Un quatrième expert pour « faire la lumière » sur la présence de mérule d’une maison de Mortain
La cour administrative d’appel de Nantes a ordonné une expertise pour déterminer l’origine et les responsabilités dans « l’attaque parasitaire » qui « prolifère à grande vitesse » dans une maison de la rue de la Trigalle, à Mortain-bocage.
Sa propriétaire avait détecté en 2022, deux ans après l’achat du bien, la présence de mérule dans son garage et deux pièces adjacentes. La « présence d’eau » avait ensuite été repérée dans « une chambre de câblage télécom enterrée dans la chaussée à environ 90 cm » de l’entrée de son garage, lors d’une opération de raccordement de sa maison à la fibre optique.
Des eaux supposées en sous-sol
Catherine XXX en avait donc déduit que le champignon lignivore s’était installé dans sa maison par « des arrivées d’eau en sous-sol » provenant de ce « caisson en béton non étanche ».
Mais, malgré une intervention technique de « recherche de fuite » et « deux expertises contradictoires (...) amiables » à la demande de son assureur, l’origine de ce phénomène n’avait pas pu être déterminée. Des fumigènes avaient aussi été injectés dans les canalisations d’eaux usées et pluviales, et aucune « fuite » n’avait été détectée à l’intérieur de la maison. Les compteurs d’eau avaient également été contrôlés pour « exclure l’hypothèse d’une fuite actuelle », et un « sondage destructif du plancher sous le garage » avait révélé « la présence d’eau ».
Trois hypothèses émises
Le rapport avait alors donc conclu qu’une « purge du plancher » était « nécessaire » pour vérifier l’hypothèse d’une « probable entrée d’eau par la chambre de tirage en béton ». Ensuite, « trois hypothèses » avaient été retenus par un second expert, en septembre 2022 : la mérule serait arrivée soit « avant l’acquisition du bien », soit apparue « par transfert » ou encore « par le biais de la chambre télécom ».
Un troisième professionnel avait enfin, pour sa part, évoqué « trois causes possibles » : un « apport d’eau privatif ou par les façades dans le local sinistré » avant l’achat par cette propriétaire, « un apport ponctuel d’eau de ruissellement » à l’occasion de fortes pluies ou bien encore « des infiltrations par le soubassement enterré du local sinistré » à cause de « l’absence d’étanchéité des murs ».
Perdue dans toutes ces conjectures, la propriétaire s’était finalement résolue à saisir le juge des référés du tribunal administratif de Caen afin que celui-ci fasse diligenter une expertise judiciaire sur « ces désordres » et qu’il puisse « faire la lumière sur leur étendue et leurs causes ». Catherine XXX souhaitait aussi qu’il chiffre les travaux nécessaires et qu’il se prononce sur « les responsabilités encourues ».
Des analyses « sommaires »
Toutefois, dans une ordonnance du 10 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Caen avait jugé qu’aucune « utilité » ne justifiait d’ordonner une telle mesure dont les opérations étaient « matériellement impossibles » et « inutiles en raison du refus » de la propriétaire de « procéder à des travaux préalables » de décontamination. La propriétaire a donc fait appel de cette décision du tribunal administratif de Caen.
Dans un arrêt en date du 1er décembre 2023 qui vient d’être rendu public, les juges nantais lui donnent raison. « Si plusieurs hommes de l’art sont intervenus, leurs analyses sont sommaires et des points n’ont pas été traités », constate la cour administrative d’appel de Nantes.
Une « décontamination » possible
Les experts n’ont « pas déterminé les travaux de reprise, leur chiffrage, ni donné d’avis sur les responsabilités encourues » mais se sont contentés d’évoquer « des hypothèses sans prendre parti sur la cause principale ou déterminante à retenir », puisque « plusieurs causes possibles » ont été « identifiées ».
Dans ces conditions, « il ne résulte pas de l’instruction que les opérations d’expertise ne présenteraient pas un caractère d’utilité au regard des éléments dont Mme XXX disposait » ou « pouvait disposer ». D’autant qu’une telle expertise présente un intérêt « dans la perspective d’un litige éventuel porté devant la juridiction administrative, compétente pour connaitre d’actions en réparation de dommages de travaux publics ».
« Si (...) les opérations d’expertise (...) ne sont pas praticables sans danger si le site n’est pas au préalable décontaminé (...), faute de quoi il existe des risques de dissémination du champignon ou d’intoxication des intervenants (...), un tel obstacle, aisément remédiable, ne rend pas l’expertise inutile », considère la cour administrative d’appel de Nantes. L’expert pourra toutefois, « s’il l’estime nécessaire », conditionner son intervention à la venue préalable d’une entreprise de « décontamination ».
Un expert attendu
En attendant, il devra bel et bien se déplacer sur place en présence du syndicat mixte Manche Numérique, de la SAS Manche Fibre et de la société Orange pour constater « l’origine » des désordres. L’expert devra aussi indiquer quels travaux sont nécessaires pour y remédier et « fournir à la cour tous les éléments de nature à lui permettre de se prononcer (...) sur les responsabilités encourues et les préjudices (...) subis ».
Son rapport devra intervenir, au plus tard, d’ici le 1er avril 2024. Il devra être rendu « au contradictoire notamment de (...) Orange (...), dont la responsabilité n’est pas manifestement insusceptible d’être retenue ». L’opérateur de téléphonie disait pourtant « s’être contenté de faire ouvrir une chambre de tirage appartenant au syndicat mixte Manche Numérique pour assurer le raccordement d’un futur abonné ».