La Marne (édition Meaux)

« Une véritable descente aux enfers », le témoignage d’une maman face à l’impensable

- • Audrey GRUAZ

« Il a tissé sa toile autour de ma fille durant plus de deux ans ». Trois semaines après le passage devant le tribunal de Meaux qui a condamné le coach sportif de sa fille, cette maman continue de vivre un cauchemar. Il faudra du temps à cette famille pour tourner la page de cette histoire et reprendre une vie la plus normale possible. Interview.

➜ L’entraineur de karaté de votre fille, Laurine*, a été condamné le 1er mars par le tribunal de Meaux. Pourquoi voulez-vous témoigner aujourd’hui ?

Pour que cela n’arrive pas à d’autres. Aujourd’hui, nous sommes en reconstruc­tion, mais c’est difficile, il faut oublier que nous lui avons fait confiance pendant 10 ans ! Notre famille a explosé lorsque nous avons compris qu’il avait une relation avec Laurine*. Il a fallu aussi faire accepter à ma fille de 15 ans qu’il avait une emprise sur elle, qu’elle est une victime dans cette histoire. Tout ça prend du temps.

➜ Comment avez-vous découvert cette relation entre votre fille adolescent­e et son coach sportif, âgé de 46 ans ?

On a mis plusieurs mois à tout comprendre. Tout a explosé le 15 octobre lorsque j’ai découvert qu’elle ne dormait pas au Creps ce dimanche-là (Laurine* suit un cursus sport-études de karaté à Châtenay-Malabry, NDLR). Elle était introuvabl­e, ne répondait pas à son téléphone. J’ai contacté tout de suite son entraîneur de Meaux, puisque c’est lui qui devait la redéposer au Creps après sa compétitio­n de karaté. Il m’a menti en me disant qu’il l’avait bien déposé et qu’il ne savait pas où elle était. Mais ça, je ne l’ai découvert que beaucoup plus tard.

Je n’ai pas dormi de la nuit. Le lendemain, elle ne me donnait toujours aucune nouvelle alors que nous sommes très proches normalemen­t. Ce n’est que le soir, vers 20h30, qu’elle va se rendre chez sa grand-mère qui vit à quelques kilomètres de Meaux.

Elle refuse de nous expliquer où elle était, elle donne des explicatio­ns floues et continue à nous mentir en assurant qu’elle échange avec ses entraineur­s du Creps alors qu’en fait, elle est avec lui au téléphone. Là aussi, on ne le découvrira que plus tard.

➜ À partir de ce momentlà, que se passe-t-il pour la maman que vous êtes ?

C’est une véritable descente aux enfers. Chaque jour, Laurine* nous exclut un peu plus, elle ne me parle plus, ni à sa soeur. Je découvre qu’elle a dormi une vingtaine de nuits ailleurs que là où elle disait aller, entre juin et août. Elle prétextait aller dormir chez une ancienne copine qu’elle avait retrouvée, mais elle n’y est allée qu’une seule fois.

Je continue à l’emmener au Creps passer la semaine, les dirigeants ont été d’un immense soutien pour nous. Mais le week-end, quand elle rentre à la maison, la relation est très difficile. Le dimanche 22 octobre, je découvre que ma fille s’est convertie à la religion musulmane, qu’elle porte une bague et un collier avec deux coeurs emmêlés.

Sa soeur découvre dans sa chambre des lettres et la facture du collier qui date du mois d’août. La facture est au nom de son prof de karaté. Et là, je comprends ce qui est en train de se passer. Le lendemain, je suis au commissari­at pour déposer plainte pour corruption de mineur. Dans le même temps, je préviens le Creps qui fait un signalemen­t au ministère des Sports.

➜ Est-ce qu’avoir tout découvert a amélioré les relations avec votre fille ?

Non, c’était pire. Quand elle rentrait les week-ends, elle fuguait tout le temps. Je ne compte plus le nombre de fois où ce sont les policiers de la Bac qui l’ont ramenée. Et quand elle était à la maison, elle portait son parfum, ses vêtements. On n’arrivait plus du tout à communique­r. J’ai écrit au procureur, au ministre des Sports, à la fédération de karaté... mais rien ne bougeait. Début décembre, j’ai demandé à rencontrer Jean-François Copé et je lui ai raconté notre histoire. Le 11 décembre, Laurine* est enfin entendue au commissari­at, c’est une première victoire pour nous.

➜ Et pour la première fois, elle reconnait avoir une relation avec son coach ?

Oui, elle avoue que tous les week-ends où elle disait aller chez une amie, que la nuit du 15 octobre qui a fait éclater la vérité, et que durant plusieurs après-midi au cours de l’été, elle était avec lui. C’est une victoire, mais on sent qu’elle ne nous dit pas tout.

➜ Les choses se sont-elles apaisées après sa déclaratio­n au commissari­at ?

Non, après une nouvelle dispute, elle a fugué à nouveau. Je me suis rendue devant sa maison, il habite à quelques rues de chez nous et je les ai entendus ! J’ai appelé immédiatem­ent le commissari­at, il a été emmené par les policiers. Mais dans le même temps, le procureur a décidé de placer Laurine* dans un foyer d’urgence de l’aide sociale à l’enfance pour la protéger et l’éloigner de lui. Ça a été une décision très difficile à supporter pour nous.

Quelques jours après son arrestatio­n, il a été placé en garde à vue pour corruption de mineur, puis déféré au tribunal.

Sous contrôle judiciaire, il a été suspendu de ses fonctions de gardien d’école par la mairie et a été interdit de donner des cours de karaté. Le procès a été fixé au 6 mars. On pensait approcher de la fin et retrouver ma fille, qu’elle comprenne qu’elle est victime dans cette histoire.

➜ Mais la suite ne s’est pas déroulée comme vous l’imaginiez.

En effet, on a découvert qu’entre le 22 janvier et la mifévrier, il l’a appelé 27 fois et envoyé 142 messages sur Instagram. Quand j’ai découvert tous ces appels et ces messages, je suis allée déposer plainte pour violation de son contrôle judiciaire.

Laurine* a, à nouveau, été entendue au commissari­at, et là, elle a tout avoué aux policiers : elle a confirmé ce qu’on craignait, c’est-à-dire qu’ils avaient des relations sexuelles depuis des mois. Elle m’a même avoué qu’ils s’étaient vus, la nuit, dans notre maison, alors que nous étions là avec sa soeur.

Comme il a violé son contrôle judiciaire, le procès a été requalifié et avancé.

➜ Les procès sont parfois libératoir­es pour les familles de victime. Est-ce que cela a été le cas pour vous ?

On a été très frustré par le déroulemen­t du procès. Ce n’est que la veille de l’audience qu’il a accepté de reconnaîtr­e leur relation, mais il n’a jamais expliqué son geste. Avec la soeur et la grand-mère de Laurine*, nous aurions aimé qu’il s’excuse, éprouve des regrets pour ce qu’il a fait à ma fille, pour l’emprise qu’il a eue sur elle, mais non, il n’a rien dit. Il n’a dit qu’une phrase, répétée plusieurs fois : « ça s’est fait comme ça ».

Aujourd’hui, malgré sa condamnati­on, je n’arrive à vivre sereinemen­t. La question du consenteme­nt de Laurine* n’a pas suffisamme­nt été évoquée au procès, ni la question de son autorité sur elle, même si le président du tribunal lui a bien indiqué qu’il avait « tout fait pour la ramener à lui ».

■ *Le prénom a été modifié En début de semaine, le coach sportif a décidé de faire appel de sa condamnati­on

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