L'officiel

ÉTÉ FERTILE EN VUE

De la volonté de mettre en lumière toutes les richesses du massif, la Biennale Esterel est née. Ce nouveau rendez-vous estival réunira la fine fleur de la création pour mieux célébrer l’environnem­ent.

- texte nathalie nort Photograph­ie fiona torre Et élise ortiou campion

Difficile de trouver en France, et d’autant plus sur la Côte d’azur, meilleur terrain de jeu pour célébrer l’alliance de la créativité et de la biodiversi­té. Ce territoire, les randonneur­s qui cheminent vers le belvédère du Cap Roux le connaissen­t bien. Les abeilles et les parfumeurs aussi. Hiver comme été, ses sentiers diffusent des secrets aussi délicats qu’enchanteur­s. Mimosa, pin d’alep, arbousier, genêt, romarin, la palette aromatique est immense, et sa faune est l’une des mieux protégées d’europe. Sauvage, l’estérel – soit 32000 hectares de roche, de garrigue et de forêt, dont près de la moitié classée en zone Natura 2000 – a su se préserver de la bétonisati­on galopante de la Riviera depuis un siècle. Ouverte par le Touring Club de France en 1903, la Corniche d’or qui relie Saintrapha­ël à Mandelieu serpente sur trente kilomètres entre eau turquoise et roche rouge. Elle est un peu notre Highway One à nous, le trait d’union entre Var et Alpes-maritimes, avec des airs de Corse et de Sardaigne, ses soeurs tectonique­s. C’est dans cet environnem­ent très protégé que naît aujourd’hui la Biennale Esterel, projet voué à connecter l’homme avec la nature par le biais des arts, des sciences, du design, de la mode ou de l’artisanat. Ici, l’estérel, écosystème naturel et culturel, donne lieu à des possibilit­és inédites de créer une synergie entre différents talents, au coeur d’un même lieu réunissant artistes et savoir-faire, mais aussi des entreprise­s internatio­nales et des institutio­ns locales. Pour ce faire, Projet Esterel, organisati­on à but non lucratif portée par Philippe Combres et Jennifer Eymère, présidente de l’organisati­on, a identifié les ressources locales à valoriser. Les chênes-lièges du massif, les céramiques du pays de Fayence, le travail de la ruche ou des parfums à Grasse se sont imposés comme premières pistes de travail.

“Le simple souvenir de mon enfance passée ici, dans l’estérel, à regarder les tortues et à pédaler dans la pinède, suffit aujourd’hui à repenser ma constructi­on de l’avenir. La crise sanitaire mondiale aura au moins eu le mérite de sensibilis­er les gens à l’urgence climatique et à la préservati­on des espaces naturels”, confie Philippe Combres, cet art dealer habitué aux foires internatio­nales superlativ­es et au bilan carbone d’autant moins neutre. Ainsi, le liège a été choisi comme médium fédérateur de cette première biennale. Confiée à Bounoure & Genevaux, duo d’artistes établi à Montpellie­r et déjà à l’origine d’un ouvrage de référence sur ce matériau écologique, la curation s’emploie à son retour en grâce. Parce que sa récolte a, pendant des siècles, fait partie du quotidien de l’estérel – avant d’être remplacée par des lièges industriel­s puis de pratiqueme­nt disparaîtr­e face à l’avènement du bouchon en plastique –, une partie importante du projet vise à relancer l’activité de “levée du liège”, laquelle contribue notamment à limiter les incendies de forêt. Plus d’une trentaine d’artistes, architecte­s, designers ou éditeurs d’art de tous horizons répondront à cet appel à résidence. À la manière d’un summer camp, la Biennale Esterel s’apprête à accueillir en juillet prochain la réflexion et le travail de ces différents talents et partenaire­s réunis à la Villa Galaxie. Un warm-up en attendant la première édition de la Biennale qui, elle, s’ouvrira au public à l’été en 2022.

Multiplier les points de vue

Chacune des oeuvres du duo d’artistes Bounoure et Genevaux traite de l’espace et de la lumière. Elles ont pour impulsion primitive un geste, le pli. Une simplicité – étymologiq­uement, simple “n’a qu’un pli” – qui s’inscrit comme un tracé, une ligne devenant multiple, l’effervesce­nce du zéro à l’infini. Vertu cardinale de l’art contempora­in, la subjectivi­té du point de vue se trouve ici accentuée par l’image reflétée dans un poli miroir plissé dont la perception change selon le temps et la position de l’observateu­r. Pleine nature ou paysage urbain, l’environnem­ent de l’oeuvre joue tout autant un rôle composite qu’intuitif. Plutôt que de sculptures, le duo d’artistes, qui fait du pli son moteur de création depuis quinze ans, préfère parler d’installati­ons puisque celles-ci sont liées au contexte. Ni haut ni bas, ni droite ni gauche, juste un plissement de la matière où s’invite une image distordue du réel. De cette image formée par des plans excentrés, il revient à chacun d’en trouver le sens, la réalité variable. “Pour la série Apparition, les formes sont issues d’un processus que nous avons nommé ‘cut folding’ : on plie une feuille de papier et l’on opère une coupe, puis on déplie. Il existe un lien topologiqu­e entre pli et découpe. Bien que nos oeuvres proposent l’image d’une réflexion du monde compliquée par les plis, le dispositif est une recherche de sincérité et de simplicité. Du pli initial, de cette division naît une complexité mue par les lois de la symétrie”, expliquent ces lauréats 2019 du prix Art de la ville de Strasbourg.

Parce qu’ils sont les auteurs du livre Le Liège (éditions Alternativ­es) et que leur passé d’architecte­s fut principale­ment lié à des questions environnem­entales, Guillaume Bounoure et Chloé Genevaux répondent aujourd’hui à l’invitation de la Biennale Esterel qui aura pour cadre la Villa Galaxie. Ici, leur mission est double. Artistes en résidence mais également curateurs de l’édition 2021-22, leur thématique “liège et pli” s’impose d’emblée comme la meilleure piste au regard de cette ressource locale à valoriser. Identifier les meilleurs fabricants au monde de produits en liège et multiplier les collabs entre ces derniers et des créateurs triés sur le volet, afin de réaliser in situ des pièces d’exception, c’est tout un processus créatif, une réflexion structuran­te en résonance avec leur pratique artistique.

Biennale Esterel : Summer Camp curaté par Bounoure & Genevaux (@bounourege­nevaux), du 7 au 21 juillet 2021. Plus d’infos sur @biennalees­terel, biennalees­terel.com

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 ??  ?? VILLA Galaxie_fortement inspirée des Case Study Houses californie­nnes, cette maison de vacances a été imaginée dans les années 60 par Georges Jalou avec l’architecte Claude Magne sur l’adret du massif de l’estérel. À quelque 20 minutes de Cannes, son environnem­ent de roches volcanique­s millénaire­s et de restanques odorantes constituai­t le site idéal pour ce type de constructi­on expériment­ale et contempora­ine, dotée d’un plan et de volumétrie composites et dissymétri­ques. À l’époque, c’est à Pierre Paulin qu’on confia l’architectu­re intérieure et le mobilier. Aujourd’hui, les designers invités par la Biennale trouveront dans les forêts de chênes-lièges environnan­tes, ou suberaies, le matériau approprié au cadre : le liège. Délaissé pendant plusieurs décennies, ce matériau léger, doté de nombreuses qualités, fait un retour en force dans notre quotidien. La Villa Galaxie ne pouvait qu’accompagne­r pareille renaissanc­e. Elle offre à la Biennale Esterel son meilleur terrain de jeu. PAGE DE GAUCHE ET CI-CONTRE : Guillaume Bounoure et Chloé Genevaux dans leur atelier ; au mur, leurs oeuvres en miroir plié. EN OUVERTURE : À la Villa Galaxie, fauteuils en liège noir The Cut par Toni Grilo pour Blackcork, poufs et boudin en liège blanc par Green Galaxie Home.
VILLA Galaxie_fortement inspirée des Case Study Houses californie­nnes, cette maison de vacances a été imaginée dans les années 60 par Georges Jalou avec l’architecte Claude Magne sur l’adret du massif de l’estérel. À quelque 20 minutes de Cannes, son environnem­ent de roches volcanique­s millénaire­s et de restanques odorantes constituai­t le site idéal pour ce type de constructi­on expériment­ale et contempora­ine, dotée d’un plan et de volumétrie composites et dissymétri­ques. À l’époque, c’est à Pierre Paulin qu’on confia l’architectu­re intérieure et le mobilier. Aujourd’hui, les designers invités par la Biennale trouveront dans les forêts de chênes-lièges environnan­tes, ou suberaies, le matériau approprié au cadre : le liège. Délaissé pendant plusieurs décennies, ce matériau léger, doté de nombreuses qualités, fait un retour en force dans notre quotidien. La Villa Galaxie ne pouvait qu’accompagne­r pareille renaissanc­e. Elle offre à la Biennale Esterel son meilleur terrain de jeu. PAGE DE GAUCHE ET CI-CONTRE : Guillaume Bounoure et Chloé Genevaux dans leur atelier ; au mur, leurs oeuvres en miroir plié. EN OUVERTURE : À la Villa Galaxie, fauteuils en liège noir The Cut par Toni Grilo pour Blackcork, poufs et boudin en liège blanc par Green Galaxie Home.

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