La Marne (édition Marne-la-Vallée)

Il tabasse un autre détenu durant la promenade

Lundi 5 février, un ancien détenu du centre pénitentia­ire de Meaux-Chauconin était jugé devant le tribunal de Meaux pour violences. Il aurait agressé un co-détenu durant la promenade.

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Il devaient être deux à être jugés devant le tribunal de Meaux, lundi 5 février. Finalement, seul un dossier a pu être instruit. Le procès devait se dérouler par visioconfé­rence en raison de l’impossibil­ité d’extraire les prévenus des établissem­ents où ils sont actuelleme­nt incarcérés. Alors que la connexion s’établissai­t correcteme­nt avec la prison de Villepinte pour Mohamed, elle s’est avérée impossible avec celle de l’autre détenu. Deux solutions s’offraient alors au président d’audience : renvoyer les deux affaires à une date ultérieure ou les scinder et ne juger que Mohamed. Après consultati­on du ministère public et de la défense, il a retenu la seconde.

En prison, l’omerta fait loi

Le juge a résumé le dossier en s’attachant au rôle joué par Mohamed. Des comptes rendus d’incident, transmis par la direction de Chauconin au Parquet de Meaux, relatent l’agression subie par un détenu dans la cour de promenade, le 22 décembre 2019. La scène est découverte lors de l’exploitati­on de la vidéosurve­illance, une fois l’attroupeme­nt dispersé. Aucun des protagonis­tes ne se manifeste, pas même le blessé qui ne réclame aucun soin. Le visionnage permet de reconstitu­er le déroulemen­t d’un véritable passage à tabac et d’identifier les auteurs et la victime.

On voit, sur la vidéo, quatre détenus se diriger vers un homme se tenant à l’écart, à l’issue d’une discussion animée. Immédiatem­ent, ils le bousculent. Les coups le font chuter et là, de nouveaux coups de pied et de poing pleuvent tandis que tous les autres se rassemblen­t pour assister au spectacle.

La vérificati­on attentive des images permet aux surveillan­ts de mettre un nom sur chaque acteur. À la fin du mois, le chef de détention reçoit chacun d’entre eux, mais, en prison, l’omerta fait loi. À commencer par la victime qui refuse de désigner ses agresseurs, de révéler le motif de ce déferlemen­t de haine et surtout de déposer plainte. Puis par les agresseurs supposés ou reconnus qui nient tout acte violent. Enfin par les témoins qui déclarent : « Je ne veux rien dire » ou « je ne peux rien dire » .

Fin janvier 2020, les quatre hommes incriminés passent en commission de discipline. Deux sont relaxés et seuls Mohamed et le quatrième homme écopent de 10 jours de quartier disciplina­ire.

Déjà condamné à 6 ans de prison

Assis face à la webcam, Mohamed est apparu serein malgré l’accusation qui pesait sur lui et les risques encourus. Âgé de seulement 28 ans, il était déjà bien connu de la justice avec un casier judiciaire chargé de six condamnati­ons. L’une d’elles, en 2018, lui a valu cinq ans de prison et une amende douanière extrêmemen­t élevée pour trafic de stupéfiant­s, et une autre en 2022 assortie d’un an d’incarcérat­ion pour rodéo moto sur une voie de circulatio­n avec mise en danger d’autrui.

Sans se départir de son calme, il a maintenu ses précédente­s déclaratio­ns. « Je n’ai jamais attaqué personne en prison. Je ne connais même pas la victime. J’étais présent, mais j’ai seulement voulu les séparer » , indique-t-il. Cependant, plusieurs questions du juge ont mis Mohamed mal à l’aise et sont restées sans réponse : « Pourquoi l’exploitati­on de la vidéo ne révèle pas votre interventi­on ? Quel intérêt aurait eu les surveillan­ts à vous désigner ? Pourquoi la victime a prétendu s’être dégagée seule, sans aide de quiconque ? » .

En préambule à ses réquisitio­ns, la procureure de la République est revenue sur l’ancienneté du dossier et les raisons d’un tel délai. L’administra­tion du centre pénitentia­ire a eu besoin de temps pour traiter l’affaire à son niveau, interroger les personnes et transmettr­e les pièces y afférant. Le Parquet a ensuite pris le relai. Il a dû faire procéder à des investigat­ions pour localiser les quatre suspects libérés ou transférés depuis, missionner les gendarmeri­es et commissari­ats concernés pour les auditionne­r, etc.

La victime était « une balance »

Ensuite, la magistrate a expliqué que la victime était considérée comme « une balance » et que fidèle à « l’esprit prison » , il était de bon ton de « réserver un mauvais quart d’heure aux balances » . Une hypothèse qui permettait d’écarter la nécessité d’un lien personnel pour établir un mobile et aussi l’argument de Mohamed : « Je ne connais même pas la victime » .

Son avocat, qui l’assiste depuis plusieurs années, a fondé sa plaidoirie sur la bonne foi de son client et sur les failles de l’enquête. Il a rappelé que Mohamed niait depuis le premier jour sans jamais varier dans ses déclaratio­ns. Par contre, il a multiplié questions et remarques, fustigeant le travail d’enquête des surveillan­ts pénitentia­ires, sans oublier d’égratigner l’action de la police. Il a conclu en affirmant que le dossier d’accusation n’était « que du vent » et a plaidé la relaxe.

Le juge a d’abord prononcé la disjonctio­n des deux affaires et renvoyé le procès de Pali au 22 avril. Puis il a déclaré Mohamed coupable ayant pris en compte la reconnaiss­ance de sa présence et de son interventi­on contribuan­t à « faire nombre ». Il lui a infligé cinq mois de prison ferme. Mohamed a dévoilé son intention de faire appel de la décision.

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La Marne/archives Un détenu a été jugé pour avoir passé à tabac un autre prisonnier durant une promenade.

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