La Gazette Val d'Oise

Arbitre agressé après une rencontre de football : « Le sang coulait sur mon crâne »

Julien Oliveira, 24 ans, a été agressé au visage par un spectateur à la fin d’une rencontre de Régional 1 entre Cergy-Pontoise et Paris 13 Atletico, dimanche 14 janvier.

- • Thomas HOFFMANN

C’est le visage en sang qu’il a quitté la pelouse du stade Salif-Keita à Cergy après avoir été agressé par un spectateur. Des faits survenus lors du match de football de Régional 1 entre Cergy-Pontoise et Paris 13 Atletico (0-1), dimanche 14 janvier, à la suite duquel l’arbitre Julien Oliveira, 24 ans, a porté plainte. Pour le journal 20 minutes, ce dernier est revenu sur l’agression physique dont il a été victime confiant avoir « encore la boule au ventre en y repensant ».

Tout a commencé à la 68e minute de jeu lorsque l’arbitre a expulsé le gardien de Cergy à la suite de deux cartons jaunes consécutif­s. « Je lui ai mis un premier carton jaune car il me faisait de grands gestes en disant qu’il s’en ‘’battait les couilles’’. Puis, je l’ai rappelé à l’ordre, mais ça ne l’a pas empêché de dire à son coéquipier juste après : ‘’Il casse les couilles pour rien, il n’aura pas les couilles de revenir’’ », témoigne Julien Oliveira.

L’homme en jaune ordonnant au gardien de quitter le terrain, ce dernier refuse. « Il m’a bousculé avec son bras et après quelques minutes de confusion, il est revenu vers moi, cette fois pour en découdre physiqueme­nt. Il a repoussé ses coéquipier­s et il m’a dit : ‘’Je vais te tuer après le match’’. À ce moment-là, j’ai entendu à une vingtaine de reprises des gens répéter dans la tribune ‘’L’arbitre, t’es mort’’. »

Le match se poursuit sans incident jusqu’à ce le jeune arbitre expulse un deuxième joueur cergyponta­in pour un second carton jaune en fin de rencontre. Dans la foulée, Paris 13 Atletico inscrit le but de la victoire (1-0) au bout du temps additionne­l. «

J’ai expulsé un troisième joueur, un adjoint et l’entraîneur de Cergy qui me reprochaie­nt mon » arbitrage de merde « . Mais la plupart des joueurs rentraient aux vestiaires et acceptaien­t la défaite (0-1) », témoigne le jeune arbitre.

Ce ne fut pas le cas de certains supporters qui se sont massés à l’entrée du tunnel menant aux vestiaires. « L’un de mes deux assistants a commencé à avoir peur. Dans le même temps, un délégué nous a invectivés à son tour et un homme se présentant comme le vice-président de Cergy m’a dit : ‘’M. l’arbitre, on ne peut pas vous assurer quant à ce qui va vous arriver après le match, ce n’est pas notre responsabi­lité’’. C’était selon moi une menace et on sentait cette situation d’insécurité. Il fallait qu’on aille vite s’enfermer dans notre vestiaire. »

La situation dégénère avant qu’il ne puisse se mettre à l’abri. Julien Oliveira est pris à parti puis frappé. Une agression filmée par un témoin de la scène hilare, la vidéo ayant été publiée sur les réseaux sociaux. Sur celle-ci, on voit l’arbitre être la cible de jets de bouteilles d’eau, recevoir un coup de perche à selfie sur la tête. « J’ai eu mal et je me suis agenouillé une fois dans le couloir. Après m’être enfermé dans le vestiaire, j’ai constaté que le sang coulait sur mon crâne. Les pompiers m’ont ensuite pris en charge et j’ai eu la chance de ne pas avoir besoin de points de suture », confie le jeune homme qui s’est photograph­ié, le visage en sang, avant de poster le selfie sur les réseaux sociaux pour dénoncer ces violences. « Je suis convaincu qu’il y aura un drame un jour, qu’un arbitre sera agressé non pas avec une perche à selfie mais avec un couteau. »

La police ayant été alertée, à l’arrivée de la patrouille les agresseurs avaient pris la fuite. Aucune interpella­tion n’a été réalisée. Escortée par les fonctionna­ires, la victime a porté plainte dès le dimanche soir au commissari­at de Cergy, avant de rédiger un rapport pour la Ligue de Paris Île-de-France. Il sera ainsi prochainem­ent convoqué pour être entendu, tout comme la direction du club et l’entraîneur de Cergy, Emmanuel Tregoat, suspendu jusqu’à nouvel ordre à la suite de son carton rouge.

Une confrontat­ion que ce dernier attend alors que sa version diffère sur de nombreux points de celle de Julien Oliveira. « On ne cautionne en rien ce qui lui est arrivé et, avec le club, on déplore le comporteme­nt de l’individu qui a frappé l’arbitre. C’est à bannir des terrains », souligne en préambule Emmanuel Tregoat avant de s’agacer : « Cela ne l’autorise pas pour autant à dire n’importe quoi. »

Le coach de 61 ans revient ainsi sur les déclaratio­ns du jeune homme, commençant par défendre son gardien. « Il ne l’a jamais menacé. Il n’est revenu sur le terrain que pour donner son maillot et ses gants à son remplaçant, absolument pas pour en découdre physiqueme­nt avec l’arbitre. » De la même manière, il assure ne pas avoir entendu les menaces de mort prononcées par les spectateur­s présents dans les tribunes. « J’étais à 5 mètres. Qu’un propos m’échappe, d’accord, mais s’il y avait eu des menaces répétées, je les aurais entendues et je serais intervenu », assure l’entraîneur reprochant, par ailleurs,

« des erreurs d’arbitrage. Il siffle la fin du match sur le coup d’envoi faisant suite au but inscrit par les visiteurs alors qu’il restait trois minutes à jouer dans le temps additionne­l. On n’a pas compris et ça n’a fait que renforcer le sentiment d’injustice. »

Il reconnaît que l’un de ces joueurs a reproché « cet arbitrage de merde, mais il s’adressait à moi pas à l’arbitre ». Dans la foulée, son adjoint a effectivem­ent interpellé Julien Oliveira. « Il lui a demandé s’il aurait arbitré de la même manière si le match avait eu lieu ailleurs, c’est tout. » Quant aux propos qui lui ont valu une expulsion : « J’ai simplement dit : Je suis quelqu’un de bien élevé

et, parfois, je le regrette un peu parce que peut-être que mon comporteme­nt aurait été autre… »

Sentant que la situation était tendue dans les tribunes, « le directeur lui a dit d’attendre un peu avec lui sur le terrain, que ça allait se calmer », selon la version d’Emmanuel Tregoat, alors que l’arbitre dénonce une absence de sécurité à sa sortie du terrain. « En me dirigeant vers le tunnel, j’avançais vers la mort », a lâché Julien Oliveira. Des propos « disproport­ionnés » estime l’entraîneur avant de s’interroger : « Pourquoi, dans ce cas, il n’est pas rentré en courant dans les vestiaires ? »

Quant à l’auteur de l’agression, « je ne sais pas qui c’est, si je connaissai­s son identité, je la donnerais. Il ne s’agit pas d’un spectateur habituel », assure le dirigeant, regrettant l’image négative du club que cette affaire renvoie. « J’ai eu des appels de parents de licenciés qui demandaien­t à comprendre. Nous ne sommes pas des voyous. Il n’y a jamais de problème », insiste EmmanuelTr­egoat avant de lâcher dans un soupir : « Le football est devenu le reflet de la société avec des incivilité­s et des violences, c’est regrettabl­e et inquiétant ».

« L’arbitre t’es mort »

❝ Je suis convaincu qu’il y aura un drame un jour JULIEN OLIVEIRA, L’ARBITRE

❝ « Cela ne l’autorise pas à dire n’importe quoi » EMMANNUEL TREGOAT, ENTRAÎNEUR DE CERGY

❝ « J’avançais vers la mort » JULIEN OLIVEIRA, L’ARBITRE

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