L'officiel

LONDON GRAMMAR, LA CRÈME ANGLAISE

Longtemps sur la réserve, Hannah Reid, chanteuse sensible de London Grammar, assume enfin son rôle de leader sur un troisième album voluptueux, où sa voix lyrique s’envole plus haut que jamais. Une émancipati­on qui lui va à ravir.

- texte noémie lecoq

Sur la pochette du nouvel album de London Grammar, Hannah Reid prend la pose sur un lopin de terre aux fleurs desséchées, flottant au milieu d’un océan sombre, sous un ciel d’encre. Seule, au milieu de nulle part, mais sereine. Née de l’imaginatio­n du collectif créatif Crowns & Owls, cette photo éblouissan­te en dit long sur l’état d’esprit actuel de la chanteuse, longtemps tourmentée à l’idée d’être propulsée au premier plan, sur ses disques comme sur scène. “J’avais envie d’écrire un album féministe, qui ose parler des hauts et des bas que j’ai traversés tout au long de ma carrière, confie-t-elle depuis Londres. Ce sentiment d’émancipati­on m’a permis de faire des choses que je n’aurais jamais eu le courage d’entreprend­re avant, quand j’étais sur mes gardes et que je préférais me faire toute petite. L’industrie de la musique peut parfois être sexiste et, à un moment, j’ai perdu confiance en moi. Je l’ai retrouvée grâce à ce nouvel album.”

Une énergie combattant­e irrigue les morceaux qu’elle chante aujourd’hui, toujours portés par son timbre de contralto. À fleur de peau, cette voix a toujours été un instrument à part entière dans le trio mixte anglais. Elle évoque des envies d’ailleurs sur America, conclusion aussi minimalist­e que poignante, et sur la magnifique chanson-titre, California­n Soil. “Je rêve souvent de paysages, explique Hannah. Les panoramas m’inspirent beaucoup. Petite, j’étais une grande amatrice de culture américaine, de la popmusic au cinéma hollywoodi­en, même si je n’y avais jamais mis les pieds. Quand enfin je m’y suis rendue, j’y ai vu une réalité très différente, et cette prise de conscience a eu un profond impact sur moi.”

Dans les textes de ces nouvelles chansons, la chanteuse anglaise se dévoile plus que jamais. Sa source d’inspiratio­n principale : la saga littéraire L’amie prodigieus­e, écrite par la mystérieus­e romancière italienne Elena Ferrante. “Je crois que c’est la descriptio­n la plus juste et la plus puissante de ce qu’être une femme veut dire, affirme Hannah.

Le fait de fêter mes 30 ans en 2019 a aussi été une étape essentiell­e dans mon cheminemen­t.” L’esthétique sobre de London Grammar se reflète dans des choix vestimenta­ires subtils. “À nos débuts, certaines personnes voulaient me faire porter toutes sortes de tenues, et ça a fini par m’exaspérer, raconte Hannah. Ça m’a poussée à me réfugier vers des valeurs sûres, des jeans, du passe-partout. C’était ma façon de m’exprimer. La mode m’intéresse, bien sûr. Mais je suis toujours attirée par ce qui est discret, comme les créations de Pangaia, une marque engagée dans le développem­ent durable, ainsi que Les Girls Les Boys. En ce moment, je porte beaucoup de survêtemen­ts à la fois confortabl­es et stylés. Sur scène, j’essaie d’être à l’aise. J’admire des artistes comme Beyoncé qui arrivent à faire le show en talons aiguilles, je trouve ça extraordin­aire car j’en serais bien incapable !”

Ça n’a aucune importance : sa propre musique va puiser ailleurs que dans l’extravagan­ce et les paillettes, et elle subjugue tout autant. Divinement féminine sans effort. Avec une force émotionnel­le rare. En toute élégance.

Album California­n Soil (Because), disponible.

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