« Elle a laissé une force. C’est un exemple. »
Originaire de L’Isle-Adam, journaliste, passée par France 24, Arte, Lci, actuellement en poste à Londres, Aude Soufi était la meilleure amie d’Anne-Lorraine Schmitt. Aussitôt après sa mort, elle avait pris la plume pour écrire une longue lettre aux parents d’Anne-Lorraine. Sa camarade de promotion est restée dans sa mémoire.
« Nous formions un binôme au Celsa, nous étions très liées. En permanence en contact, même séparées, en période de stage, on s’appelait chaque jour. Proportionnellement, notre amitié n’a duré qu’un an et demi et pourtant elle a laissé un impact dans ma vie. Je pense à elle très souvent et au présent. Lorsque je couvre un sujet, je me demande comment Anne-Lorraine l’engagerait. Et plus largement, je m’interroge sur l’orientation de sa vie. Qui serait-elle aujourd’hui ? Lorsque je revois des camarades de notre promotion, son souvenir est toujours évoqué.
La façon d’apprendre sa mort m’a doublement marquée. J’étais alors en stage à Europe 1 et c’est une consoeur de cette radio qui me l’a annoncé. J’étais à la fois du côté du journaliste désarmé et du spectateur révolté. J’ai été entraînée dans le flot médiatique. Je me suis retrouvée en face des caméras et des micros. C’est arrivé, à un moment où j’engageais ma carrière. J’ai alors remis en question mon métier, me suis interrogée sur la façon de le pratiquer. Était-il bien respectable ? Avais-je encore envie de le faire ? Pouvais-je continuer à le faire ? Depuis, ça m’a appris à aborder un sujet de façon plus humaine.
Les conditions de sa mort font que je vis différemment. Désormais, lorsque je monte dans un transport en commun, je pense à elle. Je regarde qui sont les voyageurs déjà là, ceux qui montent ensuite. Je me demande si je suis en sécurité. Et cela dure depuis dix ans. Sans être trop méfiante, je prends garde. Or, ce n’est pas elle qui m’a laissé cette angoisse, mais son tueur. Pour ceux qui ne la connaissaient pas, elle reste une jeune femme victime, parmi d’autres victimes de la violence. Au contraire, AnneLorraine a laissé une force. C’est un exemple. Elle était une battante et elle l’a été jusqu’au bout en s’opposant à son assassin. J’essaie d’être à sa hauteur. »