Malgré les actes violents du conjoint, ils reprennent leur vie commune
Menacé de rupture après une dispute, Thierry a tenté de retenir sa compagne contre son gré. Accusé de violences répétées lors d’un dépôt de plainte, il a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Meaux, jeudi 4 avril.
L’histoire débute en avril 2022. Maryvonne quittait alors son pays natal du Cameroun pour s’installer chez son compagnon, Thierry, en France depuis plusieurs années. Un an plus tard, elle partait précipitamment rejoindre des amis à Évreux (Eure), avant de pousser la porte d’un commissariat pour dénoncer Thierry comme l’auteur de violences.
Des disputes récurrentes
D’après la victime, la semaine précédant la plainte, une dispute a conduit le couple à s’affronter « une nouvelle fois ». Paroles après paroles, reproches après reproches, le ton est alors monté. Thierry s’est emporté et lui a plaqué l’index sur la bouche pour la faire taire. N’y parvenant pas, il l’a tapée plusieurs fois au niveau des lèvres avec le doigt. En réaction, elle a décidé de partir et a commencé à rassembler ses affaires, mais Thierry s’y est opposé. Maryvonne l’a d’abord injurié et s’est débattue quand il l’a attrapée par les bras. Il a serré de plus en plus fort et lui a tordu un bras puis un doigt pour l’obliger à s’arrêter. Le calme est revenu un peu plus tard, quand le grand frère de Thierry est arrivé.
Elle a ensuite signalé que cinq autres épisodes s’étaient produits durant leur année de vie commune.
Pour illustrer ses accusations, elle a fourni diverses photographies non datées, une de son visage en sang remontant à six mois environ et d’autres moins anciennes montrant un premier doigt blessé muni d’une attelle, un second doigt très enflé et son cou portant des traces rougies.
Les policiers ont enregistré la plainte de Maryvonne et l’ont transmise à leurs collègues de Lagny-sur-Marne. Pendant ce temps, elle s’est ravisée. Enceinte de seize semaines, elle est revenue vivre auprès de Thierry qui l’a accueillie tout en ayant connaissance de sa démarche auprès de la police.
« Je voulais juste la retenir »
Fin novembre 2023, après avoir partagé un moment avec leur petite fille d’un mois et déjeuné avec sa compagne, Thierry a répondu à la seconde convocation de la police, la première ne lui étant jamais parvenue. Aussitôt après son interrogatoire au cours duquel il a reconnu les faits les plus récents, mais nié toute violence antérieure, il s’est retrouvé en garde à vue.
Dès le lendemain, il est ressorti sous contrôle judiciaire lui interdisant de regagner son domicile. Maryvonne a très vite réagi et a demandé à retirer sa plainte. «Je suis seule en France. J’ai besoin de Thierry pour élever notre enfant », indique-t-elle alors. Mais le Parquet de Meaux, très engagé dans la lutte contre les violences conjugales, a maintenu les poursuites et Thierry a comparu un an après les derniers faits.
La thérapie entamée volontairement avec un psychologue, avant d’être entendue par la police, et sa participation à un groupe de parole dans le cadre de son contrôle judiciaire ont amené Thierry à appréhender toutes les formes de violences et à adopter une autre perception de la situation.
À la barre, il est apparu très ému. Il a changé de position et a reconnu les faits en précisant toutefois n’avoir jamais frappé Maryvonne. Auparavant, il ignorait que ses gestes étaient des violences. « Je ne savais pas qu’on n’avait pas le droit d’empêcher une personne de partir. Je voulais juste la retenir. Elle était enceinte et elle est tout pour moi », clame-til. Ses propos ont aussitôt fait réagir la présidente d’audience. « L’amour ne justifie pas tout, et surtout pas les coups », lui assène-t-elle.
Puis, elle a poursuivi son instruction en questionnant Thierry sur les blessures. Sa réponse : «Je ne voulais pas la blesser. C’est certainement arrivé quand elle s’est débattue, mais ça n’était pas volontaire » n’a pas convaincu la juge qui n’a pas manqué de lui opposer le cliché du visage ensanglanté. Il s’est défendu de tout acte violent en expliquant que les altercations provoquaient parfois chez Maryvonne un choc émotionnel occasionnant une hémorragie nasale.
Un retour à la vie commune sous surveillance
Le procureur de la République a porté une appréciation négative sur l’attitude de Thierry. « Votre reconnaissance de culpabilité est ambiguë. Vous reconnaissez les violences, mais pas les coups ! Je suis inquiet, car vous jouez sur les mots et avez tendance à minimiser votre responsabilité », souligne-t-il. En ne demandant pas d’interdiction de contact, il a intégré dans ses réquisitions le souhait partagé par la victime et le prévenu de reprendre la vie commune et de donner un cadre familial au bébé. Toutefois, il a requis un sursis probatoire et des soins psychologiques afin d’assurer un encadrement et prévenir tout risque de récidive.
Après avoir évoqué le rapport à la violence généré par la différence de culture, l’avocate de la défense a pris le contrepied du ministère public. Elle s’est dite rassurée par l’initiative de soins psychologiques de son client avant toute obligation et par les mois sans heurts vécus par le couple avant le procès. Et aussi par le comportement de celui-ci ayant continué à assumer les charges du logement et à assurer la subsistance de la maman et du bébé pendant la mesure d’éloignement.
La juge a suivi le procureur en infligeant à Thierry six mois de prison avec sursis probatoire, assortis d’une obligation de continuer les soins et de suivre un stage sur les violences conjugales. Elle a conclu son délibéré en lui rappelant qu’il sera sous la surveillance du juge d’application des peines (JAP) pendant deux ans et devra « se tenir à carreau ».