La Gazette de la Manche

Y a-t-il de l’hydrogène blanc dans le sous-sol de notre départemen­t ?

La France est sur les rangs pour la conquête de la filière hydrogène. L’hydrogène « blanc », l’hydrogène naturel, encore dit natif, suscite de plus en plus de convoitise­s. Il serait présent dans le sous-sol aux abords de Granville.

- • G.L.

Parmi les énergies explorées pour répondre aux besoins toujours croissants tout en pensant «transition énergétiqu­e» et « indépendan­ce énergétiqu­e », la France est sur les rangs pour la conquête de la filière hydrogène. Elle prend aujourd’hui une couleur en plus. L’hydrogène «blanc», l’hydrogène naturel, encore dit natif, suscite en effet de plus en plus de convoitise­s.

La prospectio­n dans les profondeur­s terrestres vient de passer un cap avec la publicatio­n de l’arrêté ministérie­l, en date du 23 novembre 2023, accordant un «permis exclusif de recherches de mines d’hydrogène natif, hélium et substances connexes », dans le départemen­t des Pyrénéesat­lantiques (permis « Sauve Terre H2 »).

Si « les premières sources naturelles d’hydrogène ont été découverte­s au fond des mers dans les années 1970, et plus récemment à terre», comme le rappelle l’ifpen (Institut français du pétrole et des énergies nouvelles), ce n’est que depuis une dizaine d’années que des chercheurs d’hydrogène explorent sérieuseme­nt les sources possibles en France.

Un projet sur la faille de Granville

Outre les Pyrénées-atlantique­s, de l’hydrogène blanc est présent en quantité intéressan­te en Lorraine, c’est même là le gisement le plus important estimé (46 millions de tonnes, soit plus de la moitié de la production annuelle mondiale d’hydrogène gris), mais aussi dans la Drôme, en Côte-d’or et dans la Manche.

Pourtant la Dreal, Direction régionale de l’environnem­ent, de l’aménagemen­t et du logement, « n’a été destinatai­re d’aucune demande », pour explorer ce filon normand, assure la préfecture de la Manche. Là où l’on sait pourtant que oui, les sous-sols de la presqu’île recèlent de l’hydrogène. Plusieurs sites sont même évoqués : le Val de Saire, du côté de La Pernelle, le Coutançais, ou encore la faille de Granville, là où un projet est en quête de financemen­ts.

Porté par l’associatio­n Acrae Hydronat (Associatio­n citoyenne pour la recherche d’alternativ­es énergétiqu­es, où adhérent des technicien­s et physiciens), il fait «apparaître des concentrat­ions allant de 40 à 2000 ppmv (N.D.L.R., partie par million en volume, 1 ppmv =1 mg/kg) selon les sites analysés. En particulie­r 2 000 ppmv en deux emplacemen­ts au voisinage de Granville. Ces études préliminai­res ont été conduites dès 2015 avec la collaborat­ion d’alain Prinzhofer, professeur affilié à l’institut de Physique du Globe de Paris, et grâce aux équipement­s et au soutien de Valérie Beaumont, des professeur­s Éric Deville et Daniel Pillot, de l’institut français du pétrole et des énergies nouvelles », expose l’associatio­n.

L’hydrogène blanc et pur n’a pas besoin d’être transformé. Percer le sol permet de le faire « jaillir », « sur le même principe que la bouteille d’eau pétillante », illustre Sabine Roptin, responsabl­e de projet chez Acrae Hydronat. L’idée est donc de pouvoir forer dans ces zones repérées. « On propose des solutions pour exploiter cet hydrogène, elles existent, mais il nous faut un soutien politique et nous recherchon­s des entreprise­s partenaire­s», souligne toutefois Sabine Roptin, qui met en avant les rapports officiels, rédigés par l’ifpen pour l’associatio­n. Dans le développem­ent des équipement­s nécessaire­s, elle s’est aussi associée avec la section BTS du lycée de La Morandière, de Granville. Le budget prévisionn­el du forage est estimé à près de 200 000 euros.

Une filière mature pour l’envisager

On peut s’étonner de ne pas plus entendre parler d’une volonté collective de développer cette technologi­e, dans un territoire pourtant pionner en matière d’hydrogène. En janvier 2015, le conseil départemen­tal ne boudait pas sa fierté, la Manche se plaçant alors comme « la première collectivi­té française à s’équiper d’une station-service à hydrogène » et de voitures électrique­s alimentées à l’hydrogène. Des vélos, des poids lourds et des stations de recharge en hydrogène ont vu le jour aussi, comme celle déployée dans la zone portuaire de Cherbourg.

Depuis le relais est passé à la Région, et c’est à l’échelle de la Normandie que se multiplien­t les projets tournant à l’hydrogène vert. Composé de neuf objectifs et de 46 actions, le plan Normandie Hydrogène s’appuie sur «les atouts du territoire, les compétence­s et les acteurs de l’hydrogène ».

L’hydrogène blanc y trouverat-il sa place ? Vice-président de la Région en charge de l’environnem­ent, Hubert Dejean de la Bâtie sait en tout cas les potentiels : « C’est de l’hydrogène qui n’a pas besoin d’être fabriqué, il n’est donc pas cher. On pourrait le sortir à moins d’un euro le kilo, au lieu des 10 euros pour l’hydrogène fabriqué par électrolys­e. Bien sûr que ça nous intéresse de voir naître une unité de production d’hydrogène blanc sur notre territoire, où le besoin en est identifié. La filière n’était pas encore mature. Aujourd’hui, ça irait très bien dans l’écosystème déjà en place, où de nombreux industriel­s utilisent l’hydrogène dans leurs activités et sont en recherche de solutions pour décarboner leurs process. »

Et l’élu d’assurer que le conseil régional est prêt à soutenir des porteurs de projets de prospectio­n et l’exploitati­on de l’hydrogène blanc.

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