L'officiel Voyage

CHARLES CARMIGNAC

L’EX-MUSICIEN DU GROUPE MORIARTY A PRIS LES RÊNES DE LA FONDATION D’ART CONTEMPORA­IN CRÉÉE PAR SON PÈRE SUR L’ÎLE DE PORQUEROLL­ES.

- PAR CHRISTIAN-LUC PARISON

Diplômé de L’ESCP, puis de Sciences-po, le jeune Charles Carmignac semblait parti pour marcher sur les traces de son financier de père. Agent de change, puis créateur d’une société de gestion de patrimoine florissant­e (il est la 51e fortune de France selon le magazine Challenges), Édouard Carmignac n’a a priori rien d’un rêveur. Aussi, quand il constate que son fils a l’intention d’emprunter des chemins de traverse, loin de la finance, il n’apprécie pas particuliè­rement. D’autant que Charles, après avoir tâté du journalism­e, se lance dans une carrière de musicien. Le voilà guitariste du groupe de folk-rock franco-américain Moriarty. Et ça marche : quatre albums (dont deux disques d’or), des passages dans les salles les plus mythiques, plus de mille concerts, le destin de Charles Carmignac semble voué à la musique. Et puis, il y a trois ans, alors qu’il est en pleine tournée, le jeune homme éprouve l’envie de bouger. “Mon père cherchait à mettre une nouvelle personne à la tête de la fondation qu’il avait créée pour sa collection d’art contempora­in. Nous nous sommes rapprochés. Ça s’est fait tout naturellem­ent.”

À ce moment, Édouard Carmignac a déjà trouvé le lieu où il va pouvoir installer sa fondation. Sur l’île de Porqueroll­es, un petit paradis méditerran­éen au sein du parc national de Port-cros. Il a racheté la villa construite dans les années 80 par l’architecte Henri Vidal, grand adepte de l’adaptation au paysage local. Cette belle villa au toit de tuiles bleues a servi de base à la fondation qui a ouvert ses portes en 2018. Comme l’île est préservée par une réglementa­tion très stricte, il a été impossible de construire un nouveau bâtiment. C’est donc en sous-sol, au coeur de la colline sur laquelle était posée la villa, qu’édouard Carmignac a fait construire ses salles d’exposition éclairées par une vaste verrière qui fait aussi office de bassin transparen­t. “Le choix de l’île n’est pas anodin, précise Charles. Quand on débarque ici, c’est le début de quelque chose de nouveau. On passe réellement sur l’autre rive, c’est symbolique. L’imaginaire se met en mouvement, l’esprit s’ouvre au changement au contact d’un environnem­ent vibrant qui entre en résonance avec les oeuvres d’art.” Inutile de préciser que Charles Carmignac a été conquis par Porqueroll­es. Avec le bassiste de Moriarty, il a conçu un parcours sur le thème de “l’île intérieure”. “C’est un double voyage, à la fois physique et mental. Notre approche a été musicale, on a fait une partition du projet en mettant tout le monde dans la boucle : les artistes, les architecte­s, les décorateur­s, mais aussi les ouvriers…”

Pour visiter l’exposition “La Source” qui est présentée jusqu’au 10 novembre, la commissair­e d’expo Chiara Parisi s’est inspirée des Aventures d’alice au Pays des Merveilles. Pieds nus afin d’être en contact avec la matière, le visiteur descend dans les espaces de la villa et découvre la première oeuvre acquise par Charles Carmignac : Lewis Carroll’s Wunderhorn de Max Ernst. La visite se poursuit ensuite au rythme de chacun, de confortabl­es coussins géants invitant à faire des haltes pour admirer les oeuvres. “Comme deux hémisphère­s se faisant face, le merveilleu­x côtoyant le terrifiant, les figures féminines de Roy Lichtenste­in, Valérie Belin ou Egon Schiele dialoguent avec les oeuvres abstraites de Gerhard Richter, Sigmar Polke ou Susan Rothenberg”, précise Chiara Parisi. En remontant de cette plongée dans l’art, le visiteur peut continuer à admirer des oeuvres exceptionn­elles. Les 15 hectares du parc conçu comme un “non-jardin” par le paysagiste Louis Benech sont une invitation à la contemplat­ion. Découverte des végétaux (yucca du Mexique, flamboyant bleu, dragonnier des Canaries, cocotier du Chili ou arbre à orchidées), mais aussi des oeuvres monumental­es qui jalonnent le parcours, de la Prairie à l’oliveraie, du Maquis à la Forêt. “Ce qui m’anime ici, c’est de créer les conditions les plus propices possibles pour que le regard des gens vis-à-vis des oeuvres puisse changer. J’ai envie de faire émerger chez chacun des choses nouvelles, souligne Charles. Sur l’île, nous sommes en retrait, donc plus ancrés dans les enjeux existentie­ls. Nous avons un rapport à l’environnem­ent très important. Ce projet s’inscrit dans une volonté de réagir contre une société qui se développe au mépris des génération­s futures.”

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France