Suicide d’Evaëlle : sa professeure sera jugée pour harcèlement moral
Près de quatre ans après le suicide d’Evaëlle, 11 ans, victime de harcèlement à son collège, sa professeure de français est renvoyée en correctionnelle pour harcèlement sur mineur.
Elle aurait fait d’Evaëlle son souffre-douleur selon les témoignages recueillis par d’anciens camarades de l’adolescente. Pascale B., ancienne enseignante de français de la jeune fille au collège Isabelle-Autissier d’Herblay-sur-Seine, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour harcèlement moral sur mineur de 15 ans par le juge d’instruction en charge du dossier. Une information confirmée par le parquet de Pontoise au lendemain de la remise de l’ordonnance de renvoi, mercredi 20 mars, par la magistrate dans le cadre de l’information judiciaire ouverte à la suite du suicide d’Evaëlle, le le 21 juin 2019 à Herblay-sur-Seine.
Il est reproché à l’enseignante d’avoir « humilié régulièrement » Evaëlle devant sa classe, de l’avoir « isolée au fond » et d’avoir organisé « des heures de vie de classe portant sur le harcèlement scolaire au cours desquelles elle l’a stigmatisée comme étant victime de harcèlement par ses camarades et l’a contrainte à répondre aux questions de ceux-ci », écrit la juge dans son ordonnance. L’enseignante étant également soupçonnée d’avoir harcelé deux autres collégiens, son avocate, Me Marie Roumiantseva, a souhaité souligner que « la mise en cause initiale de ma cliente dans le décès tragique d’Evaëlle est totalement écartée. Quant au prétendu harcèlement moral imputé à ma cliente, cette dernière le réfute fermement et s’en expliquera devant la juridiction de jugement le cas échéant ».
« Un premier soulagement »
Deux adolescents de 16 ans, qui étaient scolarisés avec la victime, ont également été renvoyés devant le tribunal pour enfants pour le même chef d’accusation. Conformément aux réquisitions du parquet de Pontoise du 12 février, la juge d’instruction a par ailleurs prononcé un non-lieu concernant un autre camarade de la collégienne, lui aussi mis en examen en 2020.
C’est « avant tout un soulagement », a déclaré Marie, la mère d’Evaëlle sur BfmTv.
« Sans cette décision il n’y a pas de procès, donc on se sent vraiment entendu, reconnu », continue-t-elle avant de lâcher :
« C’est une satisfaction, on n’a pas fait tout ça pour rien (…) Donc oui, un soulagement, un premier soulagement, mais pas un soulagement total. »
La jeune fille, qui était scolarisée depuis septembre 2018 en classe de 6e, avait rapidement été la cible de sa professeure, « une professeure sadique »,
dénonçait au moment de la mise en examen de cette dernière l’avocate des parents d’Evaëlle, Me Delphine Meillet. La conseil soulignait ainsi que celle-ci n’aurait pas hésité à la rabaisser régulièrement devant les autres élèves, évoquant un épisode au cours duquel elle aurait demandé à la collégienne de se placer au milieu de la classe et de dire pourquoi elle se sentait harcelée. Elle avait fondu en larmes, humiliée. La situation devient de plus en plus difficile à supporter pour l’adolescente, recevant également des coups par des camarades de classe, qui lui vident son casier et lui volent son journal intime. Prenant connaissance de ces faits, les parents d’Evaëlle demandent à être reçus par le chef d’établissement, mais également à rencontrer la professeure de français.
Malgré les échanges et l’assurance de la direction de la mise en place de mesures pour mettre fin à ce harcèlement, rien ne change. En février 2019, ses parents déposent plainte contre trois élèves et alertent l’académie de Versailles, qui accepte le changement de collège en urgence. Evaëlle est inscrite à Georges-Duhamel, à Herblay. Mais des collégiens ont appris ce qui s’était passé dans l’autre établissement et le harcèlement a recommencé. Evaëlle ne l’a pas supporté. C’est son père qui l’a retrouvera pendue à son lit.
« Jamais eu de problème avec Evaëlle »
À la suite de ce drame, ses parents décident de porter plainte contre l’enseignante qui, après 33 années de carrière, s’est vu interdire d’enseigner par la justice, le temps de l’instruction de l’affaire. Lors de ses différentes auditions face aux enquêteurs, elle a réfuté tout harcèlement assurant n’avoir « jamais eu de problème avec Evaëlle ». La professeure de français a également réfuté avoir consacré des heures de classe uniquement aux problèmes de la jeune fille devant les autres élèves, comme l’avait expliqué la victime à ses parents. Des propos toutefois remis en cause par plusieurs témoignages de collégiens, certains dénonçant les méthodes d’enseignement de la professeure.