«Rendre la nature accessible aux personnes handicapées»
La Granvillaise Marie Lemière travaille sur le sujet du handicap au ministère de la Transition écologique, à Paris.
escarpés face au Montsaint-michel et bien d’autres spots normands. Cette frustration a été renforcée lorsque j’ai réalisé que les stages en milieux naturels étaient difficilement envisageables pour les étudiants en situation de handicap. Une fois de plus, j’ai constaté l’existence d’un décalage entre le « dire » et le « faire ». Après plusieurs mois de recherches, j’ai constaté que le sujet n’est pas, à proprement parler, étudié. J’ai effectué un stage de fin de master auprès de Carole Guéchi, déléguée ministérielle à l’accessibilité. Pour dresser un état des lieux, j’ai réalisé des entretiens avec des gestionnaires d’espaces naturels, des réseaux scientifiques et techniques. Puis 148 personnes handicapées ont répondu à mon enquête.
➜ Quels sont les principaux problèmes de l’accessibilité des forêts ?
D’une part, l’absence de transport en commun et la difficulté d’effectuer le trajet entre le domicile de la personne et la forêt. Une fois sur site, la nature du sol, les carences en aménagements et mobiliers adaptés, les obstacles naturels et l’absence de balisage sont autant d’embûches. Le manque ou l’absence d’entretien des sentiers est également un point crucial. D’autre part, on note aussi le défaut de recensement et de communication sur l’accessibilité des sentiers, le matériel inadapté ou bien encore la méconnaissance d’initiatives existantes.
➜ Quelles sont vos premières pistes de réflexion ?
Elles s’adressent, d’une part, à l’état et, d’autre part, à L’ONF. La première réside dans la nécessité d’instaurer une volonté politique et stratégique affirmée de la part de l’état : légiférer et réglementer l’accès à la nature, faire de L’ONF un gestionnaire pilote en matière d’accessibilité… La deuxième est d’inscrire l’accessibilité dans le cadre général de L’ONF, en se dotant d’une « boîte à outils ». Accéder à la nature ne nécessite pas forcément d’aménagement. Toutes les personnes concernées souhaitent bénéficier d’informations sur les sites. Une bonne communication est donc nécessaire et pourrait être complétée par une médiation matérielle (prêt de fauteuils tout terrain, location de troisième roue pour les fauteuils…). Le rapprochement avec les fédérations françaises handisport (FFH) et de sport adapté est également une proposition.
➜ Votre travail a été présenté devant Élisabeth Borne, alors Première ministre…
Le 20 septembre, à l’occasion du Comité interministériel du handicap (CIH) présidé par Élisabeth Borne, une mesure, issue des préconisations de mon travail, en faveur de l’accessibilité des forêts publiques a été arbitrée. Intitulée « Rendre accessible la nature aux personnes en situation de handicap », elle se décline en trois actions. La première : réaliser un état des lieux des sentiers accessibles existants et évaluer le coût de leur remise en état. La deuxième : proposer deux projets de mise en accessibilité des massifs forestiers dès 2024. Enfin, élaborer avec L’ONF une nouvelle stratégie visant à rendre un massif forestier accessible dans chaque département à l’horizon 2027.
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Propos recueillis
• par Juliette VOISIN