Ils révèlent leur souffrance
Leur fils est « Mort pour la France »
En mission, en Afghanistan, Laurent Pican, sous officier du 13e BCA de Chambéry, a été tué à Kaboul le 21 septembre 2007 par un kamikaze. Après ce drame ses parents qui habitent à Vains, dans la baie du Mont-Saint-Michel, ont souhaité lui rendre hommage. « Nous avons cherché à obtenir les noms de tous les soldats tués, avec l’aide de l’association Solidarité défense. »
Une lettre aux 90 familles
Michèle et Guy ont ensuite envoyé des lettres aux 90 familles des soldats morts pour la France. Ils envisageaient d’écrire un livre. « L’objectif était de partager avec le grand public notre expérience. Il s’agissait aussi de ne pas oublier les soldats tués pendant cette guerre. La rédaction à 90 mains s’annonçait compliquée. Il fallait une même plume qui harmonise l’ensemble des témoignages. Nous avons ainsi rencontré un journaliste spécialisé dans ce conflit. » Nicolas Mingasson avait suivi un soldat en Afghanistan pendant six mois. Il a écrit plusieurs livres suite à son immersion. Ce dernier est venu pendant deux jours à Vains pour écouter l’histoire d’un garçon discret.
C’était un homme d’un naturel secret assure sa maman.
« Il nous écrivait et téléphonait régulièrement, mais nous ne savions pas de quels pays. Pendant les quinze ans de sa carrière militaire nous avons su seulement trois fois où il
allait. » Leur fils partait généralement pour des missions longues de trois à six mois. À son retour en Normandie, Laurent ne se présentait jamais en uniforme devant ses parents. Il marquait une frontière nette entre sa vie personnelle et l’armée. « Il était décontracté et ne parlait jamais de son travail. Il était très proche de nous et n’expliquait rien, simplement pour nous protéger. Il me rassurait en me disant maman je fais attention. »
Les risques du métier, « une sottise »
Avant d’être inhumé au cimetière de Montviron, une cérémonie a été donnée à Chambéry en présence du ministre de la Défense. « Elle était magnifique mais les officiels manquaient d’humanité. Nous avons, par exemple, reçu les condoléances du général. Puis il nous a dit que ce sont les risques du métier. Il a fait preuve de sottise. La souffrance de ceux qui restent est analogue. La peine n’est pas moins forte »
Les parents n’imaginaient pas qu’un jour ce drame puisse arriver. Ils savaient évidemment que Laurent s’exposait à des risques en s’engageant. Comme pour une maladie qui survient du jour au lendemain. On pense toujours que ça arrive aux autres. Ce livre est l’occasion pour eux d’éclairer le grand public « sur l’indicible souffrance et celles et ceux qui ont partagé la proximité d’hommes ayant souhaité vivre pleinement leur vie même s’ils savaient que le métier choisi pouvait la leur faire perdre. »
« Maman, je fais attention »