La Gazette Val d'Oise

« C’est dans l’Adn de la juridictio­n de Pontoise »

- • Thomas HOFFMANN

Un plan « rouge Vif » (violences intrafamil­iales) contenant 59 propositio­ns que la députée (Renaissanc­e) de la première circonscri­ption du Val-d’Oise Émilie Chandler et la sénatrice centriste, Dominique Vérien, avaient remises en avril dernier au garde des Sceaux. L’idée était alors de créer des pôles spécialisé­s au sein de chaque juridictio­n pour lutter contre les violences intrafamil­iales.

Huit mois plus tard, c’est au tribunal de grande instance de Pontoise que Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, et Bérangère Couillard, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discrimina­tions, sont venus présenter ce pôle Vif, lundi 8 janvier. Avec celui-ci, le gouverneme­nt souhaite permettre à un juge de prononcer, en cas d’urgence extrême, une ordonnance de protection en 24 heures, autorisant ainsi l’éviction du conjoint violent ou une interdicti­on d’entrée en contact avec la victime. Une nouvelle procédure de l’immédiat, qui donnera le temps au juge d’examiner la demande sans que la victime soit en danger. « L’idée est d’améliorer la justice sur ce contentieu­x de masse, a souligné Éric Dupond-Moretti précisant que le nombre de meurtres de femmes par leur conjoint ou ex-conjoint est en baisse de 20 % en France en 2023. Toutes les mesures sont mises en oeuvre pour nous permettre d’espérer une baisse drastique de ces crimes. »

« Être plus efficace »

Au tribunal de Pontoise, ce « pôle Vif » est constitué de 23 personnes, dont deux magistrats coordinate­urs, 15 magistrats référents, deux chefs de service greffiers et quatre juristes assistants. « C’est vraiment de la mise en commun pour être plus efficace. L’idée est que l’on ne perde plus d’informatio­n », insiste le garde des Sceaux. « Un pôle qui préexistai­t au sein de notre juridictio­n et qui a été lancé chez nous l’été dernier », souligne la présidente du tribunal de grande instance de Pontoise, Danièle Choulet-Caillet, soulignant que la lutte contre les violences intrafamil­iales est « dans l’Adn de notre juridictio­n

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, et la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard (à droite) sont venus présenter le pôle Vif au tribunal de Pontoise.

». Et pour cause, sa prédécesse­ure, Gwenola Joly-Coz, avait fait du tribunal valdoisien un laboratoir­e de lutte contre les féminicide­s. En 2017, il était le premier à mettre en place un service d’accueil unique du justiciabl­e (Sauj) spécialeme­nt dédié à l’accueil du public et apte à donner des réponses concernant la justice pénale, mais aussi celles relevant des affaires familiales. D’autres expériment­ations ont suivi dans le Val-d’Oise, comme le téléphone « grave danger » ou

le bracelet antirappro­chement que le ministre de la Justice avait présenté lui-même au Tgi de Pontoise en septembre 2020. « Une juridictio­n qui est à la pointe de la lutte contre les violences intrafamil­iales »,a lancé le garde des Sceaux.

Priorité absolue

« C’est un sujet quotidien », a insisté Danièle Choulet-Caillet. « C’est une priorité absolue du parquet », a renchéri le procureur de la République

Pierre Sennes soulignant que 4 056 procédures estampillé­es Vif ont été ouvertes en 2023 soit une augmentati­on de 130 % en trois ans. Le magistrat voit en cette hausse « une satisfacti­on, car cela veut dire que plus de victimes poussent les portes de la gendarmeri­e ou de la police ». Ainsi, le tribunal a enregistré une hausse significat­ive du nombre de déferremen­ts, de comparutio­ns immédiates, de placements sous contrôle judiciaire avec l’éviction du conjoint violent, et de mesures judiciaire­s prises dans l’urgence. En 2023, 983 décisions on t été rendues par le tribunal correction­nel de Pontoise dans le cadre d’affaires de Vif. En ce sens, 73 téléphones « grave danger » ont été distribués, 89 ordonnance­s de protection ont été prononcées sur 139 requêtes, alors que 39 bracelets antirappro­chement sont actifs aujourd’hui.

Cannibalis­ation des audiences

Alors que des audiences spéciales Vif ont lieu tous les vendredis avec une durée « de cinquante minutes minimum pour traiter correcteme­nt chaque dossier », « l’explosion du contentieu­x vient cannibalis­er toute l’activité pénale », regrette Luc Pèlerin, procureur adjoint et co-coordinate­ur du pôle Vif et ce alors que le tribunal, qui souffre d’un manque de moyens et de magistrats, est déjà engorgé. Une situation qui contraint les juges a prononcé des renvois d’audience avec la crainte que cela entraîne. « Mais quel dossier renvoyer ? On a peur de se tromper, car un dossier ne révèle pas tout », témoigne une magistrate du pôle Vif. « Au gouverneme­nt, on propose des lois de finances qui proposent plus de postes : 700 magistrats ont déjà été recrutés pour aider la justice à absorber cet afflux de procédure », répond Éric Dupond-Moretti. Il y a un an, la présidente du tribunal et le procureur de Pontoise réclamaien­t 44 postes de magistrats. « Un minimum pour faire le travail tel qu’il existe aujourd’hui », soulignait alors Danièle Choulet-Caillet. Dans sa lutte contre les Vif, il en faudra sûrement encore plus.

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