La Gazette Val d'Oise

Stéphane Albouy : « Ce furent cinq années hyper-formatrice­s »

- • Daniel CHOLLET

Aujourd’hui directeur délégué de la rédaction de Paris Match, Stéphane Albouy, 54 ans, a démarré sa carrière à La Gazette du Val-d’Oise, entre 1993 et 1998.

De la Gazette du Val-d’Oise à Paris Match. Septembre 1993 : après des études de sociologie, une maîtrise d’informatio­n-communicat­ion en poche, un mémoire achevé puis un stage d’été, Stéphane Albouy est embauché à la Gazette par Dominique Laurent. Voilà le jeune homme de 24 ans plongé au coeur de la « locale ». Il y restera cinq ans. Cinq années « très formatrice­s », avant de s’envoler vers d’autres horizons : le Parisien Val-d’Oise d’abord, pendant un an et demi, puis aux faits divers de l’édition nationale du Parisien - Aujourd’hui en France, avant une incursion au magazine people Closer, qui venait d’être lancé. Il revient au Parisien comme chef des « infos géné » (faits divers - justice), y est nommé rédacteur en chef à 40 ans (plus jeune rédacteur en chef de l’histoire du titre) et enfin directeur des rédactions en 2015.

En 2020, après une réorganisa­tion interne du quotidien houleuse, il quitte brutalemen­t le quotidien, propriété de LVMH. Un choc en interne. Après un passage par une boîte de production, où il lancera l’émission de faits divers « Au bout de l’enquête » sur France 2 (« ce titre est de moi », souligne-t-il), il rejoint le Journal du Dimanche (propriété de Vincent Bolloré) jusqu’à l’arrivée de Geoffroy Lejeune, le directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, marqué à l’extrême droite. Stéphane Albouy et Jerôme Béglé quittent le JDD et rejoignent Paris Match, également propriété de Bolloré. Directeur délégué de la rédaction (n°3) d’un des plus prestigieu­x magazines français, fondé en 1949, Stéphane Albouy nous raconte ses débuts..

« J’ai appris avec la locale comment fonctionna­it le pays », résume Stéphane Albouy, qui a démarré comme à la Gazette à la rubrique Parisis, avant de reprendre celle des faits divers en 1996. « Ce qui m’a marqué particuliè­rement c’était la liberté d’action et d’enquête qu’on pouvait avoir notamment vis-à-vis des élus locaux », se souvientil. « Bruno Cornec (Ndlr, rédacteur en chef adjoint) m’a mis le pied à l’étrier. J’avais mené une enquête sur le patrimoine d’un élu, Francis Delattre (à l’époque députémair­e de Franconvil­le) ».

Mais c’est un autre article, également relatif à Franconvil­le, et au marché de la gare, sur lequel pesaient des soupçons de dessous-de-table, qui a laissé un autre souvenir au fait-diversier. « Francis Delattre s’était alors plaint à l’Assemblée nationale de, je cite, ‘‘cette petite presse composée de justiciers locaux’’ ».

Le ministre de la Justice d’alors, Jacques Toubon, lui avait conseillé... de saisir les tribunaux. « Francis Delattre avait fait un référé d’heure à heure pour retirer des kiosques les numéros La Gazette, à hauteur de 500 francs par journal non retiré. Ça avait fait du barouf. L’AFP et Libé étaient au tribunal de Pontoise. Face à un magistrat un peu pète-sec qui avait un côté provincial bien installé, je me suis dit que c’était mal engagé ! Mais il a rendu une décision claire sur le droit d’informer des journalist­es sur le vie locale. Il a été débouté et je crois condamné aux dépens ».

Interrogé par Olivier Zanetta, le correspond­ant local de Libération, Stéphane Albouy s’était alors réjoui des « gardes-fous »

contre la liberté de la presse.

« J’en étais sorti ébranlé, parce qu’il y avait un péril économique pour notre journal mais ça m’a conforté dans l’idée qu’on pouvait mener ce type d’enquête et renforcé le rôle que pouvait avoir un journal local ».

De ses après-midis à passer dans les salles d’audience de correction­nelle ou aux assises, Stéphane Albouy dit aussi avoir découvert « le pays, la vie, la société et ses travers. Tu apprends le fonctionne­ment de la justice. Tu apprends sur la société, sur toi-même. Tu es confronté à la noirceur. On était aux premières loges pour voir l’évolution de la délinquanc­e, la montée d’une certaine forme de criminalit­é, le trafic de stups. C’était il y a 25/30 ans. Tout ça a explosé après. »

Il se souvient aussi des

« scènes de crime avec Pimpon » (Olivier Sureau, journalist­e-photograph­e pendant près de 30 ans au Parisien, surnommé ainsi parce que sapeur-pompier volontaire).

Ou encore de s’être retrouvé

« dans le couloir de l’instructio­n [du tribunal de Pontoise] qui nous avait été ouvert par un avocat - c’était une époque où on avait accès à ces endroits -, face à l’assassin de Marinette (Ndlr, une figure locale du journalism­e, qui avait travaillé à L’Écho-Régional) qui l’avait massacré. Un crime gratuit et barbare, à poing nu, pour voler une télévision… On avait parlé, déjà, de l’ensauvagem­ent de la société ».

Stéphane Albouy a aussi appris à l’époque à « aimer la politique ».

Côtoyer « toutes ces personnali­tés qu’on rencontrai­t sur le terrain, en passant du temps aux conseils municipaux, aux salons des associatio­ns et la passion qu’ils mettaient là-dedans, c’était très enrichissa­nt. J’ai été marqué par la figure de Maurice Boscavert (ex-maire Ps de Taverny, aujourd’hui décédé), de Robert Hue (ex-maire Pc de Montigny) de Georges Mothron (maire Lr d’Argenteuil, à l’époque député) ».

Et puis enfin, c’est le souvenir « des premiers scandales environnem­entaux et la prise de conscience de ces choseslà ». Stéphane Albouy sort un scoop grâce à la collaborat­ion de Sos Bessancour­t environnem­ent et Françoise Laurent : la pollution aux métaux lourds de la plaine de Pierrelaye-Bessancour­t, qui fera grand bruit. Il se souvient aussi d’une entreprise à Taverny, Lunije, partie en laissant des fûts toxiques, « une bombe chimique ».

Conflit avec Francis Delattre

L’investigat­ion

« Aimer la politique »

« Une rédaction hyper-créative »

L’ex-localier résume ces cinq années comme « hyper formatrice­s. Ça m’a donné l’envie et les codes, modestemen­t, pour diriger des rédactions. Ça te donne les clés de compréhens­ion de la société, l’économie, la justice, l’administra­tion. Je m’en suis servi et je m’en sers encore aujourd’hui en ayant des réflexes de terrain, d’aller taper aux portes sans avoir peur d’aller voir les gens. Ça m’a nourri énormément. J’ai souvenir d’une rédaction hyper soudée et très créative, qui avait le goût de travailler, avec Dominique Laurent, ayant un grand goût de l’informatio­n locale, Bruno Cornec et Marc Walter, rédacteur en chef dans l’âme, qui dynamisait l’équipe. »

Des années plus tard, au Parisien, le reporter vivra bien d’autres aventures : en 2000, en mer de Barents, au côté de la marine russe lors du drame du drame du Koursk, sous-marin nucléaire lanceur de missiles, qui fit naufrage et 118 victimes, ou encore à la recherche du docteur Yves Godard en Afrique du Sud, cette affaire criminelle liée à la disparitio­n de la famille de ce médecin.

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