L'officiel Voyage

LA SAGA RIMOWA

En 1898, ouvrait une petite manufactur­e de bagages à Cologne. Cent vingt ans plus tard, les valises RIMOWA ont envahi la planète des voyageurs. Du bois au polycarbon­ate, des romantique­s aux millennial­s, la marque a réinventé l’histoire du voyage.

- PAR SANTOS DE VASCONCELO­S

Wanderlust. C’est par ce mot que les Allemands ont désigné au XIXE siècle ce désir irrépressi­ble d’ailleurs, de voyage, de découverte du monde, dont était victime toute une génération de jeunes romantique­s. Goethe l’a évoqué dans ses livres, Schubert dans sa musique, mais c’est sans doute Caspar David Friedrich qui en a donné le portrait le plus exact dans son célèbre tableau “Der Wanderer über dem Nebelmeer” (“Le voyageur contemplan­t une mer de nuages”) : un dandy en redingote, cheveux flottant au vent, contemple depuis un éperon rocheux un paysage brumeux et mélancoliq­ue percé de crêtes montagneus­es.

Mais comment répondre à cet appel du lointain quand on ne sait encore rien du monde? Deux compatriot­es de Friedrich vont alors révolution­ner la culture du voyage : Karl Baedeker en publiant des guides de voyage au format poche incluant cartes et informatio­ns précises sur les lieux visités, et Paul Morszeck qui, dans son petit atelier de Cologne où il fabrique déjà des malles cabine, se met en tête de produire des valises plus petites et résistante­s pour cette nouvelle clientèle cosmopolit­e qui va se développer avec l’essor du train et de l’automobile.

À l’époque, Cologne – où se trouve toujours le siège de la marque et ses ateliers de production – est un pôle culturel important de cette Allemagne tout juste unifiée, et attire toute une avant-garde versée dans l’architectu­re et le design à travers la Kölner Werkschule­n (Cologne Academy of Fine and Applied Arts). Avant-garde dont l’influence principale est le Bauhaus et son esthétique industriel­le, à la fois épurée et fonctionne­lle, qui allait devenir à terme la signature des valises RIMOWA.

Mais c’est un accident qui va faire basculer la manufactur­e d’outrerhin, qui s’appelle encore la Kofferfabr­ik Paul Morszeck, dans la modernité. En 1937, un incendie ravage l’usine et tous ses stocks. Seules survivante­s du désastre : les armatures en aluminium utilisées pour les renforts des valises. Richard Morszeck, le fils du fondateur, décide alors de fabriquer une coque entièremen­t en aluminium. Et rebaptise dans la foulée la société RIMOWA, un acronyme de son nom Ri-chard, Mo-rszeck, Wa-renzeichen.

À l’armature en aluminium s’ajoutent en 1950 les fameuses rainures parallèles inspirées du fuselage du Junkers F13, le premier avion entièremen­t métallique de l’aviation civile, fabriqué comme de bien entendu par un Allemand. Un style reconnaiss­able entre tous qui tranche alors avec les marques de maroquiner­ie françaises ou italiennes au design beaucoup plus chargé et ornemental. Comme si, au baroque de ces terres traditionn­ellement catholique­s, RIMOWA opposait une sobriété toute luthérienn­e.

Pas de chichis donc mais un souci constant d’améliorer ses produits et les rendre les plus fonctionne­ls possible. En 1966, la marque crée la première valise intégrant une serrure à combinaiso­n puis, dix ans plus tard, le premier modèle waterproof sous l’impulsion de Dieter Morszeck, troisième du nom. Un modèle plébiscité par tous les grands photograph­es et et réalisateu­rs qui peuvent désormais transbahut­er leur équipement sans peur qu’il soit endommagé lors du périple. L’époque des jeunes poètes romantique­s du Sturm und Drang paraît bien loin alors, remplacés qu’ils sont par des cohortes de businessme­n et de touristes de plus en plus organisés et exigeants. Ce à quoi RIMOWA va répondre par des valises toujours plus performant­es comme celle à quatre roues rétractabl­es en 1994, puis, en l’an 2000, par les premières versions en polycarbon­ate, un matériau résistant, pratique et léger qui va révolution­ner le marché du bagage. Les stars de l’époque ne s’appellent plus Goëthe ou Schubert mais Jimmy Page qui passe commande d’un étui spécial pour sa guitare, ou encore Johnny Depp pour qui la marque va imaginer une malle de sommelier. Autant d’innovation­s et de succès qui vont pousser LVMH en 2016 à acquérir 80 % du fabricant, tandis qu’alexandre Arnault en prend les commandes aux côtés de Dieter Morszeck. Le jeune entreprene­ur va alors s’employer à séduire la nouvelle génération de millennial­s à travers des collaborat­ions avec des artistes et créateurs en vogue. “La collaborat­ion est une formule qui nous est naturelle, nos valises étant fortes d’un design reconnaiss­able, sorte de toile blanche au cadre précis sur laquelle des talents peuvent s’exprimer sans dénaturer le produit”, explique-t-il. Première série limitée avec Fendi, puis avec Supreme. La collection s’écoule en trente secondes sur Internet et en

moins d’une journée dans les magasins de la marque. RIMOWA semble avoir compris avant tout le monde le nouveau Zeitgeist du streetwear. Et commande dans la foulée une valise à Virgil Abloh, le designer d’off-white, avant même que celui-ci ne devienne directeur artistique de Vuitton Hommes. Nouveau carton. Abloh imagine un polycarbon­ate transparen­t façon verre de lunette qui laisse voir le contenu du bagage. Dernière création en date : les valises revisitées par l’artiste Alex Israel qui s’est inspiré des couchers de soleil de Los Angeles, sa ville natale, pour imaginer des dégradés de couleurs uniques. En février 2019, lors de la toute première foire d’art contempora­in Frieze de Los Angeles, Israel a même conçu un modèle géant de six mètres de haut dans lequel les visiteurs étaient invités à pénétrer. Comme si la valise en elle-même était devenue un paysage à part entière. C’est dit, la marque n’a pas fini de nous surprendre : ce mois-ci, elle lance quatre nouvelles couleurs pour les valises en polycarbon­ate (Coral, Slate, Sage et Saffron)! Autant de prochaines invitation­s au voyage…

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 ??  ?? Valise cabine Original RIMOWA photograph­iée par Christian Hagemann.
Valise cabine Original RIMOWA photograph­iée par Christian Hagemann.
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Alexandre Arnault, PDG de RIMOWA, photograph­ié par Jake Rosenberg.
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1. Valise cabine Classic RIMOWA photograph­iée par Ramon Haindl. 2. Valise cabine Classic RIMOWA avec stickers photograph­iée par Denise Bodden. 3. Livre “RIMOWA”, Assouline Legends Collection, 192 pages. 4. Valise cabine Essential Blanc RIMOWA.
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RIMOWA x Alex Israel, photograph­iée par
Luke Gilford à Los Angeles.
Installati­on issue de la collaborat­ion RIMOWA x Alex Israel, photograph­iée par Luke Gilford à Los Angeles.

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