JEANNE DAMAS
APRÈS AVOIR DÉPASSÉ LE MILLION DE FOLLOWERS SUR INSTAGRAM, ELLE FAIT UN CARTON AVEC ROUJE, SA MARQUE DE PRÊT-À-PORTER QUI INCARNE UNE CERTAINE ÉLÉGANCE FRANÇAISE, À LA FOIS CHIC ET NATURELLE. RENCONTRE AVEC UNE NOUVELLE ICÔNE DE LA MODE.
Nous voilà devant un café en terrasse face au canal Saintmartin… J’ai l’impression d’être sur une photo de votre Instagram ! (Rires.) C’est vrai que j’aime montrer toujours les mêmes choses : le même bouquet de fleurs, le même chat, le même quartier.
Ma petite routine parisienne. Il y a eu un moment où tout le monde voulait partir d’ici. Mais moi, j’ai toujours aimé ce côté laidback de la ville : le fait de traîner, d’être en terrasse, de prendre ton temps. C’est ça aussi, Paris.
En même temps, vous y êtes de moins en moins. Là vous revenez tout juste du Japon.
On va peut-être ouvrir une boutique Rouje là-bas, donc j’allais visiter des endroits. J’ai déjà un pop-up store dans un grand magasin à Tokyo, Maison Iena. On en avait fait un il y a un an qui avait super bien marché.
Vous êtes “big in Japan” alors, comme Alain Delon.
Disons que les Japonais ont une “culture du fan”. Ils ont une fascination pour la France, son art de vivre, sa gastronomie, sa mode. Là-bas, j’avais l’impression d’être Johnny Hallyday. Les gens me suivaient dans la rue, me prenaient en photo. J’ai même cru que certains allaient faire un AVC. Alors que moi je suis personne.
Je comprends mieux pourquoi vous étiez un peu jet-laguée au shooting. Ça a dû être épuisant.
Oui. D’autant que la semaine d’avant, j’étais à Los Angeles pour l’ouverture d’un autre pop-up store.
Los Angeles, Tokyo : c’est quoi la suite?
J’ouvre une boutique et un resto Rouje, rue Bachaumont à Paris, dans le 2e arrondissement. C’est un scoop que je vous donne parce qu’on vient tout juste de signer.
Un resto, vraiment ?
Vous savez, mon père était restaurateur. Ma mère et lui avaient le Square Trousseau dans le 12e. C’était un bar-tabac qu’ils avaient transformé en brasserie. J’ai grandi là. C’était comme un petit village pour moi. Il y avait le marché d’aligre, mon école et le resto avec notre appartement au-dessus. Je connaissais tout le monde dans le quartier. Ensuite mon père a eu un autre resto près d’ici, dans le 11e, qu’il vient de vendre il y a deux mois. Du coup, je me sens un peu orpheline. D’autant que je ne sais pas faire la cuisine et que j’allais manger tous les jours dans le resto de mes parents.
Du coup vous ouvrez votre propre cantine. C’est malin.
J’ai besoin d’un endroit comme celui où j’ai grandi, avec des clients, des amis qui passent. J’ai envie d’une ambiance familiale où les gens se connaissent. Je serai beaucoup sur place d’ailleurs. Ce sera mon QG. Je travaille sur la déco avec Marie-france Cohen qui a créé Bonpoint et que j’adore. Ce sera comme un petit concept-store avec la boutique et le resto Rouje. Et peut-être-même la cuvée Rouje. (Rires.)
Décidément en France on ne pense qu’à picoler! À part le bon vin, qu’est-ce que vous aimez le plus retrouver quand vous revenez ici ?
Les terrasses ! Il y en a une à chaque coin de rue. Je suis étonnée à chaque fois que je voyage de voir qu’il y a si peu de terrasses dans les autres pays. Il n’y a pas ce truc où tu peux te poser avec tes potes, ou toute seule, lire, regarder, ne rien faire. J’adore. Même en hiver. Et puis le théâtre aussi. J’y reviens de plus en plus. En ce moment, je vais beaucoup à la Comédie-française.
C’est vrai que vous avez fait des études d’actrice.
Oui, pendant trois ans. À l’atelier Blanche Salant, à deux pas d’ici. À l’époque, je voulais être comédienne. Et puis j’ai commencé à faire des castings et je me suis rendu compte que ce n’était pas mon truc. Je suis une fonceuse. J’aime contrôler les choses. Même maintenant, c’est moi qui fais les castings des filles pour Rouje par exemple. J’adore les découvrir et les mettre en avant.
Les fameuses #fillesenrouje… Racontez-moi, il y a qui dans votre bande ?
Je travaille beaucoup avec des amies très proches. Nathalie Dumeix que j’ai rencontrée Square Trousseau quand j’avais 12 ou 13 ans et qui avait son atelier juste à côté du restaurant. C’est grâce à elle que j’ai appris ce métier de styliste. Et puis il y a ma soeur qui fait des bijoux. Yasmine Eslami aussi qui m’a fait débuter. Elle cherchait des girls next door pour la campagne de sa marque et la fille de son mec lui a montré mon Facebook. Je me suis retrouvée du jour au lendemain à faire ce shoot avec Olivier Zahm alors que je ne faisais pas du tout partie de cette hype parisienne à l’origine. Je vivais dans mon village du 12e avec les mêmes potes depuis que j’avais 5 ans. Je ne sortais pas au Baron ou ailleurs.
Pour être hype en fait, il ne faut surtout pas chercher à l’être.
C’est pour ça que je n’ai pas trop de conseils à donner aux filles qui se lancent dans le métier. Je n’ai jamais cherché à être connue.
Mon parcours est fait de rencontres et de hasards. Jacquemus par exemple. On s’est rencontrés sur Myspace quand il avait 15 ans et moi 13. On s’est parlés pendant un an. On est tombé amoureux. La première fois qu’il est venu à Paris, il a dormi chez moi. Je ne sais pas ce que j’ai pu raconter à mes parents. Il avait un énorme accent du Sud. On est allés visiter la tour Eiffel. Puis très vite, on est devenus potes. On a eu des parcours différents, mais ce qui est drôle, c’est que tous les deux on a eu du succès au même moment. On se voit tout le temps maintenant.
J’ai remarqué que vous faites tourner la tête aux garçons comme le fait Isabelle Adjani dans L’été meurtrier, dont vous vous êtes inspiré pour votre première collection. Il y a qui d’autre dans votre panthéon personnel ?
Jane Birkin. Catherine Deneuve. Les films de Jacques Demy. En même temps, je ne trouve pas que les filles françaises soient les plus stylées. Les Londoniennes sont plus folles. Les New-yorkaises plus pointues. La Française, elle, a son uniforme et le garde toute sa vie. Regarde deux rédactrices de mode comme Carine Roitfeld et Emmanuelle Alt : chacune a son look bien à elle, et elles n’en ont pas changé depuis vingt ans.
Vous, j’ai l’impression que vous en avez deux. Un pour Paris avec un jean taille haute et des boots, et un autre pour l’été avec des robes à fleurs et des sandales. On vous trouve où en vacances ?
Je vais beaucoup à l’île de Ré parce que ma mère y habite maintenant. J’aime bien, mais hors saison. Surtout pas en août. Vous aimez bien l’île de Ré sans les Parisiens en fait? (Rires.) C’est ça. Heureusement, elle habite à Ars-en-ré qui est le meilleur village selon moi. Je bouquine, je fais du vélo, je vais à la plage. J’adore le Sud aussi. J’allais beaucoup à Marseille à une époque. J’ai le fantasme de m’acheter une maison dans le coin. Idéalement près de la mer mais c’est bondé. Sinon il y a les Roches Rouges, vous connaissez? J’y suis allée l’année dernière, j’y retourne dans un mois. C’est un hôtel hyper beau posé sur des rochers devant la mer, jute à côté de Saint-raphaël. Il y a une piscine qui termine quasiment dans la mer. C’est les Festen qui ont signé la déco.
Vous allez vous retrouver dans ce numéro alors…
Ah bon? Vous les avez interviewés? J’adore ce qu’ils font. Un autre endroit où je vais beaucoup, c’est Arles, pour les Rencontres de la photo. J’y vais depuis que je suis toute petite. On a notre chambre réservée à l’hôtel du Forum six mois à l’avance! Tout le monde va au Nord Pinus mais je préfère cet hôtel un peu vieillot, familial, avec sa petite piscine dans la cour intérieure. On est toute une bande et on se retrouve à chaque fois pour la semaine d’ouverture.
La Parisienne n’est jamais à Paris en fait !
C’est ça. De toute manière, Paris pour l’aimer il faut le quitter.
C’est un peu comme les êtres qu’on aime…
Exactement !