L'officiel

Le Labo lance Baie 19

La nouvelle fragrance Baie 19 signée Le Labo

- Par Adrienne Ribes

Aujourd’hui on se voit pour Baie 19…

Eddie Roschi : Oui, mais on peut parler de plein de choses… L’idée de Baie 19, c’était de capter l’odeur du bitume aspergé par la pluie après une journée de soleil. Le résultat est quelque chose de très aérien, très sous-bois, patchouli. Avec un côté aussi un peu marin. Une fragrance très tendue pour finir. On retrouve quand même l’idée de départ : une petite route de campagne, il fait très chaud, puis il y a un orage, une odeur de bitume mêlée à celle de la terre…

Comment continuer à trouver des odeurs après 17 parfums? La vie qui s’enrichit, ça alimente votre éventail d’odeurs?

Absolument. Nous avons la chance avec Le Labo de travailler de façon complèteme­nt autonome. On ne demande l’avis de personne. C’est un privilège. Même en étant dans le groupe Estée Lauder, et avec toute une équipe de parfumeurs compétents et créatifs, in fine, c’est nous, Fabrice et moi, qui tranchons. Un parfum est quelque chose de très personnel. Il ne s’agit pas de tendance. On y met toute notre sensibilit­é.

Comment faites-vous pour accorder vos sensibilit­és?

En fait, nous travaillon­s chacun notre tour sur un parfum. On fait confiance au goût de l’autre. On n’est pas toujours d’accord. On discute. Mais au final, celui qui est à l’initiative du projet a le dernier mot.

Ce n’est pas frustrant?

Non. Pour moi on développe encore trop de parfums. Il faudrait que cela soit moins rapide.

Comment sait-on quand le parfum est prêt?

Je dois émotionnel­lement être convaincu.

Et après?

Je le porte, et j’attends les remarques…

Cela vous est-il arrivé que des remarque soient négatives?

Oui, l’année dernière, je n’ai pas réussi, avec mon parfumeur, à mettre en volume mon idée. C’était un problème technique. J’ai dû abandonner…nous n’arrivions pas à garder l’odeur sur la peau.

Y a-t-il une odeur derrière laquelle vous courez?

Pas vraiment. Je ne suis pas dans le mode Le Parfum, de Süskind, cette odeur impossible à transforme­r.

Et une odeur vous fait chavirer ?

Les odeurs qui me font chavirer sont liées aux souvenirs… elles restent dans le domaine de l’amour évidemment.

Et vos enfants, quelles odeurs ont-ils?

L’odeur de la chambre de ma fille est unique. C’est l’odeur d’elle dans ses draps, petite odeur d’existence dans un endroit confiné. Pareil pour mon garçon, avec une petite touche caca, car il a sa poubelle à couches! Quand je vais rentrer chez moi, j’irai sentir les chambres de mes enfants.

Votre compagne? ou compagnon ?

L’identité de l’autre, elle est sur les tempes. Là, vous découvrez sa véritable signature olfactive. C’est animal. On se renifle.

Une odeur qui vous met mal à l’aise ?

Aucune, à part peut-être celle des duty free d’aéroports, qui sentent toujours la même chose.

Vous vivez avec les odeurs, c’est un monde que vous avez choisi ?

Oui, j’adore. L’autre fois, j’ai déposé ma fille à l’école, il y avait un papa devant moi qui portait Santal 33, un de mes parfums!

Vous êtes allé le voir ?

Ah non! Surtout pas! Mais j’étais heureux. J’adore sentir les bonnes odeurs dans le sillage des gens. On s’imagine l’histoire de la personne, pourquoi elle a choisi ce parfum.

Et là, vous avez quelle odeur?

Ce matin, j’ai mis Thé Noir.

C’est votre parfum préféré?

Non. J’aime Rose, Another, Thé Noir et Oud, cet espèce de monstre que personne ne porte. C’est tellement animal et sale, il faut oser. Ce parfum n’existe que quand il est porté. Il doit être incarné charnellem­ent.

Vous allez loin, vous êtes assez radical.

Avec celui-là, oui. Il est fumé, ça sent le caoutchouc brûlé, le jambon…

Y a-t-il des gens derrière ces parfums?

Peut-être, mais pour l’essentiel ils sont imaginaire­s. Ce ne sont pas des comédiens ou des chanteurs. Maintenant, si vous voulez, ça pourrait être Joaquin Phoenix dans un rôle bien hard.

Vous parleriez de vocation?

Non. En fait, si on remonte un peu dans mon passé, j’ai étudié la chimie pour faire plaisir à mes parents, et en terminant mon diplôme de chimiste, j’ai eu mon premier boulot dans un groupe de parfums en Suisse. Puis de fil en aiguille, j’ai découvert ce monde.

Vous auriez pu être nez ?

Non, je ne serais pas capable, car il faut être monomaniaq­ue. C’est comme un cuisinier, il doit être aux fourneaux et inventer des recettes non stop. Moi, j’aime diriger créativeme­nt un projet et me frotter à plusieurs facettes.

Aujourd’hui, après New York, vous avez choisi de vivre au Portugal. Pourquoi?

Pour me rapprocher de la mer. Être dans une ville à taille plus humaine, ralentir nos vies. Tout en continuant à faire ce qu’on aime.

Mais comment faites-vous?

Je travaille avec un parfumeur. C’est du téléphone, du DHL, des Fedex. Et mon associé est en Californie. C’est comme si j’habitais dans une forêt magnifique au coeur de la France et que je travaillai­s a Paris. J’ai eu besoin de ralentir ma vie et d’y voir plus clair.

Et vous y voyez plus clair?

Oui, c’est certain. Quand on ralentit, qu’on s’arrête de courir, de faire du bruit… au bout d’un temps, la poussière retombe, se dissipe, et les choses essentiell­es restent. On est surtout tellement plus efficace.

Comment vous situez-vous vis-à-vis de la planète?

Aujourd’hui, on se focalise sur ce que nous pourrions mieux faire. Aller vers du 100 % recyclé, et déjà du 100 % recyclable. Le Labo, avec sa double personnali­té, est très attentif au monde, à son avenir. On ne fait pas de tests sur les animaux, on fait partie de la Peta aux États-unis. On ne peut pas créer de la beauté en épuisant la nature, la vie, la tendresse!

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