Claude Courtier, travailleur inlassable
Il a été l’un des bâtisseurs de ce pays de l’Ourcq qu’il aime tant. Maire d’Ocquerre, président de la communauté de communes, cet agriculteur toujours droit dans ses bottes a conduit ses fonctions comme sa vie, avec équité et humanisme.
Dans sa maison de pays, Claude Courtier a vue sur le beau stade d’athlétisme, lui qui a été un sportif de 400 m et 1 000 m de bon niveau. De l’autre côté de cet espace de verdure, son bureau donne sur la rue menant à la gare de Lizysur-Ourcq. « Il y a parfois un peu de trafic mais j’aime aller marcher pour me détendre » glisse celui qui est né à la maison le 22 décembre 1938, issu d’une lignée de laboureurs jusqu’à la Révolution Française puis de cultivateurs ensuite. Son fils, qui a repris sa ferme, a rallumé le flambeau. Claude porte un regard subtil : « Depuis 1420 il y en a tout de même qui ont mal tourné puisque nous avons eu dans la famille deux polytechniciens, certainement pas assez intelligents pour travailler la terre. » L’humour au bord des lèvres laisse parfois place à une larme à l’oeil quand pudiquement, Claude évoque son papa : « Il était lieutenant et est mort en juin 1940 au front à Dunkerque. Il avait 27 ans et moi un peu plus d’un an. J’ai été adopté comme pupille de la Nation. » Une absence lourde de sens après la disparition de son grand-père en septembre 1918. Pas la meilleure manière de bien commencer une vie qui sera toutefois riche, audelà de ses espérances.
Pensionnaire au collège de Juilly, ce qui lui suggère encore un rictus significatif, il va tirer profit de son passage au collège St-Joseph de Reims « avec le
souci et le respect des plus humbles » qu’il n’oubliera jamais. Sa règle de vie est tracée. Il sera un homme « du faire » et non du paraître. Les études s’enchaînent avec la préparation à l’institut National Agronomique à Versailles puis l’Ecole Nationale à Fontainebleau, l’Institut National Agronomique de Paris-Grignon, de 59 à 62 à l’INA. Diplôme d’ingénieur en poche, spécialisation en économie-gestion, il est atteint d’une méningite et ne peut poursuivre sa préparation militaire supérieure.
C’est en 1964 que Claude, qui vient de se marier avec Annie, connue lors de leurs études communes, débute sa carrière. Il rejoint sa mère à la ferme qui emploie jusqu’à 40 ouvriers dont un maréchal-ferrant, bouviers, charretiers, berger, journaliers… « Ce travail à la ferme m’a forgé une grande fierté car j’avais le devoir moral d’être à la hauteur en appliquant les valeurs qui ont guidé nos parents. »
Toujours avec ce besoin chevillé au corps de donner aux autres, il entre comme conseiller municipal à Ocquerre (6 ans) puis adjoint au maire (12 ans) et maire pendant 19 ans. En 1995, il devient le président du District du Pays de l’Ourcq. Sa modestie reprend le dessus : « Inutile de vous dire que derrière des personnalités émérites comme Philippe François ou Pierre Meutey, j’étais le maillon faible. » Appliquant ses idées, il s’évertue à ne pas politiser les débats : « Dans ma commune, on s’occupait des intérêts des habitants. À la communauté, ça pouvait devenir très limite surtout dans les périodes électorales et cela me mettait mal à l’aise. »
Au fil de la discussion, animée, parfois émouvante sous le regard approbateur de sa femme, Claude se laisse aller : « Modestement, j’aurais pu tenter un autre mandat, mais au fil des ans, l’enthousiasme s’affaiblit et il faut laisser la place aux jeunes. Le plus difficile étant de trouver un successeur. » Loin de posséder la science des maths comme ce fidèle serviteur on se rend compte, en consultant les registres, que chacune des réélections s’est faite à la quasi-totalité des bulletins, s’excuse presque ce maire qui a eu la particularité de ne guère employer dans son vocabulaire le mot « politique » mais qui avance une explication dans le secret de son autorité naturelle : « J’ai tenté d’être irréprochable dans mon attitude et vis-à-vis des gens. L’autorité cela se gagne non pas « à coup de menton » mais par la connaissance des dossiers donc par le travail. » Avec le
recul, après tant d’années passées à la ferme : « c’est parfois dur pour les reins » le bilan d’une carrière bien remplie passe presque au second plan : « Je ne regrette rien de ma vie mais le plus important concerne mes 5 enfants qui n’ont pas été élevés dans l’esprit de faire du fric. J’ai tenté d’être un papa juste et de leur faire respecter les valeurs qui commencent par les gens. J’ai le respect des plus humbles, cela m’est naturel. »
Une larme coule d’un coup et spontanément. On laisse passer ce moment qui doit avoir une forte signification. « Un jour, j’ai croisé un employé de la voirie et je l’ai salué d’un logique « Bonjour Monsieur ». Il m’a regardé et m’a répondu « Merci Monsieur. » C’est ma plus belle récompense. »
Inlassable travailleur, Claude aime les livres anciens ou régionaux, le jardinage, travaille la généalogie familiale et apprécie les mots croisés et le sport à la télé : « Dire que Jimmy Vicault, le champion d’Europe est venu dans notre stade » un souvenir semble amuser ce « gamin » fan de chasse : « Cela faisait partie de notre métier d’arpenter les plaines, c’est ma grand-mère qui m’en a donné le goût et qui m’a permis à 14 ans, avant
l’âge légal je le concède, de tirer avec de la poudre noire dont je me rappelle encore la fumée qui partait ». Mais que reste-t-il à son tableau de chasse d’élu local ? Le « jeune » homme devenu raisonnable le jour où il a arrêté de fumer après une opération au poumon, s’en tire encore par une pirouette : « Les ennuis d’élu procurés ne sont que le piment du bonheur apporté. » Claude sourit, hausse les sourcils et glisse sans élever la voix : « Faire du bruit ne fait pas de bien mais faire du bien ne fait pas de bruit. » Annie acquiesce.
L’ex-maire est aussi un homme du présent qui sait regarder la vie en construction. « Un regret cependant, la suppression du canton de Lizy sans que cela ait engendré beaucoup de réactions des élus. L’effet ne s’est pas fait attendre : la fermeture du bureau du trésor Public. Pourquoi pas bientôt la Poste et les pompiers. Rassurez-vous bonnes gens, nous garderons les Restos du coeur. »
« Etre irréprochable » « Chasseur à 14 ans… »
Repères 22 décembre 1938 : naissance à Ocquerre -1962 : diplôme d’ingénieur agronome. Mars 71 : conseiller municipal d’Ocquerre. 1977 à 89 : adjoint au maire. 1989 à 2008 : maire d’Ocquerre - 1995-2001 : président du Pays de l’Ourcq. Mars 2008 : passation de pouvoir.