Les 550 producteurs de lait remportent une manche face à un géant agroalimentaire
Des producteurs de lait d’ille-et-vilaine et de la Manche ont marqué quelques points face au géant Savencia, qui menaçait de ne plus collecter leur lait après le 8 mars.
« Nous sommes satisfaits du résultat », appuie Landry Rivière. Ce mardi 20 février, à Saint-james, le président de l’organisation de producteurs (OP) Ouest’lait avait réuni ses troupes pour leur présenter les décisions rendues par le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA).
Une étape très attendue dans le cadre du conflit qui oppose cette OP de 550 producteurs et Sunlait au géant agroalimentaire Savencia. Ce dernier menaçait de ne plus collecter leur lait après le 8 mars, date de fin de leur contrat.
Pas d’arrêt de la collecte
Ils peuvent souffler pour l’instant, le CRDCA a imposé à Savencia de prolonger le contrat jusqu’au 31 octobre 2024. D’ici là, une série de mesures ont été décrétées. Elles devraient permettre de résoudre cette situation.
En quelques mots, Ouest’lait (550 producteurs) appartient à
Sunlait, aux côtés de 5 autres OP. À elles six, elles totalisent 1 000 éleveurs, qui produisent 600 millions de litres de lait par an.
Mais Savencia, leur unique client, refuse de négocier avec eux depuis que Sunlait l’a attaqué en justice, en 2021, pour un prix du lait trop bas et fixé unilatéralement.
Menaces et chantage
À l’approche de la fin du contrat, le géant agroalimentaire a commencé à menacer les producteurs de ne plus collecter leur lait, en les invitant soit à rejoindre une autre OP, soit à négocier en direct avec eux.
Courriers, mails, appels téléphoniques et même visites dans les exploitations… Savencia a exercé une pression psychologique forte sur ses producteurs, pour tenter de disloquer Ouest’lait et Sunlait, qui pèsent trop lourd à son goût.
«Ce chantage est hors-laloi ! », tonne Landry Rivière. Une enquête a d’ailleurs été ouverte par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), pour contournement des OP et non-respect de la loi Egalim. Et Ouest’lait a mis en place un formulaire, pour faire remonter un maximum de témoignages.
Une série de mesures
Réuni le 15 février, le CRDCA a donc imposé à Savencia de signer, avant le 1er mars, un avenant pour prolonger le contrat, sous peine d’une astreinte financière de 1 % de son chiffre d’affaires journalier moyen hors taxe.
Le géant sera ensuite contraint de donner la raison pour laquelle il refuse la formule de prix proposée par Sunlait. Puis un médiateur pourra être saisi, en l’absence d’accord.
Concrètement cette décision est une victoire, car elle oblige Savencia à se remettre autour de la table pour négocier, ce qu’il refusait jusqu’ici.
Et ce n’est pas tout. Le comité a aussi donné à Sunlait et aux OP le droit d’avoir plusieurs clients, au lieu de devoir travailler en exclusivité avec Savencia.
De même, il a donné tort au géant qui faisait pression pour accélérer les démarches de démission de producteurs de L’OP, après les y avoir encouragés. Le CRDCA a confirmé les délais nécessaires et Ouest’lait le rappelle : « il est possible de revenir pour ceux qui avaient envoyé une demande de démission par peur ».
Un combat loin d’être terminé
Toutes ces décisions apportent une bouffée d’air frais à l’organisation de producteurs, bien que leur combat soit loin d’être terminé. Mais « Savencia n’a pas d’autre solution que de discuter avec nous», rappelle Denis Berranger, viceprésident de Sunlait. « Nous savons qu’ils ont besoin de notre lait. »
En attendant de trouver un accord, Sunlait s’est pourvu en cassation, après sa défaite en appel. « Nous nous en servons comme d’un outil et nous lèverons ce pourvoi si demain, un nouveau contrat est négocié », souligne Landry Rivière.