L'officiel

The Fife Arms, conte gothique

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policières après l’assassinat de Martin Luther King, des meurtres ou des suicides. Différente – elle souffre d’une scoliose grave depuis sa naissance dont elle est opérée à 10 ans –, elle aiguise son empathie et son intuition, repérant la douleur et le désespoir chez les autres, par exemple chez les amis de ses parents qui portent des numéros tatoués sur le bras et dont elle écoute les histoires. Passionnée par le dessin depuis toujours, elle devient illustratr­ice tout en faisant des petits boulots comme femme de ménage ou réceptionn­iste pour élever sa fille. À 40 ans, elle est soudain frappée d’une malédictio­n qui va se transforme­r en miracle : piquée par un moustique infecté du virus du Nil, elle attrape une méningo-encéphalit­e qui la laisse paralysée des jambes et de la main. Encouragée par sa fille, Emil Ferris va réapprendr­e à marcher et à dessiner avec un stylo à bille scotché à sa main droite. Et pendant dix ans, elle va travailler sans relâche les 800 pages de Moi ce que j’aime, c’est les monstres, toujours au stylo, un manuscrit qui sera refusé 48 fois par les éditeurs avant de paraître, enfin, et de remporter un succès phénoménal. Pendant que les lecteurs attendent avec ferveur le deuxième tome annoncé de 400 pages, les éditions Monsieur Toussaint Louverture sortent, pour cette fin d’année, une extraordin­aire édition du livre, surnommée Créature, à la jaquette dessinée par

Emil Ferris, inspirée par le tableau Oedipe et le Sphinx de F.E. Ehrmann. Le tirage est limité à

3333 exemplaire­s numérotés avec reliure cartonnée, toilée avec sérigraphi­e, accompagné de deux bandes dessinées apocryphes sous forme de livrets séparés. Bref, une édition d’un luxe inouï dont l’esthétique est à la hauteur de l’oeuvre qu’elle recèle. On ne peut pas s’empêcher de penser à ce que le grand Art Spiegelman (Maus), admiratif, a dit de Moi ce que j’aime, c’est les monstres : “Mon amour pour ce livre commence par le dessin. La façon qu’a eue Emil Ferris de surgir de nulle part, d’apparaître avec un trait aussi accompli, aussi parfaiteme­nt développé, cela semble irréel.” La manière de travailler d’emil Ferris, qu’on voit toujours un stylo à la main, paraît aussi surnaturel­le. Interviewé­e dans une vidéo des éditions Monsieur Toussaint Louverture, elle explique : “J’adore travailler la nuit, j’ai l’impression de marcher sur les rêves de tout le monde. Et je suis toute seule. Pourtant je ne me sens pas seule, je me sens entourée de tous leurs rêves…” Entrer dans ce livre, c’est s’immerger dans un univers total, faire des allers-retours entre les pages qui se font écho et entre ses mots puissants derrière une apparente innocence. Ses monstres sont des voyants qui font acte de résilience, d’empathie, d’humanité. Le pouvoir d’emil Ferris est immense, c’est un pouvoir de guérison par l’imaginatio­n.

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