La Gazette Val d'Oise

Dix ans après, Anne-Lorraine, toujours d’actualité

L’étudiante en journalism­e avait été tuée le 25 novembre 2007, dans le Rer D, entre Louvres et Survillier­s. Son père, le général Philippe Schmitt, s’était lancé dans une bataille contre la récidive, ouvrant un front d’opinions juridiques.

- Fabrice CAHEN

Cela fera dix ans le 25 novembre, qu’Anne-Lorraine Schmitt, 23 ans, a été tuée de 34 coups de couteau, par un homme de 41 ans, originaire de Louvres. Il avait déjà été condamné en 1996, par la cour d’assises de l’Oise, pour un viol commis un an plus tôt sous la menace d’un couteau, là encore dans une rame du Rer D. Il avait été remis en liberté en 1997. En 2010, devant la cour d’assises de Pontoise, il a cette fois écopé de la perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans. Durant l’audience, en pleurs, Élisabeth, la mère d’Anne-Lorraine, eut ces mots : « ma souffrance est à perpétuité ». Philippe, le père, ajouta : « Quand on a su qu’un monstre avait été remis en liberté, une violente colère m’a envahi, elle est toujours présente ».

Depuis la mort de sa fille aînée, il s’est lancé dans une bataille contre la récidive. Ses prises de position lui ont valu, en 2013, de figurer sur le « Mur des cons », une affiche placardée dans un local du Syndicat de la magistratu­re. Il en fut révolté. « Si un juge avait craché sur sa tombe (celle de sa fille), cela n’aurait pas été différent. » Conséquenc­e : son combat se poursuit (un procès doit avoir lieu du 4 au 7 décembre 2018 à Paris).

Il reste attentif à l’actualité et bondit lorsqu’il entend qu’une femme a été tuée par un récidivist­e. « Encore une fois, je constate que la justice a remis en liberté des personnes dangereuse­s. Des cas que l’on a traités avec trop de légèreté. » Son regard reste le même depuis dix ans. « Rien n’a changé dans la société. Il y a des individus au passé connu qui se promènent dans la nature. Bien souvent, ceux qui ont déjà été repérés, jugés et condamnés, sont remis en liberté, avant la fin de leur peine ».

Lorsqu’il se rend chaque jour à Paris, il n’emprunte plus la ligne D du Rer. « C’est psychologi­quement impossible pour moi ». Il monte dans un train transrégio­nal, jusqu’à la gare de Paris-Nord. Il y croise parfois des inconnus qui l’abordent. « Un soir, une dame me fixait durant tout le trajet. Je me suis même posé des questions devant le regard insistant de cette femme (rires). À la gare, elle m’a abordé, en me disant qu’elle pensait beaucoup à ma famille. J’ai d’autres exemples comme celui-ci. Nous y sommes très sensibles. Depuis dix ans, c’est aussi grâce à ces marques de soutien que l’on tient. »

Il se félicite également de la prise de conscience et adhère à toutes les campagnes et mouvements d’actions contre les violences faites aux femmes. « Le 25 novembre, marquera les dix ans de la mort d’Anne-Lorraine, ce sera aussi la Journée mondiale contre les violences faites aux femmes. » Cependant, il nuance : « On ne peut pas, à la fois manifester contre ces violences et laisser remettre en liberté des criminels ».

Depuis la mort de sa fille, il est resté actif mais reconnaît être moins sollicité, par les médias comme par les associatio­ns de victimes. Cependant, il est toujours en contact régulier avec des parents de victimes. Comme ceux d’Agnès Marin, collégienn­e du Chambon-surLignon (Haute-Loire), violée puis assassinée par un autre élève, récidivist­e, mais aussi avec ceux de Natacha Mougel, joggeuse assassinée à Marcq-en-Baroeul (Nord). Deux affaires remontant à 2010. « Nous échangeons et essayons de faire avancer les choses à notre petit niveau ».

Chaque soir, lorsqu’il sort son chien, il croise une jeune fille qui marche seule, revenant tard de la gare. « Elle traverse une partie boisée. Il m’est difficile de l’aborder pour lui dire qu’elle prend des risques. Je crains de lui faire encore plus peur. »

Alors, il continue de promener son chien à l’heure où elle passe, en se disant, que peutêtre, tant qu’il est à proximité, personne ne pourra attenter à la vie de cette jeune femme.

« Rien n’a changé dans la société. Des individus dangereux se promènent dans la nature. »

 ??  ?? Étudiante en journalism­e, Anne-Lorraine Schmitt, demeurait à Orry-la-Ville (Oise). Elle s’y rendait lorsqu’elle a été tuée dans une rame du Rer D, le 25 novembre 2007.
Étudiante en journalism­e, Anne-Lorraine Schmitt, demeurait à Orry-la-Ville (Oise). Elle s’y rendait lorsqu’elle a été tuée dans une rame du Rer D, le 25 novembre 2007.

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