Charli XCX
Elle nous avait prévenus : “I don’t care”, lance-t-elle dans le tube qui lui a donné sa renommée internationale. Dix ans de carrière, deux albums et pléthore de collaborations plus tard, la Britannique de 27 ans revient avec “Charli”, une oeuvre brute et assumée. Rencontre.
“J’aime quand c’est fiévreux”, dit Charli XCX. Par cette chaude journée de juin, dans un studio photo du nord de Londres, cinq personnes s’affairent autour de la pop star. Elle s’apprête à poser pour Hannah Diamond (voir pages précédentes). Les deux artistes se connaissent bien. Elles ont travaillé ensemble sur le titre Paradise sorti en 2015 sur L’EP Vroom Vroom de Charli, un tournant électronique et underground dans la carrière de l’artiste qui signait jusque-là des titres taillés pour la scène pop mainstream internationale.
Lizzo, Miley Cyrus et Mykki Blanco en collab’
Née en 1992, Charli XCX a déjà une longue carrière derrière elle. Si longue que c’est sur Myspace qu’elle a été repérée par un organisateur de raves qui l’invite à faire ses premières scènes dans les soirées wharehouse londoniennes. Nous sommes en 2008 et Charlotte Emma Aitchison, déjà connue sous le nom Charli XCX sur les réseaux, a 14 ans. “Je faisais des beats sur un clavier. C’était du trashy bubblegum rap beats, tente-t-elle de décrire. Je ne sais pas vraiment, c’était mauvais!” Les raves ouvrent son imaginaire. “J’ai grandi à la campagne, je ne connaissais pas la culture club ou gay, la mode. Quand je suis arrivée dans ces soirées-là, je me suis sentie totalement immergée et inspirée.”
Deux albums et quelques mixtapes plus tard, elle sort Charli,
un album exigeant et aventureux qui navigue entre dance trap et expérimental, hymnes pop synthétiques, ballades épurées et featurings rap. Une approche qui révèle le goût de l’artiste pour une pop osée. “Je m’en fiche d’être une pop-star, je m’en fiche d’avoir les lumières braquées sur moi, de chanter des chansons qui vont passer à la radio. Ce qui m’importe c’est de créer une atmosphère que tu n’oublieras jamais, être brute. Mon show sera le plus rave jamais”, annonce-t-elle. Dans une tradition des featurings bien choisis, elle invite sur Charli
une short list de cette vague pop inventive : Christine and The Queens, Sky Ferreira, le rappeur estonien Tommy Cash, la rappeuse Cupcakke, ou encore Lizzo, dont le dernier album, Cuz I Love You, un concentré d’énergie et de soul, a bercé plus d’un été. Quelques noms à ajouter à une liste déjà prestigieuse. Parmi les artistes avec lesquels Charli a collaborés, des stars du calibre de Mykki Blanco ou Miley Cyrus. Des cautions plus underground aussi avec Mr. Oizo, Sophie, de PC Music, ou Mura Masa, producteur très en vogue qui a signé des morceaux pour Slowthai, A$AP Rocky ou Damon Albarn. Fait d’arme particulier : elle a sorti Spicy avec Diplo, un remix du fameux Wannabe des Spice Girls. Une sortie “par hasard”, explique-t-elle, enregistrée en dix minutes avec son voisin de Los Angeles pour enterrer la hache de guerre d’une relation amicale un brin querelleuse. “Je veux collaborer avec des artistes qui sont vraiment uniques, qui sont les seuls à faire ce qu’ils font, affirme-t-elle. Personne ne peut imiter Sophie, personne n’est une rappeuse aussi féroce que Cupcakke.”
Inspirations Ed Banger et PC Music
Le “I don’t care” de son premier tube semble être un bon mantra pour l’artiste. Dans un paysage pop souvent calibré pour le succès, Charli XCX explore les confins du genre au fil de ses sorties. Après un premier True Romance plutôt mainstream en 2012, elle se risque en terrain plus punk pour Sucker, en 2013. En 2015, elle sort L’EP Vroom Vroom sur PC Music, un label électronique anglais pointu qui exagère l’esthétique pop dans ses limites les plus artificielles, et dont Hannah Diamond est l’une des figures de proue. Charli XCX s’aventure alors dans des sonorités plus sombres et énervées, emprunte ses samples à Pulp Fiction et pousse le BPM dans des accents eurodance et trap, marques de fabrique du label.
Elle traîne sur les forums quand elle découvre Pink and Blue, de Hannah Diamond. “J’ai trouvé ça tellement bon. C’était le genre de musique que j’essayais de faire quand j’avais 16 ans, sans savoir comment y arriver.” Adolescente, la jeune artiste est inspirée par la house française d’ed Banger. “C’est la première scène que j’ai trouvée vraiment excitante, dit-elle. Quand j’ai découvert PC Music, j’ai ressenti la même chose. La même excitation face aux possibilités de directions et de sonorités que la pop musique peut emprunter.” Elle embarque A. G. Cook, le fondateur du label, devenu proche collaborateur et avec qui elle a produit Charli. “On s’est tout de suite entendu. Je crois que l’on naît pour rencontrer certaines personnes, A. G. est l’une d’elles pour moi.” Pour l’enregistrement de Charli, dans une maison de Los Angeles transformée en studio, le duo s’enferme pendant trois mois et travaille tête baissée. “Notre travail est émotionnel mais nous n’en parlons pas, nous préférons avancer. Quand tu commences à trop réfléchir dans la pop, tu deviens ennuyeux. Je préfère être instinctive.” De la pop brute et audacieuse, on dit oui!