« La politique du chiffre a provoqué une cassure »
Michel Grill, délégué syndical « Unité SGP police » pour le nord Seine-et-Marne depuis 18 mois, regrette la politique menée depuis le début des années 2000 avec l’instauration de la politique du chiffre. Il a travaillé 10 ans dans la brigade anticriminalité d’Argenteuil avant d’intégrer les commissariats de Mitry-Mory puis Villeparisis. Il estime qu’il faut
« restaurer l’autorité ». Même si le mouvement actuel s’organise en dehors de tout cadre syndical, il nous livre son sentiment.
La Marne : Que réclamez-vous au gouvernement ?
Michel Grill : On demande de la protection et de la reconnaissance. Ca passe par des moyens humains et matériels plus importants mais aussi par une tolérance zéro envers les auteurs d’outrages, de rébellion ou de violences sur les forces de l’ordre. Les peines doivent être plus lourdes et appliquées avec fermeté.
Ca passe également une évolution des textes sur la légitime défense. On pourrait s’aligner sur la loi s’appliquant aux gendarmes, davantage adaptée à ce que les policiers vivent sur le terrain. La policière blessée à Saint-Pierre-lès-Nemours aurait pu sortir son arme. On ne sait pas ce qui s’est passé mais peut-être a-t-elle hésité car il y a un tel risque au niveau de sa responsabilité… C’est une pression énorme.
Les cycles horaires doivent aussi être réformés pour permettre aux fonctionnaires d’avoir davantage de week-ends libres. Aujourd’hui, une majorité de policiers n’ont qu’un week-end entier sur six !
Comment expliquez-vous le mouvement qui dure depuis trois semaines ?
Le ras-le-bol ne date pas d’hier. Selon moi, la cassure date du début des années 2000 avec l’instauration de la politique du chiffre pour gonfler les statistiques. Au lieu de se concentrer sur la vraie délinquance, on préfère interpeller cinq jeunes de 16 ans qui fument un joint… Cette politique n’apporte rien et crée chez le policier un sentiment d’inutilité. Il n’y a plus cette âme de flic, on est désormais des fonctionnaires de police. On s’est écarté du coeur du métier.
Le moral de certains agents est au plus bas, ils sont usés.
Que vous inspirent ces agressions envers les policiers ?
La peur a changé de camp. Les délinquants ne craignent plus l’uniforme. Ils ont pris le dessus, le rapport de force s’est inversé.
J’ai ressenti qu’un pas avait été franchi dans la violence au cours des années 2000. La recrudescence de policiers blessés le prouve. Il s’agit en plus d’une violence gratuite, parfois pour des faits banals.
Il faut restaurer cette autorité, faire preuve de fermeté notamment dans les condamnations. Ce n’est plus possible de revoir vingt fois les mêmes délinquants commettre les mêmes faits…