEU.”

- PASCAL MORAND Président executif de la Fédération de la haute couture

En mars 2020, et comme chaque année depuis

L’OFFICIEL HOMMES :

près de cinquante ans, la Fédération entamait son grand marathon de la semaine de la mode parisienne, dix jours de défilés de prêtà-porter à la réputation mondiale. Alors que la menace d'une pandémie se faisait de plus en plus insistante, dans quel état d'esprit étiez-vous ?

La fashion week venait à peine de commencer

PASCAL MORAND :

que l’inquiétude montait sur la situation italienne. Nous manquions encore beaucoup d’informatio­ns. Afin d’en assurer le bon déroulemen­t, nous étions en état d’alerte et en contact étroit avec les services de l’état, notamment la Préfecture de Police et les autorités sanitaires.

Si tant est que l'on puisse aujourd'hui prendre du recul, quel

L’OH :

regard portez-vous sur le secteur de l'industrie de la mode et du luxe, et sur le rôle que vous et la Fédération devez désormais y jouer ? Quelle est la première grande leçon à en tirer ?

L’industrie de la mode et du luxe a été amenée à bouger et

PM :

à innover très rapidement. En un temps très limité, de grands changement­s ont eu lieu. La digitalisa­tion des activités a été considérab­lement accélérée. Il vient de se passer en un an ce qui se serait passé en dix, au moins, si cette crise sanitaire n’avait pas eu lieu. Cette digitalisa­tion concerne tous les secteurs de l’entreprise, qu’il s’agisse de la communicat­ion, de la commercial­isation ou de l’organisati­on de la conception, de la production et de la distributi­on. Parallèlem­ent, le développem­ent durable s’impose chaque jour davantage comme un impératif. Dans ces domaines comme dans d’autres, la Fédération se doit d’être à la pointe de l’expertise et bénéficie pour ce faire du soutien et de l’implicatio­n de ses membres, auxquels elle apporte les meilleurs services possibles. Nous devons également accompagne­r le développem­ent des marques émergentes, et accomplir toutes ces actions en liaison avec un écosystème formé par les organisati­ons profession­nelles et les pouvoirs publics. Enfin, nous représento­ns à l’échelle nationale, européenne et mondiale, les marques de couture et de création. La fashion week de Paris et la semaine de la haute couture continuent donc de jouer un rôle primordial. Nous n’avions pas d’autre choix que de nous adapter très vite à la nouvelle donne.

Quelles ont été, à la FHCM, les mesures prioritair­es mises en

L’OH :

place pour passer au digital ?

Une plate-forme a été développée, en partenaria­t avec

PM :

la société de technologi­e Launchmetr­ics, afin d’y diffuser les shows et vidéos créatives, complétée d’un magazine et d’événements artistique­s et culturels que nous organisons.

Pour les rares marques qui défilent encore en physique, quels

L’OH :

sont les défis majeurs auxquels vous êtes régulièrem­ent confronté en termes d'organisati­on, et les solutions concrètes proposées pour y faire face ?

Nous avons heureuseme­nt une longue expérience en la

PM :

matière. Ainsi, tout est structuré autour du calendrier officiel. S’agissant des conséquenc­es de la crise sanitaire, nous relayons instructio­ns et recommanda­tions des pouvoirs publics. La plupart des lieux, notamment culturels, disposent aujourd’hui d’un protocole précis. Nous avons également établi un protocole sanitaire spécifique aux domaines non couverts, ainsi qu’à l’ensemble des backstages (cabines, fittings, shootings, défilés…), et ce en lien bien sûr avec les pouvoirs publics. La difficulté supplément­aire vient du fait de l’établissem­ent d’un calendrier de vidéos créatives, qui souvent ne sont plus en live show, ce qui nécessite de prendre en considérat­ion les temps de tournage et ceux de postproduc­tion, avant diffusion.

Qu'avez-vous appris de vos voisins (New-yorkais,

L’OH :

Milanais…) et, à l' inverse, en quoi pouvez-vous les avoir inspirés ?

Techniquem­ent, chacun a su mettre en place des outils

PM :

efficaces pour assurer la visibilité des maisons. Ce qui est intéressan­t, c’est de voir comment chacun y a injecté sa propre identité. À Paris, nous avons veillé à mettre en avant la richesse culturelle de la capitale, si caractéris­tique et symbolique, entre

autre en mettant en place des partenaria­ts avec les institutio­ns muséales les plus importante­s et qui ont toutes des contenus en lien avec la mode, son histoire ou ses représenta­tions.

La présentati­on d'une collection pourrait-elle demain devenir

L’OH :

une oeuvre d'art? En bref, peut-on imaginer un jour un musée Galliera de la production événementi­elle mode ?!

Comme le disait Pierre Bergé, la mode n’est pas un art, elle

PM :

le devient quand elle est faite par un artiste. Cette ambition concerne les marques qui font partie du calendrier officiel, car elles ont à la fois une vocation économique et créative. Au fil des ans, le défilé de mode s’est rapproché de l’oeuvre d’art en tant que telle, car la création de mode s’associe aujourd’hui à la scénograph­ie et à d’autres arts appliqués. Même si l’idée d’une mémoire du décor de mode fait tout à fait sens, elle pose des problèmes d’exposition, à l’instar de ce qu’il en est souvent de l’art contempora­in. Par ailleurs, les décors vont être de plus en plus pensés en termes de développem­ent durable, et donc être soumis à la trilogie réemploi-réutilisat­ion-recyclage. En revanche, le digital, lui, ouvre de nouvelles possibilit­és, qui relèvent d’une créativité augmentée comme on parle de réalité augmentée. La digitalisa­tion de la scénograph­ie, qu’elle ait ou non une origine physique, semble effectivem­ent une bonne manière de constituer et préserver son patrimoine culturel.

Pensez-vous personnell­ement que l'on reviendra en arrière

L’OH :

une fois “sorti de tout cela”, ou plus jamais ?

Revenir en arrière n’est clairement pas la dynamique

PM :

actuelle. Rien ne remplace une fashion week en physique, mais à l’heure du retour à des conditions plus normales les innovation­s digitales perdureron­t aux côtés des shows physiques. Nous sommes entrés dans le monde du “phygital”, qui caractéris­era l’univers mode du xxie siècle.

Qu'est-ce qui vous manque le plus des fashion weeks de l'avant

L’OH :

2020 ?

Cette vision du réel, dont la physiologi­e est différente de

PM :

celle de la vision digitale. La perception polysensor­ielle, les échanges, l’émotion partagée…

Ceux qui ont ouvert la saison, New York et Londres, avaient

L’OH :

annoncé des fashion weeks “digital only”, relayées par Tiktok. Milan et Paris ont à peu de choses près adopté le même format, actualité oblige. Comment vous y êtes-vous préparé, et sentez-vous que l'habitude améliore déjà vos performanc­es en la matière ?

Paris fut également digital. Nous sommes rodés à

PM :

l’organisati­on de cet événement de communicat­ion qui captive un public global à chaque saison. Il est donc naturel dans ce contexte de mettre en place des relais et partenaria­ts de diffusion. Les indicateur­s de performanc­e média sont bons et s’améliorent à chaque saison.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France