La Marne (édition Meaux)

«Nous étions un village gaulois», les souvenirs de Bernard Rigault sur l’aéroport

- Comment voyez-vous l’évolution de l’aéroport ? Aymeric FIGUEIREDO

Bernard Rigault, maire de Moussy-leNeuf depuis 41 ans, témoigne de ses souvenirs concernant l’aéroport. Il évoque les bouleverse­ments positifs et négatifs pour sa commune.

Pour cet interview, Bernard Rigault, maire en exercice depuis 1983, ne voulait pas être seul. « J’ai invité Laurent Roudaut, mon adjoint chargé de l’urbanisme et spécialist­e de toutes les questions aérienne ». Bernard Rigault est l’un des plus anciens maires encore en exercice dans le nord du départemen­t. Il a vu et connu l’arrivée de l’aéroport Charles-de-Gaulle (CDG). Retour sur quarante ans de souvenirs, de difficulté­s rencontrée­s avec l’arrivée de cet imposant et bruyant voisin, mais aussi ce que Aéroports de Paris (ADP) a pu apporter dans le territoire.

➜ Comment avez-vous appris l’arrivée de l’aéroport ?

Déjà en 1965, nous connaissio­ns les plans de CDG et le sens des pistes. Ce qui a changé c’est qu’à l’époque, on parlait de deux pistes, il n’y avait pas encore les doublets. Il y avait aussi un projet de piste transversa­le Nord/Sud qui a été supprimé après coup, considéran­t qu’il y en avait une à Orly et que c’était suffisant.

➜ Comment se sont déroulés les travaux ?

Pendant très longtemps on considérai­t l’aéroport comme un domaine réservé. ADP n’avait pas d’obligation à communique­r des informatio­ns au-delà des limites de l’aéroport. Puis, il y a eu un changement politique. ADP ne pouvait plus vivre en autarcie. C’était compliqué pour une «ville» comme eux de ne pas prendre en considérat­ion leurs voisins. De ce fait, une associatio­n de communes riveraines s’est créée, ainsi que le service de l’environnem­ent. On avait au moins des échanges et des informatio­ns. Depuis quelques années, plus rien.

J’ai encore, dans mon bureau, la maquette de l’Airbus A320 qu’ADP nous avaient donné.

➜ Quel est votre souvenir de l’ouverture de l’aéroport ?

En 1974, il n’y avait pas beaucoup de surfaces urbanisées dans le secteur. On était un peu comme des « villages gaulois ». A Moussy-le-Neuf, on est passé de 800 habitants à la fin des années 60, à 1 700 habitants au milieu des années 70. Pour permettre l’accueil du personnel d’ADP, des gens qui habitaient la petite couronne comme Le Bourget ou La Courneuve d’importants travaux urbains ont été réalisés. C’est aussi, très sûrement, dû aux perspectiv­es d’emplois de l’aéroport. Durant tout ce temps, même si nous n’avons plus les chiffres, le pourcentag­e de salariés travaillan­t sur l’aéroport, qui habitaient nos communes, n’est jamais monté au-delà de 15 à 18 %.

➜ Comment le réseau routier s’est-il développé ?

ADP s’est développé, depuis sa mise en service et même encore aujourd’hui, sans se préoccuper de ce qui se passait autour. Il n’a jamais été envisagé qu’on facilite les accès, revoir les différents points d’entrées. Au vu du nombre de salariés sur ADP, cela a créé un flux de circulatio­n important. Certaines routes ne sont pas adaptées au trafic. Les voiries n’ont pas changé de gabarit alors que la population a quasiment été multipliée par 10.

➜ Qu’en est-il du développem­ent de votre commune ?

À Moussy, comme pour Othis, nous avons dû composer avec les lois Chalandon [Albin Chalandon, ex-ministre de l’Équipement et du Logement de 1968 à 1972, NDLR]. Ce plan signifiait que l’État avait passé des accords avec des entreprise­s pour des maisons familiales. Le promoteur construisa­it les maisons, et avec un faible apport, les familles s’installaie­nt et payaient un loyer pendant vingt ans. Puis, ils en devenaient propriétai­res.

Il a fallu aussi construire une école en préfabriqu­é, les stations d’épurations étaient devenues insuffisan­tes. Il avait aussi l’écart de génération à prendre en compte : une population jeune de la petite couronne qui arrive dans un village d’anciens où il n’y avait pas grand-chose, ça a pris un certain nombre d’années à se résorber.

➜ Est-ce que les habitants se plaignent de l’aéroport ?

Non du tout, mais il y a des cas particulie­rs. Une personne est venue nous voir en disant que selon son notaire, qu’aucun avion ne passait au-dessus de Moussy. Nous avons réagi et lui avons dit que quelques avions passaient pour des raisons météorolog­iques ou de trafic aérien, mais ils passaient quand même. Nous lui avons envoyé des plans de l’aéroport ainsi que les procédures de départ et d’arrivée, pour tenter de lui expliquer pourquoi, l’informatio­n qu’elle avait reçue était fausse.

L’évolution portera sur les avions, les conditions de décollage… actuelleme­nt, il y a toujours la question du terminal 4. Mais pas de nouvelles de ce côté-là.

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