Pour les agriculteurs, plusieurs actions sont à mener
La Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (Fdsea),syndicat majoritaire avec 1 150 adhérents, a tenu vendredi 22 mars son assemblée générale à Saint-lô, sous la présidence de Jean-michel Hamel.
Ces derniers mois ont été marqués parle passage de la tempête Ciaran et par la colère des agriculteurs qui s’est exprimée partout en France.
Excès d’eau
Jean-luc Leblond, président de la section légumes de la FDSEA, a dépeint une campagne 2023-2024 qui se déroule « dans des conditions très défavorables » : « Dans le Val de Saire et sur la côte Ouest, c’est sans doute du jamais-vu en record de pluie en si peu de temps et dès le 15 octobre. Les récoltes sont compliquées et les pertes sont importantes. »
En revanche, la situation s’est améliorée dans le bassin du Mont Saint-michel. « Les chiffres d’affaires restent globalement corrects à l’hectare », ajoute Jean-luc Leblond.
Côté cours d’eau, le manque de curage exaspère toujours les agriculteurs. « On a pris 1 450 mm en un an, rappelle Jean-françois Tapin, administrateur. Les cours d’eau ne sont pas entretenus depuis je ne sais combien de temps. Aujourd’hui, on nous interdit de le faire. Avec la tempête, il y a des branches partout. Et quand on voit les inondations dans le Pas-de-calais… »
L’administrateur s’est adressé au préfet de la Manche Xavier Brunetière, présent : « Il y a un problème à prendre à bras-lecorps car là, on va clairement droit dans le mur. Ce n’est plus vivable pour nous et il va falloir que ça change. On veut la liberté de curer les cours d’eau pour que tout soit propre, parce qu’on a des terrains qu’on ne peut plus entretenir et exploiter. »
Gestion des haies
Au vu des épisodes pluvieux, la date limite d’entretien des haies a été repoussée au 15 avril par dérogation. Une exception appréciée par Jeanmichel Hamel : « Les dates et les obligations administratives ne sont pas adaptées aux conditions naturelles qui régissent notre métier. »
Il a également pointé le retard pris dans la mise en place d’un guichet unique d’accès et d’information à la réglementation sur les haies dans la Manche, notamment en ce qui concerne leur déplacement. «Sur ce point nous ne sommes pas encore au rendez-vous de vos attentes», concède le préfet.
Pour François Rihouet, la Manche est « LE » département bocager par excellence : « Les haies sont notre force mais elles peuvent aussi vite devenir des inconvénients si on ne nous permet pas de les entretenir ou de les déplacer. Au lieu de lutter pour un kilomètre de haie et de les sanctuariser, on ferait mieux d’avances sur la taille de parcelles qui allient élevage, productions végétales et maintien de la biodiversité. »
Office français de la biodiversité
Un des objets de la colère des agriculteurs : l’office français de la biodiversité (OFB), que le gouvernement a concédé vouloir mettre sous la tutelle des préfets. Yannick Fialip, président de la commission économie de la FNSEA, a résumé cette rupture de confiance avec les agents de la « police environnementale » : « La question de fond, c’est le port de votre arme. On se sent agressé. On veut des relations apaisées, on veut que vous retiriez votre arme quand vous venez nous contrôler. » La salle applaudit, mais le préfet prévient : « J’ai confiance en la manière dont L’OFB travaille dans le département. La majeure partie de leur activité concerne le contrôle de la chasse, pas l’agriculture, et dans ce cadre je ne les autoriserai pas à être sans leur arme. »
Souveraineté
La FNSEA plaide pour un « changement de logiciel » des « environnementalistes ». « Ils doivent comprendre qu’une agriculture de souveraineté alimentaire est essentielle, rappelle Yannick Fialip. Il faut mettre en oeuvre un indicateur d’impact environnemental sur l’agriculture, car chaque mesure a des conséquences sur nos productions, nos élevages ou notre disparition. Et dans un cadre de concertation, un agriculteur ne doit plus se retrouver seul face à 20 zozos qui représentent les chauvessouris, la pêche, la chasse, la biodiversité…on peut trouver des professionnels et pas des gens qui ne représentent que leur envie. Il s’agit de rééquilibrer les choses avec l’environnemental. L’un ne doit pas prendre le pas sur l’autre, c’est une question d’équité. »
La question de la disparition d’exploitations agricoles et « de filières entières » a été mise en lumière. « Quand on prend toutes les zones naturelles aujourd’hui, prévient Sébastien Delafosse, le 1er vice-président de la FDSEA, c’est là où il y a le plus de bâtiments agricoles, le plus de productions laitières. Attention à notre souveraineté ! Si on ne peut plus évoluer dans ces endroits, que se passera-t-il ? »
Le préfet a été invité à « refixer un objectif de souveraineté alimentaire ». Le président de la FDSEA préconise en outre à tous les agriculteurs de s’investir dans tous les projets des collectivités locales qui peuvent avoir des conséquences sur leur activité en suivant « de près les travaux d’urbanisme, d’environnement ou d’aménagement du territoire » : « Exprimez-vous lors des enquêtes publiques ! »
Au chapitre d’egalim, enfin, il s’agit pour le syndicat là aussi d’aller plus loin. « Il doit d’abord y avoir des négociations entre producteurs et transformateurs puis entre transformateurs et distributeurs. Il faut changer de logiciel, plaide Jean-michel Hamel. Le coût de production doit être la base des prix, c’est la contractualisation du prix en marche avant. »