Ehpad : soignants et personnes âgées en souffrance
Touché par un mouvement de grève inédit, le secteur des établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est en souffrance. Autant du côté des professionnels que des résidents. Pn parle même de « maltraitance institutionnelle ».
Un taux de mobilisation à près de 32 % et des dizaines de rassemblements en France à l’appel d’une large intersyndicale (CGT, CFDT, FO, Unsa, CFTC), c’est du jamais vu dans le secteur de la prise en charge des personnes âgées. « Voilà des mois, voire des années, que les professionnels du secteur alertent sur les conditions de travail et d’accueil des personnes âgées qui se sont considérablement dégradées », constate pourtant Le Figaro. Manque de moyens et de personnels, la situation devient explosive. « On nous demande de réduire les coûts, l’humain, la qualité et d’assurer toujours une prise en charge. Aujourd’hui, on a des usagers qui ne vont pas bien. Demain, ce sera vous, ce sera vos parents ! », prévient Julie Bouchet de la CFDT Santé-sociaux de l’Essonne. « C’est du travail à la chaîne », témoigne sur Cnews, une aide-soignante qui exerce établissements pour l’accueil des personnes âgées dépendantes (Ehpad). Dans son service, elles sont sept pour 82 résidents. « On n’y arrive plus, on court tout le temps. Les douches, c’est au mieux une fois par semaine. Des fois, on oublie les personnes âgées sur les toilettes parce qu’on est appelée ailleurs pour une urgence, quand quelqu’un qui est tombé. Nous sommes dans un cercle vicieux avec aucune reconnaissance de notre métier, un salaire de misère. Quant on est en congé ou en RTT, on nous rappelle parce que des collègues sont en arrêt maladie. » Dans un rapport parlementaire datant de septembre dernier, la députée (LREM) Monique Iborra parle d’un « secteur en souffrance » dont « les défis nécessitent non seulement une prise de conscience des législateurs que nous sommes mais aussi des décisions rapides à court et moyen terme. » On compte actuellement en France, 7 000 Ehpad publics et privés pour 730 000 résidents dont 57 % fortement dépendants, y entrant en moyenne à 85 ans. « L’augmentation du niveau moyen de dépendance des résidents en Ehpad alourdit la charge de travail des personnels soignants rendant les conditions de travail, notamment pour les aides-soignants, particulièrement préoccupantes, tant du point de vue physique que psychologique. Le taux d’absentéisme est en moyenne de 10%, les accidents du travail seraient aujourd’hui deux sept fois supérieurs à la moyenne nationale, plus que dans le BTP. L’organisation du travail est en tension et peut être la source de dégradation importante des conditions d’exercice des métiers de soignants. Dans certains EHPAD, on parle de maltraitance institutionnelle. »
Devoir sociétal
« Dans ce contexte, la réforme tarifaire initiée en 2017, qui prévoit d’aligner progressivement jusqu’en 2023 les dotations aux Ehpad publics et privés, passe très mal. La Fédération hospitalière de France estime que le nouveau mode de calcul des budgets dépendance va faire perdre 200 millions d’euros en sept ans aux établissements publics et obliger de nombreuses structures en difficulté à réduire leur personnel », explique Le Figaro. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn a néanmoins annoncé 50 millions d’€ supplémentaires débloqués, en plus des 100 millions prévus en 2018. « Il en faudrait cent fois plus », tonne sur France Info, Jean Vignes, le secrétaire général de la Fédération Sud santé sociaux. « Aujourd’hui, pour remettre le secteur globalement à flot il faudrait cinq milliards d’euros, si vous rapportez les chiffres aux résidents par jour, c’est 19 centimes. Et 40% d’effectifs en plus, ne serait-ce que pour traiter avec respect les patient qu’il faut pouvoir accompagner en douceur. » C’est vrai que « travailler dans un tel établissement est dur. Il faut un minimum de vocation, une formation solide, un suivi psychologique devant les épreuves terribles que la grande vieillesse impose parfois », écrit avec humanité, l’éditorialiste de L’Union, Hervé Chabaud. « Car tout vie, même dans sa plus petite lueur de discernement, dans ce sourire éphémère, dans ce geste bienveillant, mérite le respect. S’il est un devoir de la société, c’est de ne pas faire de la vieillesse un enfer. »