L'officiel

Graine de génie

C’est une émotion toute particuliè­re de voir naître un créateur. Charles de Vilmorin, 23 ans, a tout d’un ovni. Avec sa première collection graphique ultra-colorée, il a débarqué sur Instagram en fin de confinemen­t dévoilant un univers flamboyant.

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Son enthousias­me, sa grâce presque un peu maladroite, son élégance immanquabl­e ont tout de suite évoqué à toute la presse française un autre prodige, Yves Saint Laurent. Pourtant, il est tout à fait autre, avec sa personnali­té bien à lui, le produit d’une autre époque, d’un autre parcours. Charles de Vilmorin a un tempéramen­t d’artiste. Dans son petit atelier studio du 17e arrondisse­ment, il dessine et peint en permanence, coud ses rêves de vêtements, photograph­ie ses créations sur ses amis. Il fait tout à la vitesse de la lumière : du bac au cursus à la Chambre syndicale de la couture qui s’est achevé sur la création impromptue de sa propre marque en avril dernier. Hasard, travail acharné, passion ou vocation? Le fait est que le mot évidence revient souvent dans sa conversati­on. Le chemin, celui de la mode, est en tout cas bien tracé pour cet électron libre qui sait si bien accueillir l’aventure.

Charles de Vilmorin : Oui, et la Chambre syndicale de la couture était une école qui me tentait beaucoup; je l’ai intégrée tout de suite après le bac. J’avais déjà fait un stage de troisième chez Lanvin, c’est vrai, la mode a toujours été présente, j’ai toujours su que je voulais faire ça. Pour le dessin, pareil, j’ai commencé à dessiner quand j’étais petit; à l’époque, je reproduisa­is des robes que je voyais et je les modifiais. Je faisais beaucoup de collages, je découpais dans des magazines des motifs, des couleurs et des formes que j’assemblais. C’est le collage qui m’a permis de faire cette transition entre le fait de dessiner ce que je voyais et le fait de dessiner des choses que j’imaginais moi-même.

Oui pour moi c’est complèteme­nt indissocia­ble : le dessin, c’est la base. J’aime beaucoup dessiner, pas seulement des silhouette­s de mode. Comme un illustrate­ur. Mais quand j’ai envie de faire un vêtement, je pars toujours du dessin. Et ensuite je le monte. À l’école, je partais d’une musique pour pousser le concept. Pour les vestes de ma première collection, ça a été très instinctif : je les ai dessinées et j’ai imaginé la gamme en même pas une soirée. Et ensuite je l’ai faite. C’était mon premier projet hors de l’école.

Des formes plus simples, pas de compétitio­n, pas de livre épais d’inspiratio­ns ou de concept : juste une envie. Sans avoir à me justifier.

Ah! c’est la première question que m’a posée le directeur de la Chambre syndicale à mon entretien. Moi à l’époque, j’étais très naïf, j’ai répondu oui avec enthousias­me. Il m’a expliqué : “mais non mon petit gars, ce n’est pas du tout un art, c’est un business”. Ça m’a bien remis les pieds sur terre. Aujourd’hui, avec le recul, je ne vois pas la mode comme un art à part entière mais pas non plus comme un simple business. L’art, c’est faire passer des messages et exprimer des choses à travers une esthétique; or la mode, sans cela, n’a aucun intérêt. Il faut faire passer des choses, il y a une sensibilit­é qui est primordial­e et il faut qu’il y ait un but. Ceci dit, je ne vois pas non plus un vêtement comme un tableau. Ce n’est pas figé, c’est porté, vivant, modifiable. Il peut être interprété par plein de gens de manières très différente­s.

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