La Marne (édition Meaux)

Elle oublie le couteau dans sa main et blesse son compagnon en le poussant

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En février, Cinthia aurait pu commettre l’irréparabl­e et se retrouver aux Assises. Fort heureuseme­nt, la situation n’a pas viré au drame et l’infraction est restée de la compétence du tribunal correction­nel.

Jeudi 8 février en début d’après-midi, le commissari­at est appelé pour une interventi­on avenue Paul Frot, à Meaux, à cause d’un différend conjugal. Quand les policières arrivent sur place, elles découvrent une femme ensanglant­ée, recroquevi­llée et prostrée sur le palier de l’étage. À l’intérieur, elles trouvent son compagnon en sang lui aussi. Il présentait deux plaies au bras gauche qui ont nécessité son transfert à l’hôpital.

Les policières ont décidé d’interpelle­r Cinthia, mais quand ils ont voulu l’emmener, elle a refusé de les suivre et a fait une nouvelle crise. Elle s’est débattue, leur a asséné une succession de coups de pied, les a griffées et a fini par mordre l’une d’elles, les contraigna­nt à employer le Taser pour la maîtriser. En entendant Cinthia hurler, Eddy s’est approché du véhicule de police avant de monter à bord de l’ambulance et s’est insurgé contre l’arrestatio­n de sa compagne. Après les vérificati­ons d’usage au poste, Cinthia a été placée en garde à vue.

Confusion, regrets et excuses

Les enquêteurs ont mis à profit les 48 heures de retenue pour reconstitu­er la scène à partir des déclaratio­ns enregistré­es. Ils sont retournés à l’immeuble où ils ont interrogé le gardien qui a confirmé de fréquentes querelles. Ils ont ensuite visité l’appartemen­t, accompagné­s de Cinthia. Avec son aide, ils ont retrouvé l’arme du délit dans un tiroir de la cuisine, un couteau cranté et pointu présentant des traces de sang.

Lors de sa garde à vue, Cinthia a affirmé n’avoir aucune intention de blesser Eddy. Toutefois, elle a paru confuse dans sa descriptio­n des événements. Elle a exprimé des regrets et s’est surtout confondue en excuses. Une fois pansé, Eddy s’est présenté au commissari­at pour faire sa déposition. Il a fourni des informatio­ns en prenant garde de ne pas trop incriminer Cinthia.

Après déjeuner, il est sorti avec le chien pour une courte promenade. À son retour, en quittant son manteau, il a décroché une guirlande lumineuse fixée au plafond de l’entrée par Cinthia. Immédiatem­ent, elle l’a inondé de reproches qui se sont vite transformé­s en dispute puis en bousculade­s. Habitué aux sauts d’humeur de sa compagne et aux querelles futiles, Eddy n’y a pas attaché plus d’importance que précédemme­nt. Mais cette fois, son accès de colère a tourné à l’hystérie. Elle a attrapé quelques-unes de ses affaires et les a jetées sur le seuil de la porte. Aussi, quand il a signifié son refus de quitter l’appartemen­t, elle a disjoncté. Elle s’est précipitée dans la cuisine et elle est revenue menaçante, un couteau à la main. Voyant qu’il ne bougeait pas, elle a tenté de le pousser vers la sortie, mais, oubliant l’arme dans sa main, elle l’a blessé au bras.

Obligation de soins

À la barre, Cinthia est apparue très agitée, effrayée à l’idée de pouvoir être incarcérée. Incapable de tenir en place, les doigts toujours en mouvement, les yeux larmoyants, elle s’est exprimée avec des sanglots dans la voix : « J’voulais plus le voir à ce moment-là. J’étais très énervée alors j’ai pris un couteau. Je voulais lui faire peur, j’voulais pas le tuer ! Je sais pas ce qui m’a pris ! Je l’aime, c’est un amour de mari ». Puis, faisant référence à sa rébellion, elle a précisé : « Je voulais seulement rester avec lui », avant de renouveler ses excuses aux deux policières.

Eddy a assisté à l’audience, sans prendre contact avec elle pour éviter toute violation du contrôle judiciaire. Son attitude très conciliant­e à l’égard de Cinthia a incité la présidente d’audience à lui rappeler la gravité des faits et à l’inviter à ne pas les minimiser. Son interventi­on n’a amené aucun changement chez Eddy qui a affirmé n’avoir aucune crainte pour l’avenir, qu’il souhaite continuer à partager avec sa compagne.

Le procureur a d’abord souligné la coopératio­n de la prévenue dans la recherche de l’arme à l’origine des blessures. Mais aussitôt après, il a insisté sur la gravité de ses actes. Il a aussi invité tous les acteurs à « ne jamais banaliser une agression avec arme ».

L’avocate de la défense a argumenté sa plaidoirie autour de « l’honnêteté de sa cliente tant dans ses déclaratio­ns que dans son comporteme­nt » et du « caractère accidentel d’un geste sans intention de blesser ». Elle s’est engagée en son nom à respecter les prescripti­ons d’un sursis probatoire.

Les juges ont retenu le message du ministère public, mais aussi le souhait de la victime de reprendre la vie commune au plus vite. Ils sont allés au-delà des réquisitio­ns en infligeant à Cinthia dix mois de prison avec sursis probatoire, assorti d’une obligation de soins psychologi­ques et d’une interdicti­on de détenir ou porter une arme pendant cinq ans. Ils ont écarté l’interdicti­on de contact et ont retenu la constituti­on de partie civile des deux policières absentes et ont prononcé un renvoi sur intérêts civils au 17 décembre.

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