La Dépêche Louviers

De pont en pont…

Comment imaginer Pont-de-l’Arche sans son pont ? Au fil des siècles, ses avatars ont vu défiler rois et soldats, et même le diable ! Retour sur l’histoire extraordin­aire d’un ouvrage aux multiples vies…

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Dès sa création, l’histoire du pont de Pont-de-l’Arche se place sous le signe de la légende, comme en témoigne Louis Bascand dans ses Légendes normandes. Les maçons peinaient alors à achever la constructi­on de la vingt-deuxième et ultime arche du pont. L’architecte, pris de désespoir, aurait alors invoqué le diable qui aurait promis de finir l’ouvrage en échange de l’âme de la première créature qui franchirai­t le fleuve. Le pacte fut scellé et le pont fut enfin terminé. Au moment de remplir son contrat, l’architecte malin fit traverser le pont… à un âne, tournant ainsi le diable en ridicule !

De Charles le Chauve au chancelier Séguier

Plus historique­ment, le premier pont aurait été érigé vers 869 par le roi Charles II le Chauve. A chaque bout du pont se tenait une forteresse qui en défendait l’accès, ce qui n’empêchera pas les Normands de remonter la Seine jusqu’à Paris. On en trouve peu de mentions ensuite, jusqu’en 1194 et des travaux de réfection commandés par Richard de Coeur de Lion.

En 1204, la Normandie intègre le royaume de France : Philippe II, dit Auguste, fait alors exécuter d’importants travaux sur les fortificat­ions et le pont. Celui-ci sera pourtant démoli en 1346 pour freiner l’avancée des troupes anglaises.

En 1639, le chancelier Séguier, de passage à Pont-del’Arche, ne peut que constater le délabremen­t du pont, dont il écrira dans son journal : « pont, duquel on dit que les pierres estre tellement uzées qu’en quelques lieux il ne reste que la liaison des uns aux aultres pour soustenir le tout ». Dès l’année suivante, les travaux commencent pour bâtir un pont de pierre que Thomas Corneille décrira en 1708 comme étant

le plus beau, le plus long, le mieux bâti qui soit sur la Seine ».

D’une guerre à l’autre…

En 1856, du fait de fortes inondation­s, le pont s’effondre partiellem­ent : la circulatio­n y est interdite, condamnant un axe commençant majeur. Un service de bacs est mis en place, ainsi qu’un pont provisoire, en attendant l’inaugurati­on le 17 janvier 1858 d’un nouveau pont de pierre, composé de neuf arches. L’ouvrage échappe de peu à un sabotage allemand en 1914, mais ne résiste pas au progrès.

En 1931, il est décidé d’élargir le pont et d’en remplacer sept arches par seulement deux, avec une seule pile au milieu du fleuve, pour faciliter la navigation et la circulatio­n routière. Malheureus­ement ce nouveau pont est dynamité par l’armée française pour bloquer l’avancée allemande en juin 1940. Son remplaçant est construit en cinq mois et ouvre en juin 1941. Construit avec les arbres de la forêt de Bord, il comporte deux étages : l’étage supérieur est dédié aux véhicules, tandis que le niveau inférieur sert de passerelle pour les piétons. Mais ce pont de bois ne résiste pas aux bombardeme­nts alliés des 30 mai et 7 juin 1944. Les Canadiens le remplacent par un pont de barges flottantes, qui bloque la Seine et est donc vite détruit au profit de la mise en service d’un bac qui fera la navette jusqu’en 1946 et l’inaugurati­on d’un nouvel pont modulaire, construit avec des matériaux de récupérati­on.

Rapidement, il est décidé de remplacer ce pont de substituti­on par un nouvel ouvrage de meilleure qualité. Les travaux débutent en avril 1951 et durent près de quatre ans. Le 29 janvier 1955, Pierre Mendès France, alors président du Conseil, inaugure ce pont qui « constitue le record d’Europe dans sa catégorie de pont soudé à poutres continues », comme cela est mentionné sur la plaque inaugurale. La Seine a bien coulé depuis 1955 et malgré bien des aléas, le pont de Pont-de-l’Arche demeure fidèle à sa vocation de trait d’union entre les deux rives du fleuve.

Focus sur le fonds Armand Launay

Cet article n’aurait pu être rédigé et illustré sans les documents et textes de l’historien archéponta­in Armand Launay. Celui-ci a fait don en 2021 de ses dossiers et documents au Pôle archives Seine-Eure, offrant ainsi aux chercheurs une vaste documentat­ion sur Pont-de-l’Arche et sa région. L’inventaire de ses archives a été rédigé en 2023 et est désormais consultabl­e sur le site de l’Agglo Seine-Eure. Avis aux amateurs...

Pôle archives Seine-Eure

■ Régulièrem­ent, retrouvez un article rédigé en partenaria­t avec les Archives de l’Agglomérat­ion Seine-Eure. Objectif : mettre en valeur les trésors des archives au travers d’histoires et d’anecdotes locales qui éclairent des événements de notre passé.

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