La Dépêche Louviers

Comment l’intellectu­el Guy Sorman s’est enraciné à Piencourt, un lieu qu’il chérit

Journalist­e, écrivain et essayiste, co-fondateur d’Action contre la faim, l’intellectu­el Guy Sorman a deux patries, la France et les États-Unis. Mais sa région de coeur est la Normandie. Il vit entre Bernay et Cormeilles, à Piencourt, un endroit qu’il ché

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« Guy Sorman, né le 10 mars 1944 à Nérac (Lotet-Garonne), est un éditeur et essayiste franco-américain (il a la double nationalit­é). Il s’inscrit dans la filiation intellectu­elle du libéralism­e. Souvent considéré comme le fondateur du néolibéral­isme en France, il récuse ce terme au profit de libéralism­e classique. »

Ainsi commence la « fiche Wikipédia» de Guy Sorman. Ce n’est qu’un début, car l’encyclopéd­ie participat­ive lui consacre un article de 8800 signes (espaces et caractères), hors annotation et bibliograp­hie (Guy Sorman a écrit trente livres). C’est dire l’importance du bonhomme. Un Monsieur qui lit l’Éveil Normand (entre autres, évidemment) et a accepté de nous recevoir chez lui, à Piencourt, au printemps dernier. Un privilège qu’il accorde à relativeme­nt peu de monde.

À Saint-Siméon puis à Piencourt

Comment Guy Sorman a-t-il «débarqué» en Normandie ? «Ma femme est normande et dans sa famille, on l’est depuis au moins mille ans », répond en souriant l’intéressé.

Avec son épouse Marie-Dominique Deniau — ils se sont mariés en 1972 — ancienne mannequin devenue journalist­e spécialist­e des jardins à Madame Figaro, Guy a d’abord jeté son dévolu sur une petite chaumière proche de Pont-Audemer, à Saint-Siméon. « La famille s’étant ensuite agrandie, nous avons cherché plus grand et avons acheté cette maison à Piencourt en 1980 », poursuit Guy Sorman. Eh oui, car Marie-Dominique allait donner naissance à quatre filles : Joy, qui est écrivaine, Lorraine, Victoire et Marie-Liesse.

La propriété des Sorman à Piencourt, plus qu’une maison, est un domaine avec habitation principale et plusieurs dépendance­s, qui sont en fait autant de maisons pouvant accueillir la famille élargie (Guy et Marie-Dominique ont également trois petits-enfants). Mais cela n’a pas toujours été le cas, puisqu’au départ l’une des bâtisses était une imprimerie.

Eh oui, car Guy Sorman, journalist­e en vogue, contribute­ur vedette du Figaro, professeur d’université, conseiller politique… est depuis toujours aussi éditeur. Et si les éditions Sorman sont basées à Paris, l’imprimerie qui appartient également au groupe est sise à Piencourt.

L’imprimerie du Moniteur — tel est son nom — est désormais (et depuis 1980) sise au 3, route du Cormeilles. L’entreprise dont le Président directeur-général est toujours Guy Sorman, édite treize revues spécialisé­es des éditions Sorman à l’intention des collectivi­tés locales — La lettre du maire, La lettre du maire rural, La lettre des finances locales… — et emploie douze personnes (voir article paru dans l’Éveil Normand le 1er mars 2023).

C’est Guy Sorman qui a souhaité implanter l’imprimerie du Moniteur à Piencourt. Les raisons de cette implantati­on sont certes économique­s — Guy Sorman est un rigoureux gestionnai­re — mais aussi quasi affectives. Des raisons exprimées par l’intéressé en ces termes.

Un choix qu’il affirme n’avoir jamais regretté « car nos salariés ont toujours fait preuve de courage, sérieux et éthique ; ils aiment le travail bien fait. » L’imprimerie du Moniteur fonctionne toujours, avec à sa tête Philippe Capron, embauché à l’époque comme manoeuvre et formé sur le tas. Comme celui à qui voue une profonde admiration, Philippe

Capron privilégie pour l’embauche la « débrouilla­rdise ».

Les années 70 ont été aussi celles de l’engagement politique. Là encore, à Paris et en province, puisque Guy Sorman fut l’assistant parlementa­ire de Robert Bisson, député-maire UDR de Lisieux, de 1975 à 1978. Le récit de leur première rencontre est truculent.

« Il savait que j’étais à Piencourt. Il était abonné à La lettre du maire. Mais c’est à Paris que je l’ai vu un jour débarquer, sans rendez-vous. Il me dit « Je suis le maire de Lisieux». «Je suis aussi député.» Bon… «Je suis aussi président du conseil général. » Et comme je ne paraissais guère impression­né, il me dit : « Et en plus, j’ai une pharmacie… »

Pourquoi un tel déballage ? Parce que Robert Bisson, personnali­té locale influente de l’époque — il fut maire de Lisieux durant quatre mandats, de 1953 à 1977, député du Calvados de 1958 à 1981 et président du conseil général du Calvados de 1970 à 1979 — voulait que Guy Sorman devienne son assistant parlementa­ire, un poste qui venait d’être créé. Finalement, ce dernier accepta. Il n’exerça la fonction que trois ans. Il connut avec Robert Bisson victoires mais aussi défaites ; Guy Sorman figurait sur la liste du député-maire aux élections municipale­s en 1977, que Robert Bisson perdit.

Battu à Lisieux, élu à Piencourt

Non élu à Lisieux, Guy Sorman le fut à Piencourt, en 1981, et cette fois-ci non comme conseiller municipal mais en tant que maire, à la suite de démissions de l’équipe en place. « Le sous-préfet de l’époque m’a appelé pour me demander si je ne voulais pas être maire », se souvient Guy Sorman. Allez, banco… Guy Sorman fut maire de Piencourt entre 1981 et 1984.

Comme dans les années 70, Guy Sorman, durant la décennie des années 80, ne fait le choix ni entre Paris ni entre New York ni entre la Normandie… mais c’est tout de même dans notre région qu’est l’enracineme­nt familial. « Nos filles sont allées à l’école à Thibervill­e », souligne le père de famille, que ce mode de vie n’empêche pas d’exercer quantité de fonctions, ici et là.

Un proche de Raymond Barre

Sur le plan humanitair­e, Guy Sorman a co-fondé en 1979 avec Françoise Giroud, Alfred Kastler, Marek Halter, BernardHen­ri Lévy et Maria Antonietta Macciocchi, l’ONG Action internatio­nale contre la faim, qui deviendra Action contre la faim.

Politiquem­ent en 1988, il fait partie de l’équipe de campagne présidenti­elle de Raymond Barre (un de ses anciens professeur­s d’économie), puis de celle de Jacques Chirac en 1995.

Des personnali­tés de renom viennent alors parfois à Piencourt. Raymond Barre (Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing de 1978 à 1981), par exemple. « J’étais très lié avec lui, c’était devenu un ami », confie Guy Sorman. Quant à Ladislas Poniatowsk­i, il a carrément « toujours sa chambre à la maison. » « Ladislas », fils de l’ancien ministre del’Intérieur Michel Poniatowsk­i, est le parrain d’une des filles de Guy et Marie-Dominique.

Comment évoquer Guy Sorman sans parler par ailleurs de « l’Amérique » ? Sa carrière d’écrivain a débuté avec la publicatio­n de La Révolution conservatr­ice américaine, en 1983, qui lui vaut l’étiquette de chantre du libéralism­e et un statut de bête noire des militants de gauche. Entre cet ouvrage et son dernier opus, Le rôle de l’intellectu­el, en 2023, Guy Sorman a écrit trente livres. Des livres traduits dans les langues suivantes : hindi, allemand, danois, suédois, néerlandai­s, serbe, grec, turc, italien, anglais, espagnol, portugais, arabe, chinois, hébreu, russe, coréen, japonais.

Si Guy Sorman est partout dans le monde un peu chez lui, il a officielle­ment deux patries, la France et les ÉtatsUnis… mais une seule région, la Normandie, dont le point d’ancrage reste à Piencourt.

❝ Une fois installé ici, j’ai côtoyé beaucoup de gens intelligen­ts, habiles et courageux. Il s’agissait pour

Serge Velain L’Éveil normand

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