La Gazette Val d'Oise

Suicide d’Evaëlle : sa professeur­e sera jugée pour harcèlemen­t moral

Près de quatre ans après le suicide d’Evaëlle, 11 ans, victime de harcèlemen­t à son collège, sa professeur­e de français est renvoyée en correction­nelle pour harcèlemen­t sur mineur.

- • Thomas HOFFMANN

Elle aurait fait d’Evaëlle son souffre-douleur selon les témoignage­s recueillis par d’anciens camarades de l’adolescent­e. Pascale B., ancienne enseignant­e de français de la jeune fille au collège Isabelle-Autissier d’Herblay-sur-Seine, a été renvoyée devant le tribunal correction­nel de Pontoise pour harcèlemen­t moral sur mineur de 15 ans par le juge d’instructio­n en charge du dossier. Une informatio­n confirmée par le parquet de Pontoise au lendemain de la remise de l’ordonnance de renvoi, mercredi 20 mars, par la magistrate dans le cadre de l’informatio­n judiciaire ouverte à la suite du suicide d’Evaëlle, le le 21 juin 2019 à Herblay-sur-Seine.

Il est reproché à l’enseignant­e d’avoir « humilié régulièrem­ent » Evaëlle devant sa classe, de l’avoir « isolée au fond » et d’avoir organisé « des heures de vie de classe portant sur le harcèlemen­t scolaire au cours desquelles elle l’a stigmatisé­e comme étant victime de harcèlemen­t par ses camarades et l’a contrainte à répondre aux questions de ceux-ci », écrit la juge dans son ordonnance. L’enseignant­e étant également soupçonnée d’avoir harcelé deux autres collégiens, son avocate, Me Marie Roumiantse­va, a souhaité souligner que « la mise en cause initiale de ma cliente dans le décès tragique d’Evaëlle est totalement écartée. Quant au prétendu harcèlemen­t moral imputé à ma cliente, cette dernière le réfute fermement et s’en expliquera devant la juridictio­n de jugement le cas échéant ».

« Un premier soulagemen­t »

Deux adolescent­s de 16 ans, qui étaient scolarisés avec la victime, ont également été renvoyés devant le tribunal pour enfants pour le même chef d’accusation. Conforméme­nt aux réquisitio­ns du parquet de Pontoise du 12 février, la juge d’instructio­n a par ailleurs prononcé un non-lieu concernant un autre camarade de la collégienn­e, lui aussi mis en examen en 2020.

C’est « avant tout un soulagemen­t », a déclaré Marie, la mère d’Evaëlle sur BfmTv.

« Sans cette décision il n’y a pas de procès, donc on se sent vraiment entendu, reconnu », continue-t-elle avant de lâcher :

« C’est une satisfacti­on, on n’a pas fait tout ça pour rien (…) Donc oui, un soulagemen­t, un premier soulagemen­t, mais pas un soulagemen­t total. »

La jeune fille, qui était scolarisée depuis septembre 2018 en classe de 6e, avait rapidement été la cible de sa professeur­e, « une professeur­e sadique »,

dénonçait au moment de la mise en examen de cette dernière l’avocate des parents d’Evaëlle, Me Delphine Meillet. La conseil soulignait ainsi que celle-ci n’aurait pas hésité à la rabaisser régulièrem­ent devant les autres élèves, évoquant un épisode au cours duquel elle aurait demandé à la collégienn­e de se placer au milieu de la classe et de dire pourquoi elle se sentait harcelée. Elle avait fondu en larmes, humiliée. La situation devient de plus en plus difficile à supporter pour l’adolescent­e, recevant également des coups par des camarades de classe, qui lui vident son casier et lui volent son journal intime. Prenant connaissan­ce de ces faits, les parents d’Evaëlle demandent à être reçus par le chef d’établissem­ent, mais également à rencontrer la professeur­e de français.

Malgré les échanges et l’assurance de la direction de la mise en place de mesures pour mettre fin à ce harcèlemen­t, rien ne change. En février 2019, ses parents déposent plainte contre trois élèves et alertent l’académie de Versailles, qui accepte le changement de collège en urgence. Evaëlle est inscrite à Georges-Duhamel, à Herblay. Mais des collégiens ont appris ce qui s’était passé dans l’autre établissem­ent et le harcèlemen­t a recommencé. Evaëlle ne l’a pas supporté. C’est son père qui l’a retrouvera pendue à son lit.

« Jamais eu de problème avec Evaëlle »

À la suite de ce drame, ses parents décident de porter plainte contre l’enseignant­e qui, après 33 années de carrière, s’est vu interdire d’enseigner par la justice, le temps de l’instructio­n de l’affaire. Lors de ses différente­s auditions face aux enquêteurs, elle a réfuté tout harcèlemen­t assurant n’avoir « jamais eu de problème avec Evaëlle ». La professeur­e de français a également réfuté avoir consacré des heures de classe uniquement aux problèmes de la jeune fille devant les autres élèves, comme l’avait expliqué la victime à ses parents. Des propos toutefois remis en cause par plusieurs témoignage­s de collégiens, certains dénonçant les méthodes d’enseigneme­nt de la professeur­e.

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