Road trip vert pomme
La fin de l’été, c’est ce moment où l’on bascule brusquement des promesses de l’été au scepticisme de l’hiver. Seule la Provence offre une prolongation aux nostalgiques des vacances le temps d’un week-end. Surtout quand on laparcourt en Lamborghini et que le chronométrage est signé Blancpain.
Le village du Castellet, qui a donné son nom au célèbre circuit (et non l’inverse), est particulièrement charmant. Ses maisons anciennes en pierres sèches abritent d’aimables tables…
Premier jour
10 h 00
Sous des dehors assez minables, l’aéroport de Marseille vous offre au débotté un grand pan du Midi, l’arrière-pays provençal, hérissé encore d’un taillis de beaux hôtels et de jolies tables. Voilà ce qu’aurait pu écrire Antoine Blondin s’il avait débarqué comme nous un beau jour d’été à Massilia, avec la promesse de sillonner la Provence en voiture de sport. Et pas n’importe laquelle s’il vous plaît. Avec mélancolie, comme Patrick Modiano on pourrait dire “un jour ou l’autre, on monte dans une voiture”. Alors autant que ce soit une Lamborghini. Elle nous attendait au bout du tarmac, comme esseulée, attendant une âme charitable pour la faire bondir sur les lacets asphaltés. Alors, avec l’aide de Blancpain, partenaire de la marque et chronométreur officiel du Supertrofeo du Castellet, on l’a adoptée, cette merveille. Elle est toute en retenue, comme accroupie, sous un couvercle d’un prodigieux vert pomme, puis tout s’élance. Il faut saluer son ambition digne de Napoléon bondissant sur l’italie. Au volant, c’est comme au bistrot, il n’y a que là qu’on est bien. Avec ou sans réserve sous le pied. On comprend que les autos aient fait rêver des générations d’écrivains, à force de road trips, de symboles de liberté, de mythes fondateurs. C’est à la fois un départ et un terminus. Aujourd’hui encore, le road trip fait rêver les poètes, les copains… Même en Provence (ben oui, il n’y a pas que la route 66, un vrai marronnier), il n’a rien perdu de son charme, avec ses exubérances d’odeurs et de couleurs. Faire de la route, dans l’arrière-pays, c’est plein de surprises, de poésie.
12 h 00
Ah la belle auto généreuse que cette Lamborghini vert pomme ! À peine 1 250 exemplaires par an (et seulement une poignée en France), plus de 600 chevaux… Au volant, le fond de l’air est chaud, et ce n’est pas seulement en raison de la température extérieure. “J’appuie sur le starter, et voilà que je quitte la terre”, chantait Brigitte Bardot, sans laquelle, décidément, on ne peut pas écrire un papier ! L’auto est un véritable bolide qu’on croirait lancé à plein gaz, même quand on roule à 50 km/h… ce qui est rare… mais obligatoire (parfois !). La conduire sur les petites routes à travers la pinède produit une incroyable palette de sensations, depuis un moment d’appréhension au départ, jusqu’à l’adrénaline du condamné voyant arriver à toute vitesse un muret dans un virage.
13 h 00
À l’hôtel du Castellet, pendant que la belle sommeille au parking sous la tonnelle qui indique 33 °C, nous avalons un tartare et une salade niçoise au kiosque qui ourle le golf. Une brise légère fait palpiter les pins.
14 h 00
“Attention, il y a la police au rond-point”, nous a gentiment prévenu le responsable des partenariats automobiles Blancpain. C’est gentil. Le problème, c’est qu’en première, on atteindrait déjà presque 50 km/h. Pour ça, il faudrait déjà démarrer cet avion qui ne passe pas inaperçu… le cockpit ressemble à celui de Star Trek. Je dois même faire appel au mode d’emploi pour trouver comment débloquer le frein à main !
16 h 00
Le village du Castellet, qui a donné son nom au célèbre circuit (et non l’inverse), est particulièrement charmant. Ses maisons anciennes en pierres sèches abritent d’aimables tables, à défaut de galerie d’art ou de site “méritant le détour”. Il a son petit caractère qui a résisté aux outrages du temps… et n’a pas encore été racheté par Bernie Ecclestone, le pape des droits de la formule 1, contrairement à presque tout sur la commune…
18 h 00
Dégustation de vin à La Bégude, grand domaine viticole de Bandol. Véritable gentleman-vigneron, Guillaume Tari, descendant d’une lignée de viticulteurs du Sud-ouest (ce sont également les propriétaires du Château Giscours dans le Médoc), est un hôte en tous points remarquable, comme le sont
On prend la sinueuse route de La Ciotat. Son bord de mer, carte postale version Front populaire, avec ses anciens chantiers navals reconvertis en yard pour yachts de luxe.
Ah la belle auto généreuse que cette Lamborghini vert pomme ! À peine 1 250 exemplaires par an (et seulement une poignée en France), plus de 600 chevaux…
les sculptures monumentales d’inspiration indienne de sa belle soeur sculptrice, installées dans la cour. Il saute dans sa jeep Peugeot et nous fait faire le grand tour de sa sublime propriété ancrée en majesté sur les hauteurs. Ce n’est pas un château, mais une fort charmante demeure entourée de garrigue. Perdue au milieu, une table en pierre aménagée au sommet d’un promontoir. Tari sort un panier pique-nique en osier, de la terrine de cerf, du saucisson et les inévitables bouteilles de rosé et de rouge de la propriété. Des vins construits, structurés, plaisants et au formidable potentiel de garde. Évidemment, après nous avons été obligés de changer de conducteur. Vous avez déjà essayé un photographe (marseillais ) au volant ?
20 h 00
Baignade dans la piscine de l’hôtel qui n’est pas le moindre de ses atouts. Sur l’un des bains de soleil, sous les derniers rayons, une poupée russe qui aurait pu tourner dans Fast & Furious nous dévisage. Il y a dans l’air cette odeur de résine de pin, marine, chauffée au soleil et pourtant si fraîche, si douce…
21 h 00
Dîner à La Table de Nans, à La Ciotat, sur la chaleureuse recommandation de Guillaume Tari. C’est sans chichis, avec vue plongeant sur la belle bleue, un service attentif, des cuissons justes, le coucher du soleil, les pins parasols, les cigales. What else ?
Le lendemain
Petit déjeuner en terrasse avec vue sur les fairways. Le vent est tombé, l’air est déjà chaud. Le bonheur… si je veux.
10 h 00
Reconnaissance du fameux circuit du Castellet où rugissent déjà les moteurs des GT3 qui s’opposent, le temps d’un week-end, sur le fameux circuit pour le Supertrofeo Lamborghini créé en 2009 grâce au soutien de Blancpain. Avec leurs cris rauques et envoûtants, ces bolides évoquent des volcans qui se réveillent. Elles laissent rêveurs quand on connaît les limitations de vitesse en dehors des circuits… On comprend bien pourquoi ces autos figurent parmi les plus désirables du globe, le top du top des constructeurs. Capots architecturés, carbone, céramique, ces prestigieux bolides donnent des frissons sans même qu’on ait mis le contact. Les finitions sont parfaites, comme l’habitacle où l’on se sent (un peu trop !) à l’aise, avec des positions de conduite qui se règlent au millimètre et des commandes qui tombent sous les doigts. Seul regret : l’absence de pom pom girls en maillot pour laver l’auto à grande eau.
11 h00
On prend la sinueuse route de La Ciotat. Son bord de mer, carte postale version Front populaire, avec ses anciens chantiers navals reconvertis en yard pour yachts de luxe. On en oublierait presque que les frères Lumière avaient choisi la gare comme théâtre pour le tournage de leur premier film, à l’origine de l’histoire du cinéma. Dans ce décor très “congés payés”, la Huracan vert pomme attire les regards et les selfies. Mais les gendarmes couchés ne sont pas à son goût (il faut les franchir à 5 km/h seulement), ce qui nous fait regretter sa puissance et son accélération sur route, puisque 3,5 secondes lui suffisent pour atteindre 100 km/h, tout en douceur.
13 h 00
Cassis. Les calanques, les falaises, les grillons, l’eau translucide, le soleil qui brûle la peau. 340 jours de soleil par an. Déjeuner à la Villa Madie, havre de paix contemporain avec tomate grillée à l’âtre, pêche locale, légumes du soleil, tarte sablée citron et… un verre de blanc de Cassis ! Le chef, Dimitri Droisneau, tout juste doublement étoilé, signe ici la plus belle table de toute la Côte d’azur, après le Mirazur à Menton. Chapeau bas, tout est “ab fab”, comme sa terrasse en caillebotis baignée de soleil.
15 h 30
Les finitions sont parfaites, comme l’habitacle où l’on se sent (un peu trop !) à l’aise, avec des positions de conduite qui se règlent au millimètre et des commandes qui tombent sous les doigts.
Au moment de repartir (c’est vrai, on a eu du
16 h 00
mal, la faute aux desserts et à la vue), je constate que le pneu arrière droit est crevé… Zut, ça doit être la bouteille que je n’ai pas pu éviter en venant à Cassis. Au prix du pneu, un P0 de chez Pirelli… Je pensais que c’était plus résistant. J’espère qu’on va pouvoir être dépannés rapidement. L’attente se prolonge et nous contraint (pauvres de nous) à descendre dans la crique et à nous baigner pour tromper le thermomètre qui affiche 34 °C. Le frottement des feuilles des figuiers exhale un parfum délicat. L’eau est transparente, le clapotis des vagues tout juste couvert par le violon des grillons. Plus efficace qu’un Prozac à la vodka, la baignade vous accroche le sourire aux oreilles avec une facilité déconcertante. Trop beau pour durer. À un moment il a bien fallu rendre la Lamborghini et la Fifty Fathoms. C’était l’heure…