Au tribunal pour 6 tonnes de trop !
Le tribunal de Caen jugeait, le 4 février, une affaire passée inaperçue pendant dix ans.
Saint-Hilaire-du-Harcouët. « Personne n’a levé le lièvre, c’est dingue quand même ! » . Dix ans après, Yves Chaboche ne comprend toujours pas comment « Ulysse et Pénélope » a pu prendre la route. Ulysse et Pénélope, c’est le nom que cet ingénieur en restauration des bâtiments historiques, gérant d’une société basée à Nogent-le-Rotrou (Eureet-Loir) a donné à son engin. Un ensemble hors du commun « et unique » commandé à un carrossier installé près de Saint-Hilairedu-Harcouët.
Deux ans de travail
Son joujou a nécessité deux ans de travail à l’atelier saint-hilairien. Il lui a surtout coûté près de 850 000 euros. Il faut dire que le bahut a de quoi impressionner. Composé d’un fourgon 4x4 totalement revisité et d’une remorque semi-portée aménagée de fond en comble, l’ensemble est autonome en eau et en électricité, grâce notamment à ses panneaux photovoltaïques inclinables. La pièce de vie fait plus de 40 m², rien que ça.
40 000 km en 4 ans
Le rêve de tout baroudeur. « Au volant, j’ai parcouru les routes d’Afrique du Nord, d’Espagne et du Portugal » , se souvient le propriétaire. Au total, l’engin a avalé plus de 40 000 km en quatre ans. Une distance pourtant parcourue en toute illégalité. Et pour cause, Pénélope affiche un certain embonpoint. Quelques kilos de trop qui posent problème. La remorque dépasse le poids maximum autorisé.
C’est un expert qui a levé le pot aux roses, il y a six ans. Presque par hasard. « Je l’avais sollicité pour un souci de peinture qui s’émaillait » , détaille Yves Chaboche. Face aux doutes de l’expert, la remorque monte alors sur la balance et le verdict est sans appel. Elle pèse six tonnes de trop ! Yves Chaboche n’en démord pas. Pour le retraité, l’État a manqué de sérieux.
En ligne de mire : l’agent de la Drire qui, en juin 2008, a autorisé et homologué l’ensemble à prendre la route. « Il aurait dû faire peser la remorque, mais il s’est contenté des documents fournis par le constructeur » , insiste le requérant, qui vit actuellement à LamotheFénélon (Lot). Jeudi, il a réclamé devant le tri- bunal administratif de Caen plus de 520 000 euros d’indemnités.
Il demande 520 000 euros à l’Etat
Seulement, le rapporteur public (magistrat dont le rôle est de conseiller les juges administratifs) a rejeté ses arguments. Dans ses conclusions, le magistrat relève que les tickets de pesée erronés « ont été remis par le carrossier » . Or, en cas de transformation d’un véhicule, c’est bien à l’auteur des modifications « de préciser, sous sa responsabilité, le poids total autorisé en charge » , tranche le rapporteur public, selon qui la Drire « n’était pas tenue à un contrôle de cohérence du poids à vide » .
Le tribunal administratif a mis sa décision en délibéré. Il rendra son jugement d’ici un mois environ. En attendant, le requérant ne se fait pas trop d’illusion. « C’est le pot de terre contre le pot de fer. On aurait mieux fait d’acheter un château, on aurait eu moins de problèmes » , soupire le propriétaire.
Yves Chaboche a également porté plainte contre le carrossier de Saint-Hilaire-de-Harcouët, qu’il soupçonne d’avoir falsifié les documents remis à la Drire. Une procédure est en cours devant le tribunal de Chartres (Eure-et-Loir).
« On aurait mieux fait d’acheter un château »